« Ce qui fait la richesse de notre langue. Ces papilles qui vivent comme des filles de pape dans un palais bordé d’ivoire, sont liées à notre cerveau qui fabrique la gourmandise et la gastronomie. Le vocabulaire gastronomique et alimentaire est d’une grande richesse comparé à la pauvreté relative des capteurs du goût, nettement inférieurs en nombre à ceux de la vue ou de l’odorat [...] La gastronomie occupe une place primordiale dans la vie humaine. Ne passe-t-on pas à table deux ou trois fois par jour, trois cent soixante-cinq jours de l’année, pendant toute une vie ? Serions-nous capables de faire l’amour trois fois par jour toute l’année et toute une vie ? »
Claude Gudin, auteur de ces lignes, extraites d’ « Une histoire Naturelle des Sens » (voir chronique « Et si le 6ième sens était celui de l’humour » http://www.berthomeau.com/article-et-si-le-6ieme-sens-etait-celui-de-l-humour-mm-les-degustateurs-de-vin-devorez-une-histoire-naturelle-des-sens-49426553.html )démontre que l’on peut être savant et léger et que les culs pincés, dont je tairais le nom, seraient bien inspirés de mettre un soupçon de légèreté dans leur sérieux par trop pesant. Je lui redonne la parole afin d’assurer la transition « Il peut paraître surprenant que le goût, avec si peu de terminaisons nerveuses, ait pu conquérir un si grand champ sémantique de la perception des saveurs, des préférences et des aversions alimentaires étendu au désir en général (« avoir du goût pour »), aux inclinaisons alimentaires et amoureuses, aux préférences et aux jugements esthétiques. L’agueusie (absence de goût) est moins invalidante que la cécité et la surdité, et pourtant ce sens est d’une importance capitale, peut-être à cause de la fréquence de sa mise en jeu. Il y a dans le système nerveux central des liens étroits entre la gustation et le système de régulation de l’humeur (par l’intermédiaire du système ventral hypothalamo-limbique). Ainsi, le goût est un sans fortement imprégné d’affectivité et d’émotion. Un sens qui a force de loi et qui débouche sur une réponse affective, comportementale, d’acceptation ou de refus. On peut presque dire que le jugement gustatif annonce le jugement moral. »
Beau sujet de symposium ne trouvez-vous pas ? Mais tel n’est pas mon propos du jour, je reviendrai sur ce sujet dans une prochaine chronique à propos d’un groupe de vrais amateurs qui, autour d’Anne-Claude Leflaive, se sont efforcés de « désapprendre la dégustation ». Comme vous vous en doutez mon passage par la langue organe n’avait d’autre but que d’en venir à la langue, le langage véhicule de l’échange entre les hommes. Pour organiser des symposiums ou tout autre rassemblement d’humains pour débattre, échanger, manger et boire repose sur l’exigence minimale de s’appuyer sur un socle de compréhension commun : soit la langue « majoritaire », soit les langues des invités accompagnées de traduction simultanée. Avant d’en venir à la fonctionnalité du langage et surtout à son utilité, une citation d’Alain Rey dans le Dictionnaire Culturel de la langue française « LE ROBERT » : « Le discours philosophique séculaire n’a cessé de jouer sur les ambigüités et les contradictions de ce concept, le « langage » voué à se mordre la queue puisqu’on ne peut le « définir » qu’en employant ses propres pouvoirs. Le langage, faculté, aptitude, virtualité, est inobservable, ce qui le rend apte aux mythes et aux théologies ; il ne peut être appréhendé qu’à travers d’autres notions, de plus en plus perceptibles. La première est celle de « langue », que certains idiomes distinguent du « langage », d’autres non (anglais language), et que beaucoup affublent du nom de l’organe charnu et mobile qui se trouve dans la bouche (l’anglais lui-même a mother tongue, « langue maternelle »). Mais « la langue » est encore une abstraction, construite à partir d’un flux qu’on peut appeler discours soit vocal (parole, palabra, parola, speech), soit graphique (écriture, writing...)
Pour en revenir, sans noms d’oiseaux ou outrances langagières, à la langue officielle du symposium sur le Grenache, je vais faire dans l’extrême simplicité en distinguant 3 usages de la langue où chacun pourra retrouver ses petits sans jouer les donneurs de leçons.
