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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 00:09

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Ce matin je brode avec du matériau de qualité, du pur Sorin. Raphaël Sorin, l’érecteur d’Houellebecq, plus de quarante ans d’édition au compteur, gros nounours bougon et cultivé, j’aime car il a du coffre. Il vient de publier chez finitude Les Terribles, un de ces opus dont je raffole car je les glisse dans mon sac Pan Am bien connu et je m’en nourris à chaque fois que mon appétit s’aiguise. Alors quand j’y retrouve Léo Mallet c’est la rue Watt qui m’envahit, du moins les images qui m’en restent car aujourd’hui elle n’est plus ce qu’elle était à mon arrivée à Paris. Longue de 500 mètres et large de 12 mètres, elle relie le quai Panhard-et-Levassor au carrefour des rues du Chevaleret et du Loiret dans le13e arrondissement. Créée en 1863, elle se situait sur la commune d'Ivry jusqu'à l'extension de Paris au-delà du mur des Fermiers généraux, décidée par Haussmann. Je l’ai hantée quand je cherchais l’inspiration. Par bonheur Jacques Tardi l'a représentée dans certaines de ses bandes dessinées, adaptant en particulier Brouillard au pont de Tolbiac de Léo Malet.

 

« Il pleut sur Reims quand je débarque. L’ambiance est morose à la Maison de la Culture. Des zombies tournent comme des poules dans une cage. Les fameux spécialistes déboulent.» c’est Sorin qui narre. « Que faire, en attendant vendredi soir l’hommage à Malet ? (...) Que glander ? