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18 juillet 2016 1 18 /07 /juillet /2016 06:00
Vous aimez ce vin nature : justifiez-vous !

Dans le cadre des nombreuses et brillantes cérémonies organisées pour fêter mon passage au millésime 68, j’ai eu à subir un étrange et arrogant questionnement.

 

Les faits : je dînais à l’une de mes tables favorites et, alors que je m’apprêtais à quitter le lieu, le chef me proposa de partager une belle bouteille avec des clients assemblés autour de la table d’hôte. Parmi eux des personnes de connaissance, lecteurs, amis sur Face de Bouc, j’acceptais.

 

Le chef me proposa une bouteille de vin de macération naturiste en diable.

 

J’opinais sans réserve.

 

Quand le vin est tiré il faut le boire.

 

Nous trinquâmes dans les règles.

 

Dans le tour de table, face à moi, une matrone, au visage guère avenant, me laissa à peine le temps de tremper mes lèvres dans le breuvage, me fusillant du regard, elle lâchait avec une moue méprisante :

 

- Vous aimez ça ?

 

Surpris mais peu enclin à me laisser agresser par quelqu’un que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam, je contentai d’un : oui sec !

 

Le revers fut tout aussi rageur et cinglant :

 

- Développez !

 

Autour de la table, dans un silence gêné, les convives attendaient mon retour à deux mains mais comme je n’avais aucune envie d’en découdre, de me justifier face à une adversité fielleuse je me contentai d’un : j’aime et ça suffit à mon bonheur !

 

La mégère non apprivoisée ne lâchait pas prise : «c’est un peu court comme réponse !»

 

J’étalais un sourire narquois qui multipliait la fureur intérieure de l’aigre.

 

À ma gauche une jeune femme, mezzo voce, me disait : moi j’aime ce vin.

 

Moi je consommais.

 

En face, la madame fulminait avec des mots choisis que je vous épargne mais qui se résumaient en « si vous n’avez rien à dire sur ce vin c’est qu’il n’y a rien à en dire.

 

Je reposai mon verre pour stopper sa logorrhée vinaigrée : « madame je n’ai nul besoin de mettre des mots sur mes émotions… c’est vrai aussi bien pour le vin, que pour la musique… la peinture. »

 

Autour de la table on respirait, la passe d’armes aussi déplacée que virulente laissait la place à une conversation normale.

 

Pour la bonne compréhension du contexte cette petite escarmouche s’est déroulée dans un restaurant dont la carte des vins est exclusivement nature. Quant à la désagréable je sais par la magie de Face de Bouc qu’elle était là par la grâce d’une invitation du chef.

 

Alors pourquoi tant de haine face à ce vin de macération ?

 

Je ne sais mais ce que je sais c’est que ce type de comportement est le lot de ceux qui voient dans les vins nus, comme le dirait mieux que moi l’Apollon de Barcelone, des vins d’évier, des vins de bobos parisiens snobs, des friqués qui se la pètent.

 

Libre à eux de ne pas aimer, c’est leur droit le plus strict, mais qu’ils arrêtent de nous faire chier !

 

Au-delà de cette anecdote, plus largement je ne supporte plus l’engeance dégustative qui, à propos de tout et de rien, transforme le plaisir du vin en une forme de contrôle des connaissances : je n’en ai rien à péter d’identifier le cépage ou d’étaler une science du vin que je ne possède pas.

 

Bref, le vin de macération était bon, j’étais là pour fêter mon anniversaire non pour subir un interrogatoire musclé de la part de quelqu’un qui ne s’est même pas présenté : les bonnes manières se perdent ma bonne dame.

 

L’invitation du chef et ma présentation à la tablée par lui, trop aimable, trop élogieuse, est sans doute aussi pour une part dans l’ire de la revêche.

 

Sur le chemin du retour, Élisa Berthomeau me confiait qu’elle avait eu très envie de river le clou à cette malpolie. Elle trouvait, à juste raison, que ça ne faisait pas de tomber sur le râble de quelqu’un avec autant de véhémence à propos d’un simple verre de vin. Je lui répondais qu’avec ce genre de personnage il faut être économe de ses mots et qu’engager le fer ne sert à rien.

 

Et puis le lendemain dans ma revue de presse j’ai noté ceci :

 

«Ne pas trouver les mots pour décrire ce que l'on ressent en matière de goût, d'odeur et de texture est tout à fait naturel. Tout simplement parce que les mots et les sensations ne se forment pas dans les mêmes zones du cerveau.»

 

«J'irais jusqu'à dire que certaines sensations sont indicibles. Quand vous êtes bouleversé par une belle musique, vous ne parvenez pas à en expliquer la raison. C'est pareil. C'est pourquoi il est important de ne pas trop intellectualiser la dégustation, qui est plus un exercice sensuel qu'intellectuel».

Denis Dubourdieu

 

Merci pour ce moment de partage chère madame que Face de Bouc me demande avec insistance depuis d’intégrer à mes amis.

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commentaires

M
Super! <br /> Voilà pourquoi ma grand-mère me demandait simplement quand je dégustais un fricandau , ou des boles de picolat : Hein, nin, que tu te régales ?
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