Pour les wine-addict cette chronique est 100% vin rosé.
À la bascule de juin, chaque année, le tennis s’installe à la fois Porte d’Auteuil et sur les écrans de France-Télévision. Le soleil est, comme cette année, souvent au rendez-vous et sur les cours de Rolland – pour faire habitué(e) des loges du Central de la Porte d’Auteuil, dites Rolland, et non Rolland Garros – et dans les allées se croisent les braillards de haut de tribunes et les m’a tu vu, le sandwich jambon-beurre et les hôtes du Village. Ces derniers, hormis les éternels cravatés sérieux de chez sérieux, adoptent tous les codes des happy-few : hâle entre pain d’épices et chocolat selon le degré de mauvais goût, couvre-chef tendance, lunettes de soleil ad hoc, compagne ou compagnon assorti ou fortement désassorti, bon profil pour la caméra, je me déplace au bon moment pour être reconnu, gestuelle je lis mes e-mails et mes sms avec une périodicité horlogère, et depuis le buzz de NYC : je Twitte à mort... « Nadal porte un slip Emporio Armani... » Tout ça pour dire que Rolland c’est une France en miniature sur laquelle je ne vais pas m’étendre afin de ne pas verser dans la sociologie de café de commerce.
Reste que les joueurs aiment bien l’ambiance de la Porte d’Auteuil où se mêlent la passion, le chauvinisme populaire, le goût du beau jeu, le parti-pris pour le petit issu des qualifs, la dramaturgie du dernier set, le cinéma des mauvais coucheurs, le fair-play des gentlemen, les pitreries des sans-grades, bref Rolland Garros garde, en dépit du tennis-buiseness, une dimension humaine. Bien sûr Wimbledon, son gazon, ses traditions, ses fraises à la crème, sa pluie, reste le must absolu mais l’enchaînement service-volée ne se prête guère au beau jeu et Rolland est plus canaille. Pour ma part je ne suis allé que deux fois au bord des courts : en fin de journée voir jouer la belle Sabbatini et assister à une finale « hommes » le dimanche. Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir reçu des invitations, en loge bien sûr, que je devais aux sucriers, aux huiliers, à Perrier (propriétaire alors de Roquefort Société) et à Peugeot (mon ex-collègue Frédéric Saint-Geours était directeur chez PSA). Ce sont mes copains-copines qui en ont profité. J’étais très populaire ! Enfin, je suis aussi allé déjeuner au village, sans passage au bord des cours, à l’invitation de Jacques Bombal directeur de Roquefort.
Le village à Rolland on y mange et qu’on y boit. Donc faut y être ! Et mes amis de Marrenon ils y sont depuis 3 ans avec leur rosé Petula. C’est du bon. Je l’ai dégusté. Même qu’Olivier Poussier le dirait mieux que moi c’est du vin, du vrai, du croquant, du craquant. Ne venez pas me balancer un revers slicé du style : tu verse dans le copinage Berthomeau car je vais vous retourner un passing mahousse costaud le long de la ligne : « et si ce n’est pas moi qui le fais, qui le fera ?» J’assume mes amitiés quand elles ne sont pas trop encombrantes pour mes amis. Petula c’est du vin de vigneron n’en déplaise aux soi-disant juges aux élégances. Je vous épargne mon couplet sur la nécessité du collectif pour que nos territoires restent vivaces mais j’applaudis toujours des deux mains à ceux qui font, qui font bien, qui font de mieux en mieux. Donc c’est très clair : je profite des Internationaux de France pour écrire que leur Petula est une perle de rosée lascive. Ils ne m’ont pas sollicité avec un communiqué de presse à copier-coller comme le font certains de leurs collègues. C’est moi, opportuniste notoire, qui pour surfer sur la notoriété de Rolland Garros y suis allé comme le 272ième joueur mondial qui passe par les qualifs !
Détail pour les non-initiés : la terre battue ce n’est pas la couche de brique pilée rouge d'un centimètre d'épaisseur, qui sert à glisser et à avoir un bon contraste de couleur avec les balles mais la couche de calcaire spécifique, de 5 à 6 cm d'épaisseur, de granulométrie très fine, appelée « craon ». Cette couche est stabilisée au rouleau de 100 kg, puis au rouleau de 500 kg. C'est ça la terre battue qui laisse passer l'eau dans les deux sens et qui est gélive. Cette terre battue a été le terroir de beaux joueurs tout en toucher de balle, dont mon idole Ilie Nastase, mais aussi de vrais bucherons besogneux adeptes de l’essuie-glace de fond de court dont la caricature fut l’argentin Guillermo Vilas. Mon idole de jeunesse fut Arthur Ashe dont j’ai longtemps porté les fameuses tennis à son nom puis il y eut Ice-Borg puis l’irascible Lendl et bien sûr notre Noah. Ensuite j’ai lâché prise comme face à beaucoup de sport où le buiseness l’emporte sur la passion. À noter que du côté des joueuses, hormis la belle Gabriella Sabbatini, peu de joueuses m’ont enchanté.
Enfin pour en revenir au jeu : pourquoi compte-t-on par quinze au tennis : j’adore 30-15, trente à, pour en arriver à 40 parois à égalité puis prise de l’avantage ? « La comptabilité singulière du tennis est également tributaire du jeu de paume. Cette façon de compter, par multiple de quinze, nous vient de ce jeu, issu tout droit du Moyen Âge où le chiffre 60 était le symbole numérique le plus répandu. À l’époque, on comptait le temps (60 minutes) et l’argent (un denier d’or valait 15 sous) de cette façon. Au jeu de paume, les joueurs commençaient la partie au bout du terrain. Celui qui marquait, avançait de 15 pas au premier point, 15 autres au second, et 10 pas pour arriver au filet, ce qui constituait un avantage dans le jeu. C'est à ce jour, l'explication la plus proche de ce style de comptage de points » L'invention du « jeu décisif » date de 1970, soit deux ans après le début de l'ère open. La finalité de ce jeu était d'empêcher des matches interminables.