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1 octobre 2016 6 01 /10 /octobre /2016 06:00
Victor Hugo dans les Misérables était locavore ou comment transformer la merde en or…« l’argent n’a pas d’odeur » Pecunia non olet

Le concept d’agriculture urbaine en vogue doit faire sourire, plus ou moins jaune, les tenants d’une agriculture dite moderne : un joujou pour bobos en quête d'un pansement sur leur mauvaise conscience d’urbains bien lotis ; confortés qu’ils sont par la hautaine ignorance du 78 rue de Varenne peuplé de hauts ingénieurs qui ne mettent même plus les pieds dans les vrais champs puisqu'ils ont le nez dans leurs papiers.

 

Sans donner aux initiatives allant dans le sens d’une forme de reconquête de territoires urbains un impact déterminant dans la prise de conscience  des consommateurs urbains de leur responsabilité dans le maintien d’une agriculture et d’un élevage tournés vers la seule productivité, les traiter par le mépris ou en faire des hochets de communication politique, relève de notre goût immodéré pour les solutions dites globales, proclamées et jamais mises en œuvre.

 

Les innovateurs, les précurseurs, les lanceurs d’alerte ont de tout temps été raillés, moqués, avant parfois d’être encensés par les habituels ouvriers de la 25e heure.

 

Ce matin, un peu d’Histoire, sans vocation d’exemple à suivre, mais simplement pour dire que si nous les citoyens urbains ne nous prenons pas par la main, attendons tout en gémissant des politiques, aucun virage sérieux ne sera pris dans la gestion de l’impact des villes sur l’environnement, la gestion des déchets, la pollution de l’air… etc.

 

« Ces tas d’ordures du coin des bornes, ces tombereaux de boue cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c’est ? C’est de la prairie en fleur, c’est de l’herbe verte, c’est du serpolet et du thym et de la sauge, c’est du gibier, c’est du bétail, c’est le mugissement satisfait des grands bœufs le soir, c’est du foin odorant, c’est du blé doré, c’est du pain sur votre table, c’est du sang chaud dans vos veines, c’est de la santé, c’est de la joie, c’est de la vie. »

 

À Paris « bien que les égouts d’Haussmann aient purgé la capitale avec la plus grande efficacité, la Seine n’offrait pas un courant suffisant pour évacuer les effluents. Aussi le fleuve n’était-il qu’un noir marécage gargouillant sur plus de 70 kilomètres en aval. 

»

Ce fut Pierre Leroux, philosophe de renom dont la théorie du circules constitua, en 1834, une réfutation directe de celle de Malthus. En effet, « il affirmait que si les hommes étaient à la fois producteurs et consommateurs, s’ils se contentaient de recycler leurs propres déchets, ils ne manqueraient jamais de nourriture. Sa théorie l’exposa longtemps aux railleries, mais tandis qu’il pansait ses blessures durant son exil à Jersey, il trouva un converti persuasif en la personne de Victor Hugo. Ce dernier fut tellement convaincu par les arguments de Leroux qu’il s’écarta du fil narratif des Misérables pour philosopher sur le sujet. » (texte ci-dessus).

 

« En 1867, cinq ans après la parution des Misérables, l’ingénieur hydraulicien Adolphe Mile, déjà converti à l’épandage des eaux d’égout, persuada son supérieur, Eugène Belgrand,  de l’expérimenter à Paris. Dans une ferme de Clichy, Mille prouva non seulement que l’irrigation de son terrain sableux avec des eaux usées filtrait ces dernières avec tant d’efficacité qu’elles sortaient plus pures que si elles avaient été traitées chimiquement, mais en outre cette technique rendait la terre extrêmement fertile. Comprenant 27 variétés de légumes, la première récolte expérimentale atteignit une valeur marchande six fois supérieure à celle du blé cultivé autrefois sur ce site, et sa qualité lui valut de de nombreux compliments à l’Exposition universelle de 1867. Ces résultats ravirent Chadwick qui avait soutenu le projet de Mille et l’avait défendu contre ceux qui rechignaient à l’idée de cultiver à l’idée de cultiver des terres amendées d’eaux usées :

 

