Convoquer en exergue d’un rapport parlementaire de MM. Lambert et Boulard, qui n’appartiennent pas à la même crèmerie politique, sur l'inflation normative crayon de Plantu, et le quadruple patronage de Montaigne, Montesquieu, Saint Just et Pierre Dac donne envie. C’est une manière très taulière de traiter un sujet grave sans se la jouer austère. Si vous avez du temps feuilletez ou lisez ce RAPPORT de la MISSION de LUTTE CONTRE l’INFLATION NORMATIVE link
Alain Lambert est juriste de formation. Il entre dans l'univers des Finances publiques, au Parlement, puis au Gouvernement. Il est avec Didier Migaud co-fondateur de la LOLF, notre Constitution financière.
Il travaille sur le sujet des normes depuis 5 ans. Sa conviction profonde est que la France s'est abandonnée à une forme de délire normatif. Qu'elle en est gravement malade, et, sans choc salvateur, elle pourrait en périr. Alain Lambert est un grand admirateur de Jean-Etienne-Marie Portalis qui disait au législateur : " les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois "
Jean-Claude Boulard a eu la chance, avant de faire l’ENA, d’être élevé par des marchands de vaches dont la seule norme était le respect de la parole donnée. Lorsqu'ils s'engageaient à vendre du bœuf...c'était du bœuf.
Pour avancer dans la vie, ils lui ont délivré un conseil : "n’oublie jamais, petit gars, qu’il n’y a que ceux qui demandent à qui on refuse". Grâce à ce conseil, Jean-Claude Boulard a pu, parfois sans délai, sans autorisation, sans schéma directeur préalable et sans étude d’impact, prendre des décisions utiles à ses concitoyens.
Il souhaite que le travail sur les normes réalisé avec son ami Alain Lambert puisse rouvrir cet horizon : agir vite dans l'intérêt général.
Le rapport est mis sous le quadruple patronage de Montaigne, Montesquieu, Saint Just et Pierre Dac.
"Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ...
Les lois les plus désirables ce sont les plus rares"
Montaigne
"Les lois inutiles affaiblissent les lois essentielles"
Montesquieu
"On ne gouverne pas sans laconisme"
Saint Just
- Pouvez-vous détecter les normes absurdes ?
- Je le peux.
- Vous pouvez vraiment le faire ?
- Oui…
- Il peut le faire ! Alors on l’applaudit très fort !
Pierre Dac
Pour ce qui nous concerne, n’applaudissez pas trop vite… Attendez d’avoir lu le rapport.
Introduction
Redonner à la France de la compétitivité ne concerne pas seulement son économie, mais également son droit dans un pays où, du fait de l’accumulation des normes et de la complexité des procédures, le temps des papiers se révèle plus long que le temps des chantiers.
Ce constat est révélateur du passage progressif d’un État de droit à un état de paralysie par le droit.
Cette situation exige un choc de compétitivité juridique.
Desserrer les contraintes, accroître la réactivité, réduire les délais d’instruction, retrouver des marges d’initiatives, alléger le coût des règles, rétablir le goût du risque passe par le traitement d’une pandémie grave : l’incontinence normative qui a progressivement freiné l’action, rendu plus difficile l’innovation, absorbé l’énergie créatrice.
Dans une de ses formes les plus pernicieuses, elle a même contaminé les chemins de la connaissance en les normant par une loi comme celle de la bio éthique au risque de provoquer un retard dans la recherche génétique française.
L’épidémie a été relancée par le principe de précaution qui fonde une société peureuse, frileuse, paralysée par l’obsession de prévenir tous les aléas.
Il y a urgence à traiter la maladie, car le risque est grand de la voir s’aggraver. En effet, lorsque la puissance publique n’a plus beaucoup de moyens financiers, elle est, par compensation, tentée d’agir par prescriptions d’autant plus facilement que le prescripteur n’est pas le payeur.
Ce constat sur les dangers de l’inflation normative unanimement partagé s’accompagne d’un constat, aussi unanime, d’impuissance à endiguer le phénomène.
Le moment est pourtant venu de rompre avec une évolution qui conduit à la paralysie. Ce moment est pertinent alors que les moyens financiers des collectivités locales vont diminuer. La préservation de leur marge d’action implique un allègement des charges et des délais normatifs qui leur sont imposés.
Le moment est décisif aussi pour les acteurs économiques afin de libérer leurs forces d’initiative, d’innovation, de création de richesses. Il ne s’agit, bien sûr, pas de prôner une dérégulation générale dont les dangers en économie ont été démontrés. Une société a besoin de normes, mais il en est des normes comme du poivre et du sel. Leur absence comme leur excès rend le tout inconsommable. Il nous faut retrouver, là comme ailleurs, le sens des proportions.
Il faut desserrer les freins et même accepter des espaces hors normes, condition de la recherche et de la créativité.
Pour donner l’exemple, nous avons tenté une démarche un peu hors normes.
Nous avons filé la métaphore sur la chasse en usant du permis que nous a accordé le Premier Ministre.
Plantu a bien voulu mettre son humour poétique au service d'une grande première : illustrer un rapport de la République. Le précédent est pertinent. Le Journal Officiel mériterait lui aussi d’être imagé pour le rendre plus lisible et plus attractif.
Dans la continuité de Montaigne et Montesquieu, il a placé au fronton de son Assemblée Nationale la formule essentielle : " Trop de loi tue la loi "
Nous avons, avec son aide, cherché à mettre l’humour de notre côté en espérant que, si le ridicule tue, il puisse avoir raison de quelques normes absurdes.
Pour que notre rapport ne soit pas un rapport de plus, il ne faut pas seulement sa prise en considération par les pouvoirs publics. Il faut une prise en charge de la démarche par la société tout entière. Tous les acteurs concernés doivent se mettre en mouvement pour diffuser une nouvelle culture afin de passer de l’intégrisme à l’assouplissement normatif.
Il s’agit de secouer notre droit pour… se redonner les droits d’agir.
C’est pourquoi nous proposons d’alléger le stock de normes et d’endiguer leur flux.