Amis du vin bonjour, soyez sans crainte ce matin je vais chroniquer sur le vin et non sur le triste destin d'un petit rat de l'Opéra de Bordeaux – le Grand théâtre je sais - contraint de louer ses petits pieds en Repetto pour survivre dans notre monde cruel. Non je vais vous conter « la forte sensation » faite auprès de leurs amis d'un couple de Parisiens « Camille et Frédéric » lorsqu'ils leur servent « un vin qui provient tout droit... de leurs vignes bourguignonnes » Là je vous sens déjà un peu irrités : « des propriétaires de vignes qui habitent les beaux quartiers de PARIS ce n'est pas une nouveauté » me direz-vous. Certes le VIIe est riche en bailleurs mais dans le cas d'espèce nos parisiens, qui se la pètent un peu, vivent « une aventure œnologique » (sic) en « achetant une récolte sur pied en suivant chaque étape jusqu'à la mise en bouteille » Là vous esclaffez ! Attendez ce n'est pas terminé les railleurs ces « privilégiés » vont recevoir :
– un titre de propriété (normal ils ont acheté un chouïa de récolte sur pied)
– un « échantillon de votre terre » (le votre me semble un peu osé)
– un pied de vigne (je suppose qu'il vient tout droit de chez un pépiniériste)
De plus ils seront « conviés à tous les rendez-vous importants : taille, vendange, travail du chai » et ils auront « le plaisir de recevoir à domicile des bouteilles » à leur nom. Le journaliste de Capital.fr parle que ces braves gens s'adonnent « à la viticulture par procuration » Grand bien leur fasse, après tout c'est leur argent et moi ça ne me fait ni chaud ni froid. Ces néo-vignerons aux mains blanches sont à peu près 10 000 indique-t-il. Clients de www.mesvignes.com ou de www.gourmetodyssey.fr Quant à écrire qu'ils font « fructifier leurs rêves » il y a un pas que je ne franchirai pas. Ce qui m'intéresse dans ce service de soupe à la louche, si caractéristique de Capital, c'est la cote du pied de vignes en fonction de son implantation dans nos belles appellations que le monde entier nous envie. En effet, le prix est libellé en euros le pied (je n'ai pas écrit haut-le-pied). Certains font des prix de gros : si vous prenez 36 pieds que si vous vous contentez de 24 (est-ce normal car lorsqu'on prend son pied, la quantité prévaut-elle sur la qualité ? Je plaisante bien sûr) Bref, sur les 6 propriétés présentées j'ai établi une moyenne qui fait très prix de marchand de chaussures (normal, non) et j'ai pu ainsi les classer.
N°1 : Château Marquis de Terme Margaux : 99,16€ le pied www.chateaumarquisdeterme.com c'est 1785€ pour 18 pieds comprenant dans le pack 3 stages (découverte, vendange, œnologie) avec le régisseur du Château ;
N°2 : Château Fougasse Bordeaux : 18,90€ le pied www.locationfougas.com AB à partir de 630€ pour 25 pieds de cuvée Maldoror et 50 pieds de la cuvée Prestige.
N°3 : Domaine de la Queyssie Bergerac www.laqueyssie.com : 17,43 € le pied, à partir de 139 euros les 6 pieds et 280 euros les 24 pieds.
N°4 : Domaine Sylvie Spielmann Alsace www.sylviespielmann.com : 15,99€ euros le pied, à partir de 403€ les 24 pieds et 547€ les 36 pieds. Mais vous n'aurez pas un seul sabot du cheval qui laboure les vignes.
N°5 : Domaine Chapelle Santenay AB domainechapelle.com : 15,66€ le pied ; à partir de 303 euros les 18 pieds, 519 euros les 36 pieds.
N°6 : Domaine du Clos Roussely Touraine www.domaineduclos-roussely.fr : 13,30€ le pied ; 307€ pour 24 pieds et 403€ pour 36 pieds.
Lisez-moi bien et entendez-moi bien, je sais combien il est difficile de vendre son vin et je ne jette nullement la première pierre à ce mode de commercialisation qui, après tout, en vaut un autre. Il a l'avantage de faire préfinancer quelques bouteilles par le consommateur (mesvignes.com indique que le paiement peut se faire en 3 fois mais n'étant pas client je ne sais à quelles conditions) et réponds à l'air du temps : nous vivons de plus en plus par procuration faute de pouvoir vivre vraiment des expériences fortes. Nous sommes si loin de la réalité du produit : nos enfants ont du mal à faire la relation entre son steak haché et la belle vache qu'il a vu au Salon de l'Agriculture, que nous nous raccrochons à des ersatz et j'ai personnellement du mal à croire, comme il est écrit sur le Site de Mesvignes.com que « Le vin que vous aurez dégusté ou élaboré auprès du vigneron aura un goût unique, le goût des moments partagés avec lui et avec les amateurs que vous aurez rencontrés chez lui. Et si vous choisissez de suivre l'élaboration d'une cuvée, vous obtiendrez en fin de parcours des bouteilles personnalisées. Bref, un vin pas comme les autres ! » Sans doute est-ce les séquelles de mon élevage vendéen. Pour moi le faire n'a rien à voir avec le faire faire et lorsque l'on donne la main chez moi ça voulait dire qu'on s'entraidait. Ça ne me choque ni me chagrine ça m'est étranger c'est tout. J'ai un sens de la propriété sous-développé et, même si j'avais des vignes et que je faisais du vin, j'aurais du mal à dire mon vin comme je crois n'avoir jamais dit ma femme. Je m'en tiens là et je ne vais faire tout un fromage pour quelques boutanches car si je fais le compte, en étant large, 30 bouteillesx10 000 acheteurs = 225 000 litres soit 2250 hectolitres pas de quoi assécher le marché.