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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 06:00
La Tartarie du steak « Quand le seigneur à envie de boire, les coupes se soulèvent de leur place sans que nul ne les touche et s’en vont devant le seigneur… » Michel Strogoff, Giovanni Drogo, Jules Verne et Dino Buzzati

Bien avant de consommer un steak tartare, ce que je n’ai fait que sur le tard vu que chez moi dans ma Vendée profonde manger de la viande crue aurait relevé de la barbarie.

 

Dans nos esprits peu éveillés le barbare absolu était Attila « le fléau de Dieu » « Là où mon cheval passe, l'herbe ne repousse pas. » et ses Huns, peuple asiatique turco-mongol, de langue turque, tribus nomades qui surpassèrent les autres « dans la maîtrise du cheval, grâce à leur promptitude et à leur étonnante mobilité, ainsi qu’à la dextérité de leurs cavaliers, entraînés dès leur plus jeune âge. Cette habileté, couplée à l’arc court pouvant être utilisé depuis le dos de la monture, fut un avantage lors des nombreuses batailles que livrèrent les Huns. »

 

« Les Huns furent des éleveurs consommant principalement de la viande (en abondance, qu’ils mangent crue et qu’ils font aussi sécher) et des produits laitiers. La chasse avait également une grande importance dans leur économie, notamment la chasse des grands-roi pour l’alimentation de l’armée.

 

Leur bétail fournissait également le cuir, la laine et les os. Le cuir servait à la fabrication des bottes, du harnachement, du carquois ; la laine à celle du feutre des tentes, des capes et peut-être des tapis. »

 

Ils pratiquaient l’infanticide des filles et le géronticide.

 

Bref, de quoi peupler mes nuits de rêves d’images sanglantes.

 

Les tartares sont apparus dans mon imaginaire par la littérature :

 

- Michel Strogoff le roman de Jules Verne paru en 1876

 

 

Michel Strogoff, capitaine cosaque, est chargé par le Tzar Alexandre II de porter une lettre stratégique de Moscou à Irkoutsk, pour prévenir le grand-duc, frère du Tzar, de l’arrivée prochaine de hordes tatares commandées par un officier russe félon, Ivan Ogareff, à la solde d’un Khan de Boukhara, Feofar Khan, en révolte contre l’empire russe et qui essaye de déstabiliser le Kirghizstan puis la Sibérie.

 

La naissance du steak tartare à Paris

 

Jules Verne n’a pas inventé le steak tartare, mais c’est le succès de sa pièce de théâtre (Jules Verne en 1880 a adapté Michel Strogoff pour le théâtre) qui a incité les cuisiniers des plus grandes brasseries parisiennes se sont inspirés du « Koulbat » de la pièce de théâtre en créant cette recette à base de viande de boeuf ou de cheval, coupée en petits morceaux et servie crue avec un œuf et des épices. Cette recette sanguinaire collait parfaitement à l’image des tatars, qui depuis leurs présumés ancêtres « les Huns » mangeaient de la viande crue, attendrie seulement sous la selle de leurs chevaux !

 

Cette recette est donc inspirée de seulement cinq répliques de la scène 5 de l’acte 2 entre deux personnages secondaires, un journaliste anglais Harry Blunt et un hôtelier tatar le Maître de Poste :

 

...

 

LE MAÎTRE DE POSTE. – Je puis offrir à Monsieur du koulbat.

BLOUNT. – Quelle est cette chose... koulbat ?

LE MAÎTRE DE POSTE. – Un pâté fait avec de la viande pilée et des œufs.

BLOUNT. – Alors, servez koulbat. Et vous avez encore ?

LE MAÎTRE DE POSTE. – Du kwass.

 

Bien évidemment cette anecdote, au fin fond de mon bocage, je l’ignorais.

 

Michel Strogoff fut adapté au cinéma en 1956 par Carmine Gallone, je l’ai vu au REX de la Mothe-Achard, avec de grands acteurs : Curd Jürgens : Michel Strogoff/Geneviève Page : Nadia/Jacques Dacqmine : Le grand-duc/Sylva Koscina : Zingara/Gérard Buhr : Blond/Jean Parédès : Jolivet/Françoise Fabian : Natko/Henri Nassiet : Ivan Ogareff/Sylvie : Marfa Strogoff/Louis Arbessier : le tsar/Michel Etcheverry : le général Krisloff…

 

 

Les yeux bleus d’acier de Curd Jürgens, brûlés, la beauté des femmes : Geneviève Page, Sylva Koscina, Françoise Fabian, ma machine à rêves les plus fous.

