Au hasard de mes lectures je suis tombé sur le titre d’un article du journal suisse Le Temps : « Le vigneron de Lavaux enrichissait ses crus avec beaucoup d’Algérie »
« On croyait boire du pinot noir ou du gamay de Chardonne ou de Saint-Saphorin. Et comme on dit, on n’avait pas «tout tort»: on buvait bien de ces vins-là. Mais allongés d’une «puissante» dose de rosé espagnol ou de rouge algérien. L’auteur principal de cette fraude, un vigneron de Chardonne, a cru bon de le relever lundi, dans le prétoire du Tribunal correctionnel de Vevey: «Je n’ai jamais eu de réclamations»…
L’article donne les chiffres link et surtout indique que dans le canton de Vaud couper le vin est autorisé avec un taux de houillage et de coupage cumulés de 12% en 1989 et de 8% en 1990 et 1991. De son côté, l’ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires ne va pas au-delà de 15%.
Le coupage, notion oubliée, qui répondait au temps de l’Algérie à une forme d’enrichissement de la qualité du vin et du négoce dit expéditeur qui œuvrait au mélange de la sauce des vins du Midi avec ceux d’Algérie, en y trouvant son compte tout comme le négoce de place embouteilleur au plus près des consommateurs telle la SVF à Gennevilliers.
Tout ce bel édifice s’effondra avec l’indépendance de l’Algérie et le Marché Commun qui autorisa le coupage avec les vins italiens. Ce furent les VDPCE de triste mémoire qui accélérèrent le déclin de la consommation des vins de table (ex VCC) en litre 6 étoiles.
Histoire ancienne qu’il ne faut pas totalement occulter car elle marque encore la mémoire des vignerons du sud et de leurs dirigeants. Les grosses coopés, les grands domaines privés du Languedoc, avec leur bâti ou ce qui en reste, sont la trace d’une période où la prospérité a laissé petit à petit la place à des combats d’arrière-garde, pour sauver ce qui pouvait l’être, qui ont pendant très longtemps occuper l’essentiel de l’énergie viticole des Ministres de l’Agriculture au plan communautaire.
Mais c’était quoi la vigne en Algérie ?
Ce fut la culture phare de l’Algérie coloniale et son extension fut considérable.
De 15 000 ha en 1878 sa surface passa à 167 000 ha en 1903.
« Dès 1904, les viticulteurs sont soutenus par un système de coopératives efficace assurant pour les usagers européens – mais aussi musulmans – une commercialisation collective, vouée en majeure partie à l’exportation.
À la veille de la Première Guerre mondiale, l’Algérie est l’un des plus gros producteurs de vin au monde, jusqu’à ce que la crise mondiale la touche dans les années 1930.
En 1954, la vigne représente le tiers des exportations de l’Algérie, aux mains pour l’essentiel de grands propriétaires européens. »
Le domaine de Lucien Borgeaud : La Trappe de Staouëli
« C’est en 1843 que 10 pères et quelques frères trappistes, sous la direction du prieur François-Régis, s’installèrent à Staouëli à une vingtaine de kilomètres d’Alger. La faveur royale leur avait octroyé une concession de 1020 ha. Le soutien du maréchal Bugeaud fut actif : 150 condamnés militaires construisant et défrichant, des subventions, des semences, des bestiaux produits des razzias et 3 ans plus tard, 200 ha étaient défrichés, le couvent et la ferme bâtis, à la grande colère des colons des environs pour qui l’aide tardait à venir. Le domaine des trappistes ne fit que se développer. À la veille de la séparation de l’Église et de l’État en 1905, les trappistes vendent le domaine à Lucien Borgeaud, qui en fera un fleuron agricole, mais gardent le couvent. »
(1) Source : L'Algérie aux temps des Français