Dire tout le bien que l’on pense d’un autre blogueur dans la blogosphère, vin y compris, relève d’un acte de résistance à l’ironie ambiante, au besoin de se distinguer en affichant un pseudo-humour dont il est difficile de déterminer le degré, à un égotisme qui relève de la concurrence pure et parfaite. Le blogueur se vit comme unique, bien installé dans son pré-carré, cultivant seul ses idées, ses passions, ses aversions, ses obsessions, et avoir des invités lui semble aussi incongru que de sortir en tongs et en bermuda sur la banquise. La pose Chateaubriand est très pratiquée dans notre petit marigot, mais trop souvent sans le style ni la hauteur.
Tout ça pour dire que depuis qu’Olivier Borneuf a ouvert un blog link je caressais l’idée de lui ouvrir les portes de mon petit espace de liberté. Tapis comme un matou qui guette pénardement sa proie j’attendais mon heure et elle arriva sous la forme d’un beau titre d’Olivier : « Propriété intellectuelle et AOC : défense de copier ! » J’en salivais ! Clic, clac j’allais sans vergogne faire un copié-collé de sa prose, sans le prévenir, et profiter de l’occasion pour dire tout le bien que je pensais de lui. Patatras ! Le clic droit restait muet je ne pouvais accomplir ma « basse besogne » Dépité il ne me restait plus qu’à contre-attaquer.
Bonjour Olivier,
Je voulais vous faire le coup de copier/coller votre excellente chronique : propriété intellectuelle et AOC : défense de copier pour la publier sur mon blog pour vous faire bénéficier de mon immense notoriété (sic)
Caramba c'est raté !
Vous verrouillez le clic droit ce qui est déjà une clôture à la diffusion.
Bref, comme je n'ai pas pu faire mon coup en loucedé mais que je ne veux pas me faire une chronique rentrée vous serait-il possible jeune roseau pensant du SO exilé sur les terres froides de la Champagne pouilleuse de me faire parvenir le texte et les photos sous un format copiable (Word et jpeg) plus une photo de vous en rocker star.
Merci par avance
Amitiés
Jacques
Très vite la réponse tombait dans ma boîte.
Bonjour Jacques,
Vous avez le phrasé si habile que j'ai dû prendre un mouchoir pour sécher mes larmes de rire ! Je ne savais pas que je bloquais le clic droit (je suis sur Mac, donc adepte du clic unique), je déverrouille tout cela sur le champ.
En attendant une copie de tous les éléments. Merci chaleureusement pour ces compliments.
A+
Olivier
Comme vous vous en doutez le Taulier était satisfait de sa perfide manœuvre qui avait fait tomber dans ses rets la prose d’Olivier et il ne lui restait plus qu’à pondre son châpo et copier-coller ce qui suit.
Merci Olivier
L'usage de bonne foi : la boîte de Pandore de nos chères AOC ?
« Fair » est un mot d’origine anglaise employé à toutes les sauces pour désigner les initiatives justes, équitables, respectueuses, dans une mondialisation qui semble découvrir avec hypocrisie toutes les injustices du monde. Fair play, fair trade, fair price, etc. Une fois n’est pas coutume, le petit dernier « fair use » s’oppose au principe d’équité et affiche sa préférence pour la notion tout aussi noble de valeur ajoutée
L’usage raisonnable ou de bonne foi – fair use – est une brèche dans la loi protégeant le droit d’auteur aux États-Unis. Ce principe confère à quiconque – artiste ou autre – le droit de réutiliser une œuvre à certaines fins, en particulier si la nouvelle œuvre « ajoute de la valeur à la précédente ». Un point devenu référence et initié par le juge Pierre N. Leval en 1990.
