Benoît Simmat et Philippe Bercovici récidivent avec bonheur dans leur entreprise de mise à nu des us et des coutumes des peuplades girondines qui ont des ceps de vigne pour, cette fois-ci, en ethnologues confirmés, se plonger dans les profondeurs du terroir médocain investi – j’ai osé – par les caves du CAC 40 François, Bernard, Martin. Bien croqués les prédateurs parisiens et leur suite : François-Henri le fils de François et les deux rejetons de Bernard, Delphine surtout, se voient tailler des costards à leur mesure et pour le frère et la sœur du bétonneur c’est aussi du meilleur tonneau. Les porteurs de valises de ces messieurs ont eux-aussi droit à un traitement de faveur fort réjouissant. Seuls, la baronne et les deux barons portant tous le même nom sont épargnés par la verve décapante des auteurs. Il faut dire que Simmat connaît les paroles et la musique du terroir profond estampillé 1855. C’est pertinent, impertinent, avec une intrigue bien troussée et donc à classer dans un bon cru de bande dessinée.
Je ne vais pas, comme le font certains critiques de cinéma à court d’inspiration, vous révéler cette intrigue mais, comme j’ai mauvais esprit, je vais mettre ma loupe sur la planche de la page 20 – oui je ne l’invente pas vin et planche vont parfois bien ensemble même si une douelle n’est pas sciée mais tranchée – où Fréderic lève un lièvre pour le plus grand plaisir du père François. Je résume (pour le détail voir les bulles ci-dessous) :
- FP : « malgré tous nos efforts, notre capacité de production est limitée.
- FE : « détrompez-vous, monsieur Pinault. Il est très facile d’augmenter les hectares de vignes dans le Médoc. Et on le fait en permanence...
En fait tous les grands propriétaires régulièrement des hectares, souvent pour augmenter leur production. Et nous si on fait cela ça reste du Latour. »
- FP : « miraculeux... »
- FE : « vous vous souvenez du fameux classement de 1855, qui fait toujours autorité. Il a été commandé par l’Empereur Napoléon III aux courtiers bordelais pour déterminer quels étaient les meilleurs vins. Ceux-là n’ont pris en compte que les prix pratiqués à l’époque pour faire leur classement...
1855 est donc un classement de marque, et non un classement de domaines. Les grands médocs n’ont jamais cessé d’évoluer ou de s’agrandir en permanence. Alors tout le monde croit que leur géographie est strictement délimitée ! »
Bien vous me direz c’est bien joli de constater la pratique mais ce qui serait encore mieux c'est de nous mettre sous le nez ces fameux hectares. Oui mais ça c'est le boulot des journalistes dit d’investigation qui pourraient, s'ils voulaient bien s'en donner la peine,nous éclairer sur les résultats de ces agrandissements successifs. Bien évidemment, le reproche ne s’adresse pas aux auteurs de la BD qui eux font dans le ludique mais à ceux dont le métier est de nous informer. Secret de fabrication puisqu’il s’agit de marques me rétorqueront-ils ! Certes, mais sans insinuer que ces pratiques sont condamnables elles constituent un bel accroc au beau discours du terroir profond du genre de celui qui m’avait été tenu lors de ma première immersion dans le Médoc du classement 1855 « Ici c’est grand et c’est nous ! Et au-delà de ce chemin c’est dix fois rien et ce n’est pas nous... » Simple transmutation du rien en tout lors de l’acquisition devant notaire c'est presque le coup de l'eau en vin. Dans notre beau pays qui adore le cadastre et les actes authentiques ce ne devrait pas être trop compliqué, pour les longs nez, d’aller y mettre le leur. Mais mon petit doigt me dit que si ça ne se fait pas c’est que ça chagrinerait les nouveaux indigènes. Quoiqu’il en soit vous pouvez vous contenter de lire la BD de Simmat&Bercovici Les Caves du CAC 40 les dix commandements du vin chez 12 bis c’est 12€.
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PS. La mention « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération » est placée en exergue. Mais jusqu’où ira le ridicule des mentions dites de santé publique.