Samedi dernier jour de Toussaint, dans notre carrosse post-moderne chaussé Michelin, nous partîmes joyeux pour des terres lointaines, le soleil brillait, les filles chantaient lorsque nous sautâmes la barrière du périphérique à la Porte d’Italie.
Belle jeunesse !
Votre serviteur « chauffait » les chevaux-vapeurs de ses mains expertes, traduction : conduisait une Clio flambant neuve de chez Renault, engraissant de ce fait les pétroliers et les sociétés d’autoroutes.
Bien sûr les railleurs me traiteront de pollueur mais peu me chaut j’ai tellement de kilomètres au compteur de mon vélo !
Sans peur et sans reproche, sans soufre aussi, fiers et déterminés nous filions plein de foi et d’enthousiasme faire pèlerinage aux Subsistances où une cohorte de naturistes allait exposer au bon peuple buveur de Lyon les vertus des vins nus.
Alléluia !
Arrivé à bon port après avoir longé les quais de Saône nous nous posâmes comme par l’opération du Saint-Esprit face à la cave « Le vin des Vivants »link
Dans la douceur d’une Toussaint au balcon des adeptes de la confrérie y communiaient déjà sous les deux espèces.
La cérémonie dura jusqu’au petit jour pendant que votre serviteur-chauffeur dormait comme un loir à l’hôtel saint-Vincent bien évidemment.
De bon matin, avec Antonin, délaissant notre char polluant nous nous rendîmes pédestrement jusqu’aux Subsistances.
Qu’allions-nous faire, en ce dimanche des morts, en ce lieu qui fut à l’origine un couvent de Visitandines, en 1640 ?
Non pas célébrer la mère supérieure Sépharique d'Honoraty qui aurait déclaré, faisant référence aux difficultés financières que subissaient les sœurs dès le début du XVIIIe siècle : « Pour rédimer nos dépenses, nous nous passerons d'architecte. Je ferai les plans moi-même, et que le Bon Dieu nous patafiole si nous n'y arrivons point ! »
J’adore !
Ce pourrait-être la devise d’Antonin qui, avec peu de moyens, organise des salons de vins qui valent bien mieux que ceux de la décatie permanentée et des duettistes du Carrousel du Louvre.
Fort du succès des 2 éditions de « Sous les pavés la vigne » à la Bellevilloise, Antonin jouait la carte de la décentralisation en organisant un salon à Lyon où est implanté un site indépendant, avec une équipe de trois personnes qui sont actionnaires majoritaires de cette micro-entreprise. Il s'agit en quelques sortes d'une " franchise " de Rue89.
Mais tout ça ne nous donne pas la clé de l’origine du lieu où Antonin et rue 89 ont planté leur tente : Les Subsistances ?
J’en conviens mais qu’est-ce donc que ces subsistances ?
Mon explication :
R comme Rue 89 mais aussi R comme Robespierre
Discours de Robespierre sur les subsistances, 2 décembre 1792, à la Convention
« Parler aux représentants du peuple des moyens de pourvoir à sa subsistance, ce n’est pas seulement leur parler du plus sacré de leurs devoirs, mais du plus précieux de leurs intérêts. Car, sans doute, ils se confondent avec lui.
Ce n’est pas la cause seule des citoyens indigents que je veux plaider, mais celle des propriétaires et commerçants eux-mêmes.
Je me bornerai à rappeler des principes évidents, mais qui semblent oubliés. Je n’indiquerai que des mesures simples qui ont déjà été proposées, car il s’agit moins de créer de brillantes théories que de revenir aux premières notions du bon sens.
Dans tout pays où la nature fournit avec prodigalité aux besoins des hommes, la disette ne peut être imputée qu’aux vices de l’administration ou des lois elles-mêmes ; les mauvaises lois et la mauvaise administration ont leur source dans les faux principes et dans les mauvaises mœurs.
C’est un fait généralement reconnu que le sol de la France produit beaucoup au-delà de ce qui est nécessaire pour nourrir ses habitants, et que la disette actuelle est une disette factice. La conséquence de ce fait et du principe que j’ai posé peut être fâcheuse, mais ce n’est pas le moment de nous flatter. »
À lire : un débat sur la politique économique à mener en matière de subsistances qui s’était développé depuis la Révolution du 10 août 1792, qui avait renversé la Constitution de 1791 et avec elle sa politique de liberté du commerce accompagnée de son moyen d’application, la loi martiale, pour faire taire les opposants.
À l’automne 1792, le parti des économistes soutenu par les Girondins, proposait de rétablir cette même politique à laquelle s’opposaient ceux qui défendaient une « économie politique populaire », dont Robespierre. Très actuel : un petit côté social-démocratie contre gauche de la gauche, ne croyez-vous pas ? link
Mais revenons à Lyon et à ses Subsistances :
« En 1789, le couvent Sainte-Marie des Chaînes, ainsi baptisé parce qu'en amont de la Saône, les douaniers disposaient des chaînes en travers de la rivière pour déjouer les réseaux contrebandiers qui voulaient s'introduire à Lyon par voie fluviale est déclaré propriété nationale et les nonnes en sont chassées par la Révolution en 1792. Elles le quittent définitivement.
L’armée prend possession du site en 1807, en faisant un lieu de stockage et de campement militaire. En 1840, l’armée construit le grand carré, appelé alors la Manutention Sainte-Marie des Chaînes. Il y sera fabriqué de la farine et du pain, conditionné du café, du tabac et du vin pour les soldats casernés, et ce jusqu'en 19913.
Une verrière métallique est construite sur la cour centrale en 1870, dans le style de l’École Eiffel. Trois moulins à blé sont bâtis, en 1853, 1870 puis 1890, ainsi qu'une boulangerie, permettant au site d'assurer une très importante fabrication de pain qui alimentera les camps militaires de la région en temps de paix et les fronts pendant les guerres.
Ce n'est qu'en 1941 que le site, occupé par l'armée jusqu'en 1991, est rebaptisé Subsistances militaires. En 1995, l'État rend possession du site à la Ville de Lyon. » Source Wikipédia
Le décor est campé les festivités pouvaient commencer !
Silence votre serviteur de chauffeur se muait en photoreporter !
Et tout a commencé par une mise en bière, normal en un tel jour ! Reportage à suivre demain sur ces lignes...