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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 00:02

Vous ne pouvez pas savoir comme je goûte avec une forme de gourmandise rigolarde les déclarations d’amour enflammées des Nouveaux Convertis au Bio, qui ne sont pas bien évidemment les vignerons en conversion bio mais les gens de plume patentés écrivant sur papier glacé. En ce début d’année nous subissons une inflation de superlatifs pompeux tel 2010 année du Bio, nous observons une surenchère très putassière des anciens petits marquis qui, toute honte bue, se ruent dans les rangs de vigne enherbés, se vautrent dans le naturel, s’agenouillent devant les nouveaux autels, psalmodient les antiennes autrefois méprisées, se poussent du col pour avoir le privilège d’aborder en premier les calices non soufrés, se rengorgent du plaisir extrême de troquer leur costume de pingouins très je vais souper au château pour enfiler un bon vieux falzar en velours côtelé plus adapté aux agapes roboratives de ces « braves petits vignerons » si soucieux de dame nature. Certains, biens sûr, m’objecteront qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! Certes oui et même si je suis, comme le père tout disposé à faire tuer le veau gras pour les enfants prodigues, un peu de modestie ne nuirait pas aux nouveaux convertis.
99-005964.jpgParabole des ouvriers de la dernière heure (1600-1637) 158x174 Jacobsz Lambert musée des Beaux-Arts de Rouen

Comme le notait un grand expert de la question, Edgard Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne c’est le vent. Nous sommes en notre beau pays coutumier de ces grands retournements historiques : nous brûlons facilement ce que nous avons adorés et nous n’aimons rien tant les esprits forts quand ils ont rejoins le royaume des morts : Philippe Seguin encensé par tous, Pierre Mendès-France promu référence absolue... Ceci écrit, avec les proclamations d’amour au bio des nouveaux convertis nous nous situons dans le champ du dérisoire qui ne change rien au cours de l’Histoire donc je m’empresse de dire que ma chronique se place, elle, dans le domaine de la jubilation. Ce qui me plaît beaucoup dans ce grand virage c’est qu’il ne fallait pas être un grand prévisionniste pour observer dans les faits la montée d’une demande sociale pour une agriculture plus respectueuse de son environnement. Mais, comme l’écrit judicieusement Aldous Huxley « Les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore ».

Des ignorants, oui, parfois méprisants et suffisants, mais surtout des gens qui ont l’art de fermer les yeux sur ce qui les dérangent. Les adeptes du «Ce n’est pas vrai parce que ce n’est pas bien » qui comme l’écrit dans le Bêtisier du sociologue Nathalie Heinich, elle-même sociologue, « ainsi se résume, en forme de wishfull thinking, le déni politiquement correct du réel »  Et de citer les plus beaux spécimens : Beauvoir&Sartre « parangons de l’intellectuel engagé, qui ont cru bon de traîner dans la boue deux rescapés David Rousset et Margarete Bubber-Neumann, parce qu’ils affirmaient qu’il existait des camps en URSS ». Qu’ils aient des circonstances atténuantes – les nouveaux convertis pas Beauvoir&Sartre – je veux bien en convenir car dans le camp d’en face le radicalisme de certains, adeptes du « tout est politique... » les confortaient dans leur aveuglement. Dans ma vie professionnelle j’ai toujours constaté que les radicaux de tout poil se révélaient être les meilleurs alliés des conservateurs. Et là mon sourire goguenard a tendance à virer au rictus.

En effet, au-delà de ces pauvres petits revirements, ce qui est en jeu c’est la capacité de ceux dont le métier consiste au travers de leurs écrits de donner une vision de la réalité qui ne soit pas tronquée par leur subjectivité. « Le je pense que... » qui règne en maître est dérisoire. Bien sûr, il est difficile de se départir de ses présupposés idéologiques, culturels, sociaux, mais il me semble tout à fait possible de décrire des faits qui ne correspondent pas à l’idée que l’on s’en faisait avant d’entreprendre de les observer. Ce type d’approche que j’ai tenté de mettre en œuvre lors de l’écriture de mon rapport m’a valu d’être vilipendé par tous les camps. Sans me poser en Saint Sébastien criblé de flèches, ni m’ériger en donneur de leçons – ce que certains peuvent me reprocher j’en conviens – permettez-moi tout de même de regretter que lorsque les termes des choix vitaux pour l’avenir de notre secteur ont été posé, tout ce beau monde soit s’était fait porté pâle, soit enfourchait avec les conservateurs de toutes obédiences de vieilles haridelles en laissant accroire que sortir les AOC de leur ambigüité c’était faire le lit des « vins industriels ».

