J’adore les dire d'experts en marketing, des qui ne voient pas plus loin que le bout de leur petit bout de nez, qui enfilent des évidences comme d'autres les perles, qui voudraient doctement nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Pour preuve ce beau titre dans WineAlley.com : « Tendance : l’insolente santé des vins de marques de distributeurs. »
Face à lui je me gondole comme un gérant de tête de gondoles se prenant pour un marchand de vins.
Je m’explique : par construction la « marque de distributeur » est une suceuse de roues, celles des marques nationales qui dépensent à tout va pour leur notoriété alors que les gros pépères malins de la GD avec leurs marques dites de distributeurs y suivent juste au cul les gros cylindres et z'empochent pénard des marges sympas.
Bon plan, sauf que dans le vin les grandes marques nationales ne courent pas les rues, qu’elles sont fauchées comme les blés et qu’en définitive le consommateur captif d’une enseigne se retrouve forcément nez à nez avec les fameuses marques de GD. Sauf que ces soi-disant marques ne sont pas des marques puisque je ne peux les retrouver dans n’importe quel point de vente. Si je veux des Panzani je peux descendre chez mon épicier tunisien d’en face et j’en trouve. Si je veux à tout prix de l'Augustin Florent par exemple pour épater la galerie faut que je carapate chez Carrefour qui positive à nouveau. Et du côté de chez moi y'en a pas! Donc, sans être de mauvaise foi, la fameuse insolente santé des soi-disant marques de distributeurs tient à ce qu’il n’y a pas grand-chose en face : « à vaincre sans périls on triomphe sans gloire ! »
Mais pour nous sauver de nos angoisses y'a l'expert Olivier Dauvers, es-grande consommation, cité par Rayon-boissons.com, « Ces croissances vont à l’encontre des codes traditionnels du vin. Les rosés révolutionnent les codes de consommation, les cépages remettent en cause les codes de la réglementation et les Bib® mènent la vie dure à la bouteille. »
Là j'avoue que je suis estomaqué, époustouflé par autant de pertinence à postériori. Constater les tendances plutôt que de les pressentir rend le métier d’expert très père pénard et me fait dire qu’il y a des « décideurs » qui ont du temps à perdre, et parfois de l’argent, pour s’entendre débiter de telles évidences. Ça doit les rassurer sans doute. Mais bon si y’a de la demande pourquoi pas la cajoler, la consoler, la caresser dans le sens du poil avec des ordonnances à deux balles.
Dernière remarque : l’hyperconservatisme des acheteurs de vins de la GD (pas tous, pas tous mais ceux-là ils ont du mal à se faire entendre dans leur crèmerie) et du fameux marketing d’enseigne me fascine : pour sûr qu’ils regardent les révolutions passer comme les vaches les trains (mais celles-ci assument leur fonction économique : ruminer pour faire du lait).
Enfin pour en finir avec cette chronique hautement jubilatoire je ne résiste pas au plaisir de vous offrir les hautes pensées des « penseurs » du Mammouth essoufflé de la GD qui positive à nouveau pour rassurer ses goinfres d'actionnaires de référence qui piaffent devant leur bas de laine qui a fondu « Les résultats mitigés de Terroir d’Arômes nous ont amenés à revoir notre offre au niveau des MDD premium, explique Jérôme Peter, responsable marketing vins de Carrefour Market. Nous avons alors ressorti la signature Reflets de France qui dispose d’une très forte identité sur ce segment de marché dans le reste de l’épicerie.»
La marque a été repensée. Le rayon vin se distingue par l'absence d'étiquette Reflets de France : on laisse l'étiquette du vigneron, pour renforcer la perception d'authenticité et de terroir, on ajoute le repère Reflets de France, au moyen de la collerette : « C’était déjà le cas auparavant et il n’est pas question de faire des étiquettes dédiées à la marque à l’instar des spiritueux, poursuit Jérôme Peter. En revanche, l’approche pourrait évoluer si un Bag-in-box® venait enrichir la gamme. » Pour le vigneron, c'est une satisfaction, assortie d'une obligation d'exclusivité à l’enseigne. Les vins Reflets de France sont vendus en moyenne 30 % plus chers que les MDD classiques. Avec une quinzaine de références en vins tranquilles d'AOC, la gamme des vins Reflets de France pourrait donc encore s'agrandir, de Bag-in-box®, mais aussi de vins effervescents. »
Sont bons chez Carrefour : ils ressortent de la hotte de leur aïeule la normande de Bayeux : Promodès des signatures qui fleurent bon le terroir. Rappelez-vous d’Augustin Florent : voir chronique du 9 avril 2009 Signé Augustin Florent «négociant de nulle part» : avec Carrefour je ringardise… http://www.berthomeau.com/article-30017583.html . Pour Reflets de France je serai moins sarcastique que pour le pauvre Augustin car c'est une signature qui en son temps anticipait une tendance de fond : comme quoi les empiriques sont parfois bien plus pertinents que les experts, conseilleurs ou petits génies autoproclamés du marketing, et qui dispose encore d’un beau potentiel mais faudrait-il pour ça passer la surmultipliée du côté des gars de Levallois-Perret. Puisque que Carrefour est de retour, c’est la pub qui le proclame, il ne me reste plus qu’à attendre les résultats car si je comprends bien, après de multiples gamelles, c’est dans les vieux pots qu’on ferait le meilleur vin... C'est d'ailleurs pour cela que j'affiche une bouteille de cidre vu que j'ai fait le président normand, en n'étant pas normand, du côté de Caen...