1- La langue à usage commercial : c’est forcément celle du client. Simplement je fais remarquer à HB (pas Human Bomber mais Hervé Bizeul) que lors d’une grande présentation de vins américains à l’ambassade des USA à Paris où les braves producteurs californiens et d'autres régions viticoles étasuniennes affichaient en anglais désirer un importateur freenchie et ne présentaient que des documents de présentation de leur gamme qu'en anglais. Je me réjouis donc comme HB que nos exportateurs parlassent, non la langue de Shakespeare, mais tout bêtement l’anglais lorsqu’ils s'en vont vendre leur vin dans des contrées lointaines où cette langue est pratiquée ou sert de langue véhicule.
2- La langue des États : c’est la langue officielle et l'on imagine mal notre flamboyant de Villepin prononçant son discours à l’ONU en anglais sous prétexte qu’il se trouvait aux USA (certes dans une enclave internationale). Plus prosaïquement, dans les négociations européennes (j’ai pratiqué au temps de Miss Tatcher) chaque représentant utilise son idiome national et les traductions sont simultanées. Les documents officiels sont traduits par des juristes-linguistes dans toutes les langues de l’UE. J’ai écrit dans la chronique qui a attiré l’ire de HB « Je suis profondément européen, ce que ne sont pas la majorité de nos amis anglais – c’est leur droit – le Traité de Rome est un acte majeur que trop de baragouineurs semblent bien facilement passer par pertes et profits. Résultat : alors que la langue française est une langue officielle les grisouilloux de la Commission ne se donnent même plus la peine de publier leurs torchons en français. Ça me fâche. Je suis pour la stricte égalité de traitement. » Je persiste et je signe. Nos amis québécois dans un océan anglophone font exister leur langue, la nôtre. Deux anecdotes rapides : j’ai eu un Ministre : Michel Rocard pratiquant un anglais impeccable qui s’auto-traduisait, très commode ; ensuite j’ai beaucoup discuté avec mes homologues anglais, où qu’ils fussent:à Londres à Bruxelles, à Paris ils étaient toujours monolingues : la leur. Depuis je me rattrappe face aux monologues qui ne font aucun effort.
3- La langue des colloques : pour moi celle qui doit être utilisée est celle dans laquelle les intervenants conceptualisent le mieux, rien n’est plus désagréable que d’entendre un sabir mal maîtrisé, du baragouinage besogneux ou pire la lecture d’un papier avec un accent à faire frémir le plus bienveillant des bienveillants. Je suis profondément admiratif à l’égard de certains de nos amis étrangers qui pratiquent un français de haute tenue. Chapeau bas ! Pour le questionnement même jurisprudence, ça évite bien des incompréhensions et l’utilisation de faux-amis. Dans le cas d'espèce je rappelle que mon seul souhait était que le programme soit rédigé dans les deux langues. Le reste, c'est-à-dire les élucubrations de HB sur mon refus de venir pour cause d'anglais obligatoire tiennent à sa mauvaise humeur que je ne me sois pas déplacé pour recueillir ses augustes paroles. Je plaisante bien sûr !
Reste l’after Work, là c’est la convivialité qui prime et chacun se débrouille avec son bagage. Pour ma part, comme je suis incorrigible j’adore me voir flanquer d’une adorable traductrice qui remédie, comme dirait le souriant HB, à ma bêtise crasse. C’est très agréable d’être idiot en référence à une « Ravissante idiote » bien sûr. Sans conclure, je me permets tout de même de conseiller au pourfendeur de mes modestes et parfois trop ironiques écrits de les lire d’abord, de tenter de les comprendre ensuite avant d’enfourcher des haridelles fourbues qui ne mènent nulle part.
Hier matin mon hébergeur Overblog n'a pas envoyé le message habituel pour vous prévenir de la mise en ligne de ma chronique. Certains de vous s'en sont émus je les remercie de leur fidélité. Si cela se renouvelle à l'avenir il vous suffit d'aller sur www.berthomeau.com et vous pourrez ainsi lire mon impérissable prose. Désolé que vous ayiez ensuite reçu dans la journée 2 messages puis une newsletter vous prévenant de l'incident déjà réglé je ne suis qu'un petit locataire et suis à la merci du bon vouloir de mon hébergeur.