 

- Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari) roman de Dino Buzzati paru en italien en 1940, traduit en français par Michel Arnaud, publié en 1949 aux éditions Robert Laffont.

 

 

Ce roman je l’ai lu adolescent et il a beaucoup compté dans ma destinée de petit Vendéen crotté :

 

« Tout près de la frontière, aux confins de mon univers connu, j'attendais le jour où la vraie vie commencerait. J'étais le clone de Giovanni Drogo, ce jeune ambitieux pour qui " »tous ces jours qui lui avaient parus odieux, étaient désormais finis pour toujours et formaient des mois et des années qui jamais plus ne reviendraient... » Aux yeux du clan des femmes je croissais, en âge et en sagesse, dans l'étroit périmètre de notre bocage cernée de hautes haies, alors que je ne poussais vraiment que dans l'obscurité du Rex et du Modern. Perfusé par les yeux verts et le nombril de Debra Paget dans le Tigre du Bengale et par les bas de soie glissant sur les cuisses diaphanes de Catherine Deneuve dans Belle de Jour, je me lignifiais en silence. Jour après jour j'accumulais la chlorophylle des belles étendues sur le papier glacé des magazines de mode de ma mère. Je thésaurisais de la beauté pour gagner les centimètres qui me placeraient au-dessus du commun. C'était le bonheur de jours passés à regarder filer les heures, hors des limites du réel, avec pour seule ligne d'horizon la belle destinée qu'allait m'offrir la vie, au plus haut, à l'étage des seigneurs. Quand parfois le doute m'effleurait - allais-je pouvoir m'extraire de ce monde contraint ? - je me parais des oripeaux d'Edmond Dantès, le trahi, le paria surgi de nulle part accomplissant son implacable vengeance ; les yeux topaze d'Yvonne Furneau m'irisaient... »

 

  • Le Désert des Tartares, Valerio Zurlini, en fit un film sorti sur les écrans en 1976, avec une brochette de grands acteurs : Vittorio Gassman : Filimore/Giuliano Gemma : Mattis/Philippe Noiret : le général/Jacques Perrin : le lieutenant Drogo/Francisco Rabal : Tronk/Fernando Rey : Nathanson/Laurent Terzieff : Amerling/Jean-Louis Trintignant : le médecin-major Rovin/Max von Sydow : Ortiz.

 

Le beau Jacques Perrin incarnant Giovanni Drogo je me voyais bien me glisser dans sa peau…

 

Mon premier tartare je l’ai mangé à Paris dans une grande brasserie dont j’ai oublié le nom.

 

Les origines du steak tartare sont difficiles à déterminer, plusieurs versions circulent :

 

  1. « Parce qu’à l’origine, le tartare est tout sauf français. Il n’est même pas européen. Il nous vient en réalité des Cosaques Zaporogues et non des Tartares, que nous avons rencontrés en Ukraine et dont nous avons piqué l’idée au début du XVIIème. Nous avons amalgamé Cosaques et Tartares car leurs cultures de cavaliers nomades d’Asie centrale étaient suffisamment semblables aux yeux des Français du XVIIème siècle pour être confondues. Les Zaporogues plaçaient des filets de viande de cheval crue et salée sous leur selle et galopaient jusqu’à totalement vider la viande de son sang, puis la mangeaient simplement tranchée ensuite. Nous avons repris l’ingrédient de base, mais sans la selle, et avec deux ou trois ingrédients supplémentaires bien locaux. La viande de cheval est utilisée chez nous aussi, mais la plus courante de nos jours reste le boeuf. »

2. « le steak tartare tel que nous le connaissons aujourd’hui nous provient plus probablement de la ville de Hambourg, en Allemagne, où l’on servait un plat de viande hachée assaisonnée et généralement crue, accompagné d’oignons et de chapelure. Ce plat, appelé « steak d’Hambourg », a donné naissance à deux mets tout à fait différents, mais néanmoins très populaires, le steak tartare et le… hamburger.

