Face à ma dernière chronique sur la presse du Vin http://www.berthomeau.com/article-les-attaches-de-presse-et-les-vins-de-presse-ont-mauvaise-presse-44938422.html où je souhaitais que celle-ci ouvrît plus largement sa focale les rédac’ chefs, si tant est qu’ils me lisent encore (mais la profession recèle de suffisamment de mauvaises langues pour que mes agaceries reviennent à leurs oreilles), agacés ont du déclarer à leurs troupes expertes et raffinées que j’étais tout juste bon à critiquer leur dur labeur mais que du côté propositions je me révélais aussi sec qu’un Gros Plant. Qu’ils se détrompent j’en ai plein dans ma musette. Certes, pour ne pas les faire déchoir je ne vais pas suivre sur son terrain François le Débonnaire en leur proposant une verticale de Vieux Papes ou un méli-mélo de Petites Récoltes de chez Nicolas. Faut s’adresser aux gros portefeuilles pas au couple Bidochon...
Bref, comme je suis un lecteur assidu des enquêtes de consommations menées par l’INRA depuis les années 1980 (je fus à l’initiative de la première avec Daniel Boulet) je me permets de souligner que le moteur de la baisse de la consommation de notre merveilleux nectar (je n’écris pas velours de l’estomac pour pas me faire choper par François le Débonnaire) est la baisse des fréquences de consommation. Le nombre de consommateurs est demeuré globalement stable pendant la période. D’autre part, le sexe et l’âge sont prépondérants dans le positionnement de chacun en termes de fréquence de consommation. Pour l’âge deux effets se conjuguent :
- L’effet cycle de vie : les goûts des consommateurs évoluent avec son avancée en âge et l’évolution de son pouvoir d’achat ;
- L’effet de génération : les individus nés dans la même tranche d’âge ont des goûts et des habitudes de consommation qui correspondent au contexte historique.
Tout cela se traduit d’une part par un accès de plus en plus tardif et un allongement de la période d’apprentissage et la prépondérance des occasionnels (43%) et des non consommateurs (41%). Chez les moins de 25 ans il n’y a plus de consommateurs réguliers. Sur un marché de 31 millions de consommateurs de vin en 2005, la France ne comptait que 33% de réguliers dont un tiers de femmes et 66% d’occasionnels à parité hommes-femmes. Les comportements de consommation sont majoritairement festifs et conviviaux. Les projections 2015 confirment ces tendances de fond : sur 51 millions de français en âge de consommer : les réguliers ne sont plus que 13%, les occasionnels 43% et les non-consommateurs 43%. Au-delà de ces chiffres ce qui est très encourageant c’est une forme « d’atterrissage en douceur » de la consommation en France par une stabilisation des volumes de consommation et de la segmentation des fréquences de la consommation.
Et pendant ce temps-là nos pépères dégustateurs professionnels font comme si rien n’avait changé avec la bonne cave de grand-papa, ses bonnes boutanches de derrière les fagots, le déjeuner du dimanche chez les beaux-parents avec le gigot flageolets et la bouteille quotidienne sur la table. Je ne vais pas vous jouer la musique de la cantoche sinon mon ami François le Débonnaire va me tirer les oreilles mais vous mettre sous vos divins nez les terrasses des cafés. Ben oui messieurs, ça manque de dames dans les rédactions vineuses, moi j’en ai 2/5 dans mon groupe de dégustation : Flore et Margot, le vin se boit aussi en ces lieux autrefois réservés aux demi-pressions et au petit noir. Dans le temps y’avait bien sûr les vins de comptoirs mais ils n’avaient pas droit de cité dans vos pages papier glacé.
Donc, à quand une chronique régulière sur la carte des vins des grands cafés de Paris et des grandes villes de France passées au crible de vos longs nez experts et de vos gorges profondes impitoyables ? Ce serait un service apprécié par tous les consommateurs, jeunes ou moins jeunes, femmes ou mâles amateurs qui lichètent des petits verres en terrasse après le turbin. Vous noteriez la qualité de la verrerie, du service, de l’état de conservation du vin, le rapport qualité/prix au verre. Je ne sais quoi moi... la beauté des filles en terrasse... la robe du vin... je n’irai pas jusqu’à la finesse de sa cuisse... la longueur de la carte... la variété des appellations ou des provenances... l’inventivité... Bien sûr, vous pouvez m’objecter que vos braves dégustateurs ne pourront pas recracher le précieux liquide et qu’ils risquent de rentrer à la rédaction en chantant comme des pochtrons. Afin de parer cette objection je propose que les grandes maisons de vin ou les grands préleveurs de CVO sponsorisent une petite gourde avec entonnoir-crachoir qui permettrait de ne pas vous voir clouer au pilori par le Sot d’Eau et l’ANPAA réunis.
J’en ai fini pour aujourd’hui et, selon une tradition bien établie, ma proposition va faire un grand plouf dans le silence indifférent des rédactions. Qu’importe j’aurai le sentiment de plénitude du devoir accompli. Pour ne rien vous cacher j’ai d’autres idées en magasin mais comme je suis à la fois cigale et fourmi je les garde pour les temps des vaches maigres. Enfin, je dois confesser – c’est un vieux reste de mes années vendéennes, le confessionnal, l’aveu des fautes et l’absolution : merveilleuse machine à laver les âmes que la confession – que cette chronique n’aurait jamais vu le jour sans vos nombreux et pertinents commentaires : ceux de François le Débonnaire comme tous les autres. Vous êtes sur la bonne voie chers lecteurs : commentez !