« À Paris, je persuadai feu l’Empereur de faire exécuter des essais en ayant recours à l’épandage des eaux d’égout, qui produisirent, même si l’engrais n’était pas de la meilleure qualité, une énorme quantité d’herbe ; celle-ci fut jugée par un  membre de l’Académie bien trop drue et impropre à servir de fourrage. Je décidai de m’en remettre sur ce point au jugement d’une vache, à laquelle fut offert le choix entre de l’herbe engraissée à l’eau d’égout ou non ; son avidité montra que la première avait sa préférence, et son jugement fut confirmé par la production d’un lait d’une qualité supérieure, et de beurre en plus grande quantité. »

 

Il sembla que la merde pouvait être transformée en or.

 

« En 1869, Mille et son assistant, Alfred Durand-Claye, créèrent la première usine municipale au monde de traitement des eaux usées à Gennevilliers, paisible petite commune séparée de Clichy par la Seine. Afin de surmonter la résistance des riverains à l’implantation de l’usine, ils proposèrent à 49 agriculteurs d’irriguer leurs champs gratuitement. L’année suivante, les ingénieurs furent submergés de de demandes d’autres cultivateurs souhaitant bénéficier de l’irrigation de leurs propres terres. Les résultats  furent si remarquables que Napoléon III se sentit obligé de venir visiter la ferme expérimentale. Il arriva incognito, mais repartit les bras chargés de savoureux légumes. En 1900, 5000 hectares furent ainsi irrigués à Gennevilliers, chaque hectare recevant 40 000 m3 d’eaux usées par jour et produisant 40 000 choux, 60 000 artichauts ou 100 tonnes de betterave à sucre par an. Les eaux d’égout étaient utilisées pour arroser les racines des plantations, sans jamais toucher les tiges ou les feuilles, et ressortaient si pures après avoir été filtrées par le sol qu’elles pouvaient servir à un usage domestique. D’un petit bourg de banlieue, Gennevilliers devint le fournisseur agricole le plus prisé de la capitale, les meilleurs hôtels de Paris s’arrachant ses produits et les visiteurs venant s’émerveiller devant ces « véritables jardins d’Éden ».

 

 

 

Rappelons aux sceptiques – pas les septiques – que la célèbre maxime « l’argent n’a pas d’odeur » Pecunia non olet est de la bouche de l’empereur Vespasien qui leva des fonds en instaurant une taxe sur l’urine rejetée dans les latrines publiques. IL répondait, selon Suétone, à son fils Titus qui trouvait cette taxe indécente, en lui mettant l’argent de l’impôt sous le nez.

 

Extrait de Ville affamée de Carolyn Steel rue de l’Échiquier

 

Lire Experts contre experts : les champs d’épandage de la ville de Paris dans les années 1870 par Sabine Barles 

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commentaires

P
L'argent n'a pas d'odeur ? C'te blague! Depuis cette déclaration de Vespasien elle est reprise par les mercantiles et cyniques de tout bord. Les protestants , par exemple,cachent leur passion pour cette "merde" ainsi clairement nommée selon les analyses définitives et enfin lucides de Freud, derrière leur foi et obéissance aux textes sacrés : chacun à une bonne raison pour s'enrichir qui semble de plus en plus être le seul et unique but de l'existence.<br /> L'argent n'a pas d'odeur ? Il s'agit la d'un habile postulat, d'une convention préalable qui permet tous les usages , toutes les pratiques sans encourir la réprobation de qui que se soit . Il est difficile de gagner son premier milliard mais une fois fait personne ne vous demandera comment vous y êtes parvenu ( et oui, parvenu , c'est tout dire)<br /> L'argent n'a pas d'odeur ? C'est tout le contraire sinon on ne s'explique pas pourquoi ceux qui font profession d'en amasser ( pour créer des emplois - hihihi!) ont besoin d'être toujours tiré à quatre épingles et ne cesse de faire et refaire régulièrement leurs bureaux et sièges sociaux . Ils savent dans quoi ils pataugent et que les mauvaise odeurs sont difficiles à masquer comme celle des mains de la poissonnière toujours plongée dans la caque .e
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