Pour faire pièce à une chronique de Laurent Bazin sur son blog « le vin de mes amis » http://levindemesamis.blogspot.com/2010/01/un-bon-vin-cest-combien_16.html , où il commentait les résultats d’un sondage, réalisé par lui auprès de ses lecteurs au fil de son blog, se résumant à une question « Un bon vin c’est combien ? », je prends, vous vous en doutez, avec un peu de malice le contre-pied en m’interrogeant gravement – je garderai ainsi la maîtrise des réponses c’est plus confortable – « Un mauvais vin c’est combien ? » L’ami Laurent concède que l’intitulé de sa question est un poil vicieux mais, lui qui est un observateur privilégié du champ public, a-t-il un jour lu une question de sondeur patenté qui ne fut pas biaisée ? La notion de bon vin, qui rejette tous les autres dans l’infamante catégorie des mauvais, enferme le sondé dans un choix binaire fort réducteur du même type que celui entre le beau et le laid, entre le bien et le mal... Bref, si ce n’était qu’une affaire de goût ou de référence à un système de valeurs, pourquoi pas car nous nous cantonnerions dans un débat d’essence philosophique, mais s’interroger sur la valeur marchande du bon, du beau ou même du bien est d’une toute autre nature. Ce qui suit s'en veut la démonstration.
« Résultat sans appel: un « bon vin », pour 77% des visiteurs du blog, ça vaut moins de 15 euros... ... Pas radins, cependant, 67% des 700 votants estiment qu'il faut savoir ouvrir sa bourse (payer plus de 10 euros). Mais à peine 19% pensent qu'il n'y a point de salut en dessous de 15 euros (moins de 3% en dessous de 30 euros). En fait la majorité (48%) se retrouve dans ce triangle des Bermudes commercial qu'on appellera désormais le « dix-quinze ». Laurent dans sa première remarque, à juste raison souligne « pour les amis qui grimacent devant leur ordinateur...) : 15 euros, ce n’est pas mince. C'est le prix du Château « vieilli en fût de chêne » qu'on met sur la table une fois par an lors des repas de fêtes (et qui généralement n'a goût à rien).»
Deux petites remarques à mon tour :
- le radin est un individu aux poches pleines qui ne les lâche qu’avec un élastique, qui pointe, avant de raquer, sur l’addition commune les plats qu’il a mangé, qui se barre systématiquement en vous laissant à payer les consommations ; en revanche, je ne suis pas certain que placer la barre dans la zone des « dix-quinze » soit une preuve de générosité mais plutôt la preuve d’une excellente adéquation entre l’échantillon des sondés et le niveau de leur pouvoir d’achat ;
- le Château « vieilli en fût de chêne » et qui généralement n'a goût à rien, et qui vaut lui aussi 15 euros, voilà une excellente définition du mauvais vin, et une merveilleuse réponse à la question que je posais dans le titre de ma chronique. Elle est tout aussi peu représentative que celles des amis de Laurent.
Moi qui ne fait pas que dans le vin, et qui ces derniers temps ai fait dans le lait, la réponse à la question du juste rapport entre la valeur intrinsèque du produit, celle désignée souvent par son prix de revient : coût de production et de commercialisation, de distribution dans le cas de nos amis vignerons qui vont jusqu’au consommateur, et le prix marchand, est aussi vieille que le commerce. Dans nos sociétés postmodernes notre capacité à supporter dans le prix d’un produit de grande consommation le coût du marketing, de la notoriété, de la mode, en dépit de la crise, me semble encore d’une grande élasticité pour faire genre grand économiste. Deux exemples : Evian et Nespresso, ça coûte cher les bébés rollers et le Clooney... Le coût de l'eau et du café qui s'en soucie ? A l'autre extrémité qui se pose la question du prix payé au producteur lors de l'achat d'une brique de lait à 2 balles ? Vous allez m'objecter que je m'éloigne du rapport entre la prix et la qualité du produit et qu'il y a de plus en plus de consommateurs qui s'en soucie. La réponse est oui mais à condition d'y mettre le prix fort.
Que des vins cousus mains soient rémunérés en conséquence, c’est dans l’ordre des choses, même si ça chagrine les poètes ça correspond à leur modèle économique, et je trouve tout a fait normal que le consommateur paye le prix, comme l’écrit Laurent Bazin « du temps passé sous le cagnard, de l'incertitude, du risque, de l'aventure... de la volonté de retrouver le terroir, des petites mains qui ont remplacé les machines et la chimie pour produire mieux, plus fin, plus juste. » mais attention à deux écueils celui de laisser à penser que « votre amour de la terre et des raisins » ça n’a pas de prix et que dans le monde du vin il y ai d’un côté les bons qui font bon pour de bons consommateurs et de l’autre côté des mauvais qui font mauvais pour des mauvais consommateurs. Si ça vous dit lisez ou relisez :
- Comment fédérer des îlots d’excellence dans un océan de médiocrité ? et si nous reparlions de René Renou ICI ->
- Des marques, des marques de vin oui mais n’est pas le petit LU qui veut... ICI->
- Du pain, du vin et une saga qui donne à réfléchir... ICI->