Moi qui ne suis qu’un modeste Taulier blanchi sous le harnois je m’enorgueillis d’être un vieil ami du patriarche du Château le Puy : Jean-Pierre Amoreau. Ça ne date pas d’hier même que Jean-Pierre fut un membre assidu du club « Sans Interdit ». Temps héroïques où les petits génies de la dégustation, avec l’appui de l’INAO de Bordeaux, qui fermaient les yeux sur de drôles de pratiques dégustatives dans la grande bassine bordelaise, se drapaient dans l’intransigeance, dégainaient leur typicité pour envoyer le Château le Puy au fossé des vins de table. Souvenir de discussions au téléphone avec Jean-Pierre qui se désespérait et, fort justement, avait envie d’en découdre avec ces sinistres pratiquant du croskill niveleur du soi-disant standard de l’appellation. Ce combat n’est pas gagné. Comme le fait remarquer Pascal, le fils de Jean-Pierre « Les dégustateurs de Quali-Bordeaux, organisme d’agrément, sont formatés à un goût. Il leur est demandé en amont de goûter un vin qui va servir d’étalon. Cette standardisation des vins n’est pas acceptable ».
Paria donc la famille Amoreau qui à Saint-Cibard cultive l’authenticité par le vin de père en fils depuis 1610 « sur le même plateau rocheux que saint-Emilion et Pomerol, surplombant la magnifique vallée de la Dordogne » Les anciens l’appelait « le Coteau des Merveilles ». Les goguenards, toujours en retard d’une guerre, les railleurs, tout le petit monde des suiveurs, les ignoraient. Et c’est alors que ce sont pointés, en septembre 2010, nos amis les amateurs japonais. «Un manga japonais fait d'une cuvée sans histoire un vin culte » il s’agissait bien sûr des Gouttes de Dieu,link. Avec délice, et une satisfaction à peine contenue, j’écrivais alors que cuvée sans histoire prêtait à sourire – si tant est que les emmerdements puissent faire sourire – car c’était ignorer que le château le Puy a connu, et connaît encore, bien des déboires avec le système officiel de la dégustation qui lui a retoqué, et lui retoque encore, des cuvées pour les habituelles divagations sur la typicité, « l’air de famille »link
Je montais alors sur mes grands chevaux pour pourfendre les grands experts du goulot « Bref, encore une mornifle sur la joue de ceux pour qui dégustation (agrément) rime avec exclusion de tout ce qui n’est pas à la hauteur du plus petit commun dénominateur. Accepter la différence, la prendre en compte dans l’exercice périlleux des dégustations d’agrément, en finir avec le rabot niveleur de « l’air de famille » me paraît, au vu de ce qui vient de se produire, le minimum d’intelligence que l'on puisse attendre. Ce sont les consommateurs qui sont les seuls juge »
Cerise sur le gâteau de cet épisode médiatique, comme l’ami Jean-Pierre avait confié au journaliste de Libération qu’il « connaissait l'existence du manga grâce à une note lue sur le blog de Jacques Berthomeau. » je connus les joies extatiques du premier gros buzz sur mon espace de liberté. Comme quoi amitié et fidélité ont de beaux retours. Je profite de cette minute de célébration pour saluer la constance de Patrick Beaudouin à soutenir la cause de Jean-Pierre Amoreau.
Mais ce n’est pas tout car voilà t’y pas qu’en janvier de cette année 2013 tombait la nouvelle : « Jean-Pierre Amoreau et son fils Pascal, à la tête du château Le Puy, situé à Saint-Cibard (Gironde), ont déposé un dossier auprès de l’Inao pour qu’une partie de leur vignoble actuellement en AOC Côtes-de-Francs passe en appellation Le Puy, AOC qu’ils souhaitent voir reconnaître. » Tout ça datait d’août 2011, où Jean-Pierre a déposé un dossier auprès de l’Inao. « Le service juridique a jugé que sa demande pouvait être instruite. Sa demande ? Ni plus ni moins que de changer d’appellation pour une petite partie de ses vignes, à savoir 5 ha en AOC Côtes-de-Francs, sur les 50 ha que compte le domaine. La famille Amoreau voudrait voir passer ces 5 ha sous leur propre appellation, baptisée Le Puy » Pour les détails lire ICI link et link
J’adore le panache surtout lorsqu’il est le fait de quelqu’un comme Jean-Pierre pour qui « Etre vigneron, c’est être observateur, curieux, méditatif, travailleur, hardi, méticuleux, amoureux de la nature et des êtres vivants, respectueux de ses semblables. » Affaire à suivre, donc…
Reste qu’à Paris, Château le Puy, a toujours eu dès son ouverture boulevard de la Madeleine, un soutien et une fidélité sans faille de LAVINIA. Dans les entrailles du grand caviste, au cœur de l’espace précautionneux, le Château le Puy occupait un bel espace. Chapeau aux dirigeants de Lavinia. Et ça ne faiblit pas puisque, un soir de cette semaine, rentrant sur ma flèche d’argent de dîner avec le Bout de ma langue, je découvrais une vitrine entièrement dédiée au Château le Puy. Vous me connaissez, samedi dernier j’y suis retourné et je suis tombé nez à nez avec Yannick Branchereau. Bien reçu le Taulier ainsi il a pu réaliser tous ses petits clichés en père peinard. L’a aussi dégusté le millésime 2008.
En passant notez chers lecteurs la bonne synchro de la RVF:
84e Yannick Branchereau
184e Jean-Pierre Amoreau
Vraiment top la mise en avant de Château le Puy, bonne approche de l’extension du domaine du vin : l’intérêt des consommateurs à la dégustation était évident. Un grand jeune homme barbu, accompagné de sa compagne (oui j’ose tout) marquait son étonnement en soulignant qu’il ne s’imaginait pas qu’on puisse produire un tel vin à Bordeaux. Ils sont repartis bardés de quilles de château le Puy. Les actes valent mieux que les plus beaux discours. Le taulier est reparti tout guilleret sur sa flèche d’argent en pensant aux ouvriers de la 25e heure qui volent au secours de la victoire…