Mon jeune âge en Vendée m’a privé de Carême, m’a seule privation était tout au long de l’année de ne pas manger de viande le vendredi. De toute façon, comme les hommes, eu égard aux travaux des champs, ne modifiaient pas eux aussi leur régime alimentaire. Seul, le clan des femmes, jeunait. Mardi gras, qui précède le mercredi des Cendres marquant le début du Carême, ne marquait pas chez moi la fin de la «semaine des sept jours gras» mais le «carême-entrant»
À l’heure du déjeuner de Mardi Gras la grande cuisine commune (la maison familiale était une ancienne auberge relais de Poste à l’entrée de la Mothe-Achard, sur les murs de la façade subsistait les anneaux de fer où l’on attachait les chevaux) sentait l’huile chaude et la pâte frite.
Le rituel était bien établi :
- Les crêpes dites bretonnes
- Puis les crêpes « crapauds » : les mêmes sur lesquelles en fin de cuisson, mémé Marie balançait de l’huile bouillante. Nous les dénommions crapauds car elles étaient couvertes d’énormes boursouflures causées par le traitement style défenseur de châteaux-forts. Elles étaient bien grasses, craquantes et le sucre en poudre dont nous les avions copieusement aspergées ornait nos lèvres de pépites brillantes. Nous en mangions à nous en faire péter la sous-ventrière…
- Enfin, après que nous eussions quitté les lieux pour notre après-midi d’école, mémé Marie, aidée de sa sœur la tante Valentine, confectionnait des tourtisseaux dénommés encore des bottereaux. C’était maman qui avait confectionnée la pâte. Nous les dégustions à l’heure du goûter et en dessert le soir au dîner.
Le bottereau est nantais, pour preuve le Loroux-Bottereau, le foutimasson et le tourtisseau du Poitou et de Vendée, ce n’est que bien plus tard que je découvris qu’ils se nommaient ailleurs, crouchepette dans les Landes, merveille en Gascogne, Bordelais, Saintonge, Aunis, croquignolle en Anjou… Le Sud-Est n’est pas en reste : oreillette Provence et Languedoc, ganse en région niçoise, chichi-frégi en Provence, frappe en Corse, faverolle et bugne en Lyonnais et Bourgogne, craquelin en Savoie… A signaler encore : corvechet en Lorraine, roussette en Alsace, Île-de-France, guenille en Auvergne, rousserole, fantaisie, nouet ou nouette, bunyette ou bougnette, crotte d’âne, ou crotte de poilu ou cuisse de belle dame et autres « beignets de carnaval » tout simplement…
Si vous souhaitez visionner la recette des tourtisseaux&bottereaux link La forme traditionnelle des Tourtisseaux et Bottereaux est le losange et moi ce que j’adorais c’était la petite roulette en bois avec laquelle on les découpait dans la pâte. C’est bourratif, ça cale mais il est toujours possible de faire couler la miette avec des bulles (voir ci-dessous)
Reste pour terminer à répondre à ma question : Les Tourtisseaux, les Bottereaux, les Foutimassons, les Bugnes ne sont-ils que des Pets de Nonne ?
Fulbert-Dumonteil, dans sa France Gourmande 1906 Librairie Universelle situe la naissance du pet-de-nonne à l’abbaye de Marmoutier, réputée à l’époque pour sa cuisine. Lors de la préparation d’un repas de la saint Martin, où l’archevêque de Tours devait bénir une relique du manteau du saint patron tourangeau, tout le monde s’affairait autour des fourneaux.
« Soudain, un bruit étrange et sonore, rythmé, prolongé, semblable à un gémissement d’orgue qui s’éteint, puis aux plaintes mourantes de la brise qui soupire dans les cloîtres, vient frapper de stupeur l’oreille indignée des bonnes sœurs. »
Le pet-de-nonne est aussi appelé « beignet de vent » ou « soupir de nonne », «pet de putain», « pet de vieille » et pet de bièillo dans l’Aveyron
La cuisinière de la campagne et de la ville livrait en 1858 cette recette :
« Beignets soufflés, dits Pets de nonne
Mettez dans une casserole un quart de litre d’eau, gros comme 2 noix de sucre, autant de beurre, du zeste de citron haché ou râpé ; faites bouillir le tout un moment ; saupoudrez dedans de la farine en quantité d’une main, tandis que vous tournez avec une cuillère de l’autre main ; continuez de saupoudrer de manière que la pâte devienne extrêmement épaisse, et tournez très vivement jusqu’à ce qu’elle soit cuite : ce qu’on connaît quand, en y touchant avec les doigts, elle ne s’y attache pas. Tirez-la du feu et laissez refroidir ; cassez-y un œuf et continuez de tourner vivement pour l’incorporer à la pâte; cassez-en un autre de même ; et ainsi de suite jusqu’à ce que la pâte soit maniable et qu’elle coule lentement de la cuillère en l’élevant au-dessus de la casserole. Prenez-en, avec une cuillère, gros comme une noix, que vous faites tomber dans la friture avec le bout du doigt. Cette pâte se gonfle beaucoup dans la poêle. Servez chaud, bien doré, saupoudré de sucre. Ils sont bons froids. Si on les fait à l’eau de fleur d’oranger, on ne la met qu’avec le premier œuf »
Alors qu’est-ce qui différencie mes Tourtisseaux, Bottereaux, Foutimassons, et autres Bugnes etc. des pets de nonne ?
La réponse est simple, je dirais même consubstantielle, il ne vous reste plus qu’a me la donner.
Du côté du boire, sans contestation faut des bulles et là vous avez le choix entre le cidre de Cyril Zang, Ze bulle Zéro pointé, Cœur de Bulle, Préambulles, Champagne Tarlant Zéro…