En mars 2011, la cour fédérale de Manhattan estime que l’artiste Richard Prince utilise sans autorisation les photos du livre sur les rastas du photographe français Patrick Cariou. L’affaire est de taille puisque l’une des photos collage (l’œuvre de Richard Prince) s’est vendu 2,5 millions de dollars… Artistes et musées – entre autres le MoMA – se rallient alors à la cause de Richard Prince, en prônant la libre circulation créatrice. Ils rappellent en outre une tradition d’appropriation qui remonterait au moins à Picasso. Dans le camp de Patrick Cariou, on se réjouit de ce correctif bienvenu dans un monde de l’art où le droit est en retard par rapport à la musique et la littérature… Ce fait d’actualité reste anecdotique dans le flux d’images et de textes recyclés chaque jour sur Internet. Les avocats spécialistes de l’art reconnaissent la montée en puissance de cette culture de l’emprunt et les galeristes, eux-mêmes, proposent des expositions sur ces performances « participatives » à l’instar de « Free » organisée par le New Museum de New York.
Si l’espace numérique reste la source de toutes les récupérations, il n’en reste pas moins que ses utilisateurs ont grandi dans cet univers de partage et d’échange. Difficile alors de reprocher quoique ce soit d’idéologique à cette communauté collaborative. Mais la réponse n’est pas si simple, j’en conviens. Comment fixer les limites ? Où placer le curseur entre plagiat et valeur ajoutée ? On pourra toujours juger l’utilité de l’emprunt d’une œuvre pour la société, mais qui sera en mesure de définir la notion de valeur ajoutée ? On frôle la censure, on caresse l’anarchie, mais on ne voit guère le bout du chemin. Pendant ce temps, l'inexorable puissance d’Internet et du tout numérique ne cesse de grandir.
Les mutations irréversibles du principe fondamental du droit d’auteur, et par extension, de la propriété intellectuelle invitent à s’interroger sur le principe d’AOC – i.e. Appellation d’Origine Contrôlée. Loin de moi l’idée de remettre en cause l’authenticité de nos chers produits du terroir mais plutôt la capacité d’autrui à reproduire avec précision les succès nationaux comme le champagne. L’AOC protège l’origine mais elle ne se revendique d’une quelconque assurance qualité du produit estampillé. Cela est d’autant plus vrai pour le champagne qui parle d’une seule et même voix : l’AOC Champagne.* Ce qui a construit sa force pourrait aujourd’hui devenir sa faiblesse. Car la valeur collective « Champagne » implique de lourdes responsabilités individuelles (j’entends celles des producteurs). Dès lors quiconque produit un vin effervescent dans le style « champagne » agit de la même façon qu’un artiste qui crée une œuvre à l’influence clairement affichée. Certes la matière première, le raisin, est une barrière d’entrée significative – au sein même de la Champagne certaines régions sont plus favorables que d’autres – mais force est de constater que les progrès œnologiques et viticulturaux ont lissé les écarts de qualité entre les vins. Pour preuve la remise en cause de la suprématie de certains grands vins et la forte concurrence sur les vins de consommation courante.
Au risque de prendre un trop grand raccourci sur la bonne compréhension des AOC, je pense que la Champagne restera unique si elle devient non reproductible dans son ensemble. Pour atteindre ce but, il faut accepter de se regarder dans un miroir car la seule variable non-reproductible est la variable humaine. En d’autres termes c’est la diversité des productions humaines qui rendra la Champagne insaisissable. Plus les expressions seront nombreuses, diverses et originales plus la Champagne donnera le tournis à la concurrence. Et l’AOC, au milieu de cette effervescence créative, sera la carotte à l’initiative et non le bâton à punir les originaux. Je n’invente rien, je ne fais que dire ce qui a déjà été dit. En témoignent ces quelques vers heureux d’Antoine Houdar de la Motte, bon dimanche.
C'est un grand agrément que la diversité :
Nous sommes bien comme nous sommes.
Donnez le même esprit aux hommes,
Vous ôtez tout le sel de la société.
L'ennui naquit un jour de l'uniformité.
Les photos :
la première photo est celle de Monsieur Patrick Cariou
la deuxième est un photo collage de Monsieur Richard Prince