De grâce, je vous en implore, accordez-moi encore votre confiance, ne jetez pas cette chronique sous prétexte que je m’aventure dans le débat idéologique. Rien à voir, mon Marx à moi se prénomme Thierry et il vient d’écrire un livre dont je n’ai pas goûté au premier regard le titre « Comment je suis devenu chef étoilé ». En effet, je me suis dit « encore un de ces bouquin chiant ! » Mais, comme je suis curieux je l’ai ouvert et la première phrase a ébranlé ma certitude « Quand on n’est rien, on ne vous accorde aucune crédit dans l’existence. » J’ai donc feuilleté plus encore et, ce que j’ai butiné, m’a incité à acheter ce petit livre publié par Bayard 16€.
Dimanche, je l’ai lu d’une seule traite sitôt le déjeuner d’après-match de rugby. Comme vous le savez la haute cuisine ne fait pas vraiment parti de mon univers et l’ego des chefs me laisse froid. Là, rien de tout ça, Thierry Marx se livre sans fioriture, sans enluminure, « peu de mots. On se méfiait de l’affection, des sentiments qu’on peut laisser transparaître. On faisait très attention à ne pas manifester d’émotion. Quand on était malade, on ne s’écoutait pas. On se soignait sans bruit. La maladie était réservée aux faibles. L’homme malade est un individu qui se laisse dominer. Si la maladie gagne, il ne faut pas que ça se voit. Les costauds ne souffrent de rien. On ne se plaint pas, on ne montre rien de sa souffrance et on se cache pour mourir. » écrit-il à propos de ses grands-parents du 140 rue de Ménilmontant, chez qui il a vécu une grande part de son enfance. Ce grand-père dont Thierry Marx écrit « il aurait rêvé d’une Libération où Maurice Thorez aurait pris le pouvoir »
Thierry Marx, le type du 140, comme aujourd’hui on dit « le sauvageon des cités », a souffert d’être enfermé dans l’image du « mauvais élève », qui n’arrivait à rien. Dur à cuire et bagarreur a tout de même croisé des profs qui « savaient l’entraîner sur les chemins de l’exigence et de l’esprit de compétition. Ils possédaient la clef pour s’ouvrir à des individus comme moi, rétifs et rebelles. » Ce que l’un d’eux lui a appris en lui parlant de la note, « une grande chose » écrit Thierry Marx, vaut la peine d’être médité par ceux qui les distribuent et plus encore par ceux qui s’en réclament « Elle n’est que l’appréciation temporaire de la compréhension des leçons qu’on vous donne. Elle ne vous identifie pas, ne vous fige pas... »
Au vol quelques citations qui me vont :
« J’ai toujours eu une cervelle de riche avec un portefeuille de pauvre. J’aime le beau… »
« J’ai toujours aimé le vrai luxe, celui qui ajoute de la lumière sur le beau… »
« Je vais développer un vrai rejet de cette société de babas cools en écharpes tricotées, traîne-patins en tongs, des bourgeois qui récupéraient l’univers de la classe ouvrière et venait nous le raconter… »
« Pour moi, toute la valeur de l’enseignement est résumée par son attitude (il s’agit d’un compagnon du devoir) ce soir-là : l’autorité par la valeur du geste, et non celle du verbe. Apprendre à s’imprégner des aînés en regardant l’exécution de leurs gestes. »
« Ce que j’ai aimé, ressenti, humé, dans ce Médoc, c’est le mélange si particulier de l’ordre et du désordre. On le voit géographiquement : le fleuve est un désordre sans nom et la vigne ordonnée par la main de l’homme, depuis que les Hollandais ont asséché ces marais aquitains. De temps en temps, je m’arrêtais dans le port, tout proche et retiré, de Beychevelle, pour gamberger. Je me retrouvais dans un lieur qui ressemblait à ma vie. Le désordre n’amène que le chaos ; l’ordre bloque tout. La difficulté pour tout homme est d’avoir les pieds, bien posés, au bon moment. »
« J’éprouve le plaisir de transmettre. Je ne suis qu’un messager. On m’a donné. Je donne. La vie est une succession de rendez-vous décisifs et de rencontres capitales pour celui qui sait les reconnaître et les saisir au bon moment. »
« Je me reconnais une mission. Je peux dire : c’est possible, vous pouvez y arriver. Ne laissez personne briser vos rêves… »
« Un jour, en avril, au Portugal, dans la vallée du Douro, j’étais dans une quinta et du haut du piton rocheux, j’observais le vignoble. Tous les amandiers étaient en fleurs. Je me sentais humble face à ce spectacle inouï de la nature. Mon émotion était si intense que si j’avais dû mourir là, à cet instant, tout aurait été accompli. »
LISEZ MARX, sans modération, c’est bon pour tout !