Désolé de vous avoir infligé mon humeur du moment mais depuis mon plus jeune âge je suis affligé du syndrome « Croix d’Or » (chronique du 26/11/2005 ICI-> http://www.berthomeau.com/article-534935.html qui a muté récemment grâce à l'impayable Chabalier en « Allergie au Sot d’eau » les nouveaux convertis ramenards et prosélytes me gonflent absolument. Pires encore sont ceux qui, tout en gardant leurs convictions anciennes bien ancrées, pour des raisons de développement de fonds de commerce, se croient obligés de tomber la veste et la cravate pour accueillir en leur cercle soit une grande prêtresse de la religion naturelle ou d’enluminer leurs chroniques d’une touche de carbone neutral car ça plaît au bobobio mon coco. Bon quand je me relis je me dis que je viens de me faire un petit paquet d’amis... mais « sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur » alors ça ne m’empêchera pas de trinquer même avec ceux qui me donnent de l’urticaire car au moins ils le sauront.

PS : dans mon rapport de 2001 page 23 j'énonçais les 4 priorités de ce que j'avais baptisé «  Le Nouvel Elan des Vins Français pour 2010 » et la première était : devenir leader en matière de pratiques respectueuses de l’environnement. Aujourd’hui je suis à Millésimes Bio à Montpellier...

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commentaires

P
<br /> De retour de Montpellier : il me semble qu'il y a sensiblement la même proportion de très beaux vins dans les salons exclusivement "bio" que dans les autres salons, c'est à dire très peu. A<br /> vérifier à Angers ce week-end.<br /> Pierre Masson<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Pardon de t'avoir mal lu, Cher Jacques. Mais, sans être intégriste, je me sens aussi un peu nouvellement converti. Alors... On se voit à Angers pour trinquer ?<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Le jour où tu seras Pétainiste, les Maréchaux voleront, Michel!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> D'accord, il y a de la récup dans l'air. Beaucoup d'opportunisme et de nouveaux "convertis" qui étaient les premiers à massacrer leurs sols. Certes, le gros s'en mêlent, l'industrie, le fric. Pas<br /> mal de véreux bobos adeptes de la religion du sans soufre. Sur l'essentiel, je suis d'accord avec vous. Cependant, il reste que la prise de conscience de "l'organique" ou du "bio" a révolutionné la<br /> conception de vin de par le monde et a permit de voir émerger des vins d'une incomparable grandeur d'âme ou dimension si vous préférez (Zind Humbrecht, Huet, Deiss et tant d'autres), lesquels ont<br /> suscité bien des vocations allant vers des vins plus "vrais", plus proches des sols nourriciers. Au risque de faire hurler mes amis qui pourraient me croire pétainiste, la plupart des vins que<br /> j'aime et que je bois en ce moment sont inspirés d'une forme de retour salutaire à la terre, plus pure et plus propre. Ce sont des vins que je ressens plus profondément, des vins droits plus riches<br /> en matière. Que je me souvienne, cette notion de pureté dans le vin était rarissime il y a 30 ans. Si j'aime ces vins ce n'est pas parce que certains sont estampillés "bio", c'est simplement parce<br /> que leurs goûts me conduisent à faire un lien avec la plante et la terre qui la reçoit. Pour autant, je suis contre les dogmes et les religions, préférant de loin ceux qui se conduisent avec le<br /> respect que l'on doit au terroir sans pour autant se sentir obligés de l'afficher par le travers d'un certificat. Reste, qu'on le veuille ou non, qu'un label dit de qualité est une forme de<br /> garantie vis à vis du consommateur... Reste aussi qu'en bon consommateur que je suis il serait souhaitable qu'un label soit une vraie garantie. Ce n'est pas le cas en ce moment et ce le sera de<br /> moins en moins quand on sait ce que coûte une personne qui va se rendre à l'improviste dans les vignes et dans les caves pour vérifier que l'on ne triche pas avec le cahier des charges... Pardon<br /> pour les fautes, mais le sujet m'énerve.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Cher Michel mes nouveaux convertis sont exclusivement les nouveaux chantres du bio, ceux qui écrivent sur le vin surtout, et non comme je l'ai souligné en introduction de ma chronique les<br /> vignerons en conversion<br /> <br /> <br />
H
<br /> Moi, ce que je crains, c'est plutôt que le bio soit dévalué par des normes affaiblies, qu'il soit récupéré par l'industrie - et quand je dis je crains, c'est une formule de style - c'est déjà<br /> fait.<br /> Oui le bio est à la mode, et la récupération est manifeste. Parce qu'il commence à y avoir de l'argent derrière, des annonceurs, des investisseurs, des marketteurs.<br /> Non, les bio n'ont pas le monopole des bonnes pratiques ni du bon vin. Mais ceci, pour important que cela puisse être, est encore moins grave pour moi que de voir le concept vidé de sa substance.<br /> Parce que les bio ont fait avancer les choses, et que ce qui est communément admis aujourd'hui, la nécessité de protéger le raisin et son environnement, pour toutes sortes de raisons, c'est eux qui<br /> l'ont fait admettre. Salut à David et Iris, c'est bon de vous lire.<br /> <br /> <br />
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