Rue de Madrid, notre haut négoce exportateur, tenait conférence de presse mardi matin dernier. De bons chiffres en rafales, Louis-Fabrice Latour le boss de la FEVS entouré de Philippe Casteja (Borie-Manoux), de Paul-François Vrancken et de Patrice Pinet (Courvoisier) représentants les poids lourds de l’export des vins&spiritueux : Cognac, Bordeaux, Champagne et Bourgogne.
Pour l’heure je laisse la tâche de communiquer le bilan des exportations françaises de Vins&spiritueux pour l’année 2011 à ceux dont c’est la tâche. Si j’en ai le temps et le courage je vous livrerai mon analyse de ces chiffres qui, en valeur exporté, sont bons mais couvrent aussi nos faiblesses structurelles à profiter des marchés de volume valorisés en pleine expansion.
IGP : presque 42 millions de caisses - 11,1% en volume et – 4,8% en valeur soit 713 421 milliers d’€
Vins sans IG avec cépage : 9,34 millions de caisses +51,6% et 133 842 milliers d’€ +28,6%
Vins sans IG sans cépage : 18 377 946 millions de caisses soit +0,9% et 167 655 millions d’€ - 21,7%
Mais ne boudons pas notre plaisir en ces temps de déficit commercial record et saluons la performance de l’industrie des V&S puisqu’il s’agit en CA : + de milliards d’€ la meilleure performance historique du secteur. Les V&S conservent leur place de deuxième poste excédentaire dans la balance commerciale de la France avec une contribution positive de 8,6 milliards d’€. les V&S représentent 74% de l’excédent agroalimentaire. Pour autant, les grands médias n’en font pas leurs grands titres, toujours le côté : ce n’est que de l’alcool et des GCC alors que dès que Dassault est en passe de remporter le marché indien avec son Rafale, jusqu’ici invendable hors de France, tout le Monde en parle. C’est pourtant un engin de guerre, qui a fait ses preuves en Lybie, mais c’est plus politiquement correct que le commerce des V&S. ainsi va la France et le clin d’œil de la FEVS avec ses équivalents-Rafales se substituant aux équivalents Airbus n’y changera rien.
Au cours de la séance de questions Philippe Casteja, toujours pince-sans-rire, a mis en avant le fait que le désamour des anglais pour les vins de Bordeaux, qui n’étaient plus à la mode face aux vins du Nouveau Monde dans la décennie précédente, laissait la place à une nouvelle attirance pour eux. Bordeaux, boosté par les GCC, revigoré par les émergeants, serait-il de nouveau tendance ou profiterait-il simplement d’une embellie ? Faute de disposer et de temps, et des éléments précis de jugement, je me garderai bien de porter une appréciation sur ce constat d’un professionnel avisé. Ma seule remarque se fondera sur le constat que les fondamentaux du vignoble, bien analysés dans le Plan Bordeaux, ne me semblent pas avoir véritablement changés. Affaire à suivre !
Dans la foulée de la conférence de presse dans ma boîte mail j’ai reçu un communiqué de presse de l’agence hémisphère sud qui m’annonçait qu’avec la nouvelle année qui rime avec nouvelles tendances de dégustation pour les Sweet Bordeaux !
Que sa quo ?
C’est une marque créée en 2009 me précise-t-on et avec elle, rien moins, que de réinventer la consommation des moelleux et des liquoreux de Bordeaux. Vaste programme !
Très pédago chic tout ça rime avec 4 moments de consommation mis en scène afin de renouveler l’image de ces vins et casser les codes classiques.
Vous me connaissez, casser les codes ça m’excite !
Alors que lis-je ? Je cite.
4 Sweet Moments
Le Sweet Break : pause douceur, les Sweet Bordeaux accompagnent à merveille gourmandises et petites douceurs. Les Sweet Bordeaux seront dégustés à la manière d’un café gourmand et révèleront les notes onctueuses et suaves de cette pause gourmande.
Le Sweet Dive : en « piscine », le bain de glaçon intensifiera la fraîcheur des arômes fruités, pimentés ou épicés de 11 appellations de vins moelleux et liquoreux de Bordeaux.
Le Sweet Mix : Festif, cosmopolite et tendance, le Sweet Mix casse les codes traditionnels du vin et ouvre de nouveaux horizons aux Sweet Bordeaux. Il sera sans nul doute la star des Sweet Soirées.
La recette : Dans un verre de shaker, mélanger une bouteille de jus de pamplemousse, 2 citrons pressés, 2 oranges pressées, une demi-bouteille de Perrier et une bouteille de Sweet Bordeaux. Shaker vigoureusement et verser dans un verre Sweet Bordeaux. Allonger de ¼ de Schweppes et servir très frais
Le Sweet Original : A partager pour un moment de convivialité, le Sweet Original replace la bouteille de Sweet au cœur de la dégustation entre amis.
Donc je résume : un verre avec une douceur, un verre avec des glaçons, un cocktail et le vin tout simplement. Franchement, va-t-on révolutionner la consommation des moelleux et des liquoreux de Bordeaux avec ça ? Moi je veux bien mais j’ai des doutes… ça ne va guère ébourriffer les sages mises en plis...
