En feuilletant le dernier LeRouge&leBlanc, le 114, à la recherche d’un bon plan pour vous infliger une nouvelle chronique, je me disais dans ma petite Ford d’intérieur, ils ronronnent les gars, ça s’institutionnalise, l’ennui naquit de l’uniformité, ça manque d’angles, ça s’essouffle…
Et puis, tout à la fin, vint un entretien avec Lilian Bérillon réalisé par Jean-Marc Gatteron. Un titre à la Libé : Le bon plant et surtout une approche du métier de pépiniériste qui sortait des sentiers battus, convenus. Rien que pour cet entretien j’absolvais LeRouge&leBlanc des péchés susmentionnés.
Remarquable !
Du miel, à faire lire à tous ceux qui se piquent de stratégie dans la maison de la Vigne et des vins de France.link
À lire dans son intégralité, donc je ne vais pas vous en faire un abstract qui dénaturerait les propos de Lilian Bérillon qui me semble être un homme exigeant, c’est une qualité, « méticuleux et rigoureux avec lui-même, sensible et modeste », doté du doute cartésien, l’intelligence de la main…
Dans mes fonctions au 78 rue de Varenne j’ai eu à traiter des affaires de pépinières, deux syndicats en ce temps-là, au sud c’était Grangeon, au nord peut-être Mercier, et je n’ai pas gardé un très bon souvenir de la corporation.
« La greffe est le triomphe de l’art sur la nature » Charles Baltet L’art de greffer, G. Masson, 1892
7 pages
Je sélectionne 2 questions : depuis quand greffe-t-on ? et la philosophie du métier de pépiniériste selon Lilian Bérillon.
- L’activité de pépiniériste a débuté après le phylloxera. Le premier pépiniériste était de Sablet dans le Vaucluse au début du XXe siècle. À Carpentras se trouvait le plus gros marché de plants de vigne et de racinés. Rappelons que le greffage en racinés consiste à planter le porte-greffe, d’attendre son enracinement, puis de greffer le greffon alors que le support est toujours dans le sol.
- … Mon idée est d’utiliser des pratiques plus respectueuses du végétal. On avait connu la greffe en fente, celle qui était pratiquée par mon grand-père maternel. Lorsqu’il a assisté à l’arrivée de la greffe mécanique dite « à l’oméga », il m’a précisé ceci : « Tu verras, beaucoup de problèmes surviendront dans les années futures parce que la sève ne circule pas bien ! »
Greffe en fente : porte-greffe et greffon sont taillés en biseau, puis emboîtés manuellement, la surface de contact est ainsi plus importante et assure plus d’échanges entre les parties du plant.
Enfin pour clore cette chronique la question dont la réponse doit être lue avec une toute particulière attention… « Quel regard portez-vous sur l’état du vignoble ? »
- Globalement le vignoble est dans un état très moyen. Combien de fois sommes-nous venus visiter des parcelles pour faire des sélections et combien de fois sommes-nous revenus bredouille ! Je connais des parcelles sur lesquelles on ne peut pas sélectionner un seul pied, car les ceps sont trop mal entretenus et la présence de maladies et viroses est telle qu’il nous est impossible de sélectionner. Car le problème est bien-là : la qualité sanitaire globale du vignoble. Lors de nos travaux de sélection nous faisons part aux vignerons de la dégradation de leurs parcelles. Nous essayons de faire en sorte qu’ils prennent conscience des viroses ou maladies. Malheureusement, ils ne font pas la même analyse que nous. En fait, depuis la sélection clonale, beaucoup ont délaissé leurs vignes et, en même temps, perdu l’expérience que les anciens possédaient. Ils se sont désintéressés du végétal. Ils ont beaucoup à réapprendre. Être vigneron, c’est s’approprier certains gestes comme celui de sélectionner. On a donc d’un côté un vignoble qui se dégrade et, de l’autre, une prise de conscience mitigée de la part d’une partie des vignerons. Mais voyez-vous j’ai l’espoir que les prochaines décennies soient celles du végétal. J’ai le sentiment que les générations qui arrivent comprennent notre discours et l’intérêt de repartir avec des vieilles variétés qui génétiquement ont davantage de résistances – et de diversité aussi – que les clones.
Bonne lecture de LeRouge&leBlanc…