 

La ville d’Hambourg étant une très grande ville portuaire, il fût facile pour le steak d’Hambourg de se transporter à travers les grandes villes maritimes d’Europe, et c’est probablement en Belgique qu’il est devenu ce que nous connaissons comme le steak tartare, c’est à dire une préparation de cheval ou de boeuf hachée au couteau (car c’est la tradition, même si plusieurs endroits le font au moulin) et assaisonnée de mayonnaise, de câpres, de cornichons, de moutarde, de sauce forte... C’est d’ailleurs en raison de son origine belge que l’accompagnement traditionnel du steak tartare est la pomme frite. »

 

Selon chef Simon du Monde la Recette de tartare de boeuf pour 4 personnes se décline ainsi :

 

 

400 à 500 g de filet de boeuf (vous pouvez également utiliser toutes les pièces de boeuf tendres) - 4 échalotes ciselées (ou oignons blancs) - 4 cuillers à soupe de câpres - 1/2 bouquet de persil plat - 10 cornichons - 4 jaunes d'oeufs - 4 cuillers d'huile de tournesol - 2 cuillers à soupe de worcestershire sauce - 2 cuillers à soupe de moutarde - Quelques gouttes de tabasco - sel et poivre du moulin.

 

 

Mais revenons à la TARTARIE la Terre des diables extraits de l’Atlas des Contrées Rêvées de Dominique Lanni chez Arthaud illustrations Karin Doering-Froger.

 

« Il en est des Empires comme des glaciers qui couvrent le flanc des montagnes : ils grandissent ou s’amenuisent selon les âges. Celui que le Moyen Âge appelait Tartarie s’étendait au XIIIe siècle de l’Oural à l’océan Pacifique. Et si les Tartares désignèrent le peuple mongol, leur territoire dépassait les frontières qu’on leur connaît actuellement : Gengis Khan les mena jusqu’aux portes de l’Europe. Au milieu du XIIIe siècle, la chrétienté s’interroge avec anxiété et effroi sur « cette race épouvantable de monstres qui n’ont rien d’humain. »

 

« En 1245, le pape Innocent IV charge le franciscain Giovannni di Pian Carpino d’une mission pour le moins délicate : se rendre auprès du Grand Khan Guyuk afin « d’examiner toutes choses avec soins. »

 

Malgré les risques le moine est convaincu de « porter la bonne nouvelle au-devant de « nations barbares ».

 

Dans son Histoire des Mongols il livre ce portrait :

 

« L’aspect des individus diffère de celui des autres hommes. Entre les yeux, en effet, et entre les pommettes, ils ont plus d’écartement que les autres hommes. De plus leurs pommettes sont saillantes par rapport aux joues, ils ont le nez plat et petit, ils ont les yeux petits et les paupières tirées jusqu’aux sourcils. Ils ont, en général, la taille mince, sauf quelques-uns ; presque tous sont de statures moyennes. »

 

Louis IX, le futur Saint-Louis, en 1254-1255, envoie lui aussi un franciscain, le flamand Guillaume de Rubrouck, auprès du Grand Khan.

 

Mais c’est Marco Polo, « le vénitien raffiné, rompu aux mœurs d’une Italie déjà saisie du frisson de la renaissance » qui fera disparaître la frontière entre l’Occident médiéval et cet empire du bout du monde.

 

Le chroniqueur Rustichello de Pise, sous la dictée de Marco Polo écrira sur la découverte des mondes inconnus apportant son lot de merveilles.

 

« Ces enchanteurs, dont je vous ai parlé, font tant par leurs enchantements que, quand le seigneur à envie de boire, les coupes dont je vous ai parlé, se soulèvent de leur place sans que nul ne les touche et s’en vont devant le seigneur… »

 

Que boire avec votre tartare ?

 

Je vous conseille : BRUTAL

Rouge brutal 2012
 

 

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commentaires

P
Comme toujours, miam miam... Mais quid de la querelle des partisans du "coupé au couteau" et des autres ? Cela n'est peut être pas négligeable surtout quand on voit des tartares arriver sur-moulinés en purée. Mais il faut dire qu'il y a des " coupé au couteau" qui ressemblent à une assiette prête pour une fondue bourguignonne .
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