Que les soirées parisiennes ou bordelaises pour présenter ces Sweet Bordeaux soient des succès auprès des jeunes je n’en doute pas un seul instant mais, de grâce, pourquoi diable en faire des tonnes avec des « présentations » qui n’ont rien de révolutionnaires. Moi je m’attendais à du punk ou du grunge, des épingles à nourrice ou des Doc Martens… du lourd quoi ! C’est surjoué, convenu, sans surprise, et pas forcément en mesure de revisiter durablement l’image des moelleux et liquoreux de Bordeaux. Les modes ne se décrètent pas, elles surgissent du diable vauvert alors qu’on ne les attend pas forcément. Lorsque je parlais au charentais dans les années 2000 de la percée du Cognac aux USA dans les communautés noires et hispaniques ils me prenaient pour un extra-terrestres. Eux leur truc c’était le Cognac-Schweppes. Les rappeurs se sont emparés du Cognac et ce fut une success story.
Le vrai must qui casserait vraiment les codes ce serait « le baron Philippe » versus Sweet de Bordeaux link « Le baron affectionnait de faire mettre une bouteille d’Yquem, débouchée er placée debout, dans le compartiment à congélation du réfrigérateur. En trois heures de temps, le vin se dissociait, son eau devenant glace tandis que l’alcool et l’essentiel des autres principes restaient à l’état liquide. Cette concentration par le froid produisait un extrait qui était versé à chacun en faible quantité, pour une qualité très particulière. Lorsqu’il avait appris le traitement infligé à son cru, le marquis Bertrand de Lur Saluces était entré dans une colère monstre. Les deux seigneurs des vignes se détestaient de tout cœur. Mis à part l’originalité du sous-produit d’Yquem ainsi obtenu, Philippe de Rothschild jubilait à l’idée que le marquis eût immanquablement vent de cette pratique et qu’il en éprouvât quelque furie. »
Du côté douceur j’y ajouterais « le granité » Sweet de Bordeaux que l’on boirait, si je puis m’exprimer ainsi, à la petite cuillère.
Le taulier comme d’hab. va se faire bien voir sur les 2 Rives de la Gironde, du côté des 11 appellations de moelleux et de liquoreux que je cite : Sauternes, Barsac, Loupiac, Sainte-Croix-du-Mont, Première Côtes de Bordeaux, Graves Supérieures, Cadillac, Côtes de Bordeaux Saint-Macaire, Bordeaux Supérieur, Cérons, Sainte-Foy Bordeaux…, mais qu’importe il ne fait que son travail de chroniqueur qui n’a rien à voir avec celui de communicateur. Dans Cap 2010, qui a été goûté à sa juste valeur à Bordeaux, nous écrivions en 2002
« Notre ambition est toute autre ; nous voulons tirer le meilleur parti de notre antériorité, de
notre tradition, tout en innovant sur les segments les plus porteurs ; nous voulons être créateurs de vins à vivre pour nos clients présents, de vins bien dans leurs baskets pour les nouvelles générations ; nous voulons une fois pour toute dire à ceux qui sont en charge de la chose publique que le vin, que nos vins, sont des produits de civilité, de convivialité, de bien vivre ensemble et que nous sommes tout autant qu’eux soucieux de la santé publique, de la sécurité de nos concitoyens.
Nous voulons aussi dire à l’ensemble des viticulteurs de France que l’expansion et le développement de nos vignobles passe par l’absolue nécessité d’être à l’écoute des attentes de nos consommateurs qu’ils soient chez eux, en famille, entre amis, à la terrasse d’un café, à déjeuner au restaurant, le soir à l’heure de l’apéritif, les jours de fête ; qu’ils soient en train de pousser leur caddie dans une grande surface, chez un caviste, dans la cave d’un producteur, dans le caveau d’une cave coopérative, sous les voûtes prestigieuses d’un château ou les poutres d’un domaine de renom ; qu’ils soient à Lille, à Marseille, à Brest, à Londres, Tokyo, New York ; qu’ils soient dans un avion, en TGV, sur un ferry, un paquebot de croisière ou dans un village de vacances. »
Oui nous avions omis Shanghai mais peu importe, même si les vents de Chine sont propices en ce moment pour Bordeaux, ce qui me semble toujours d’actualité c’est que lorsque le vin est tiré il faut le boire ou dit autrement la seule question qui vaille c’est de savoir si les vins produits rencontrent des clients. À Bordeaux il semblerait que l’on veuille maintenant boxer dans toutes les catégories, ce qui est tout à fait concevable dans un grand vignoble, mais encore faut-il que dans celles où ces vins sont des challengers ils en adoptent les codes. Dit plus directement et clairement : c’est dans la vigne que tout commence pas dans la bouteille ou le verre du consommateur. Casser les codes avec des produits traditionnels pour réinventer la consommation n’est pas en soi une démarche à rejeter mais encore faut-il que dans la cabas à bouteilles on ne mélange pas les torchons et les serviettes. À force de toujours vouloir vivre dans l’ambiguïté on embrouille ses clients et on laisse la porte à ses concurrents qui eux, n’ont pas ce genre de coquetterie, ils ont choisi leur camp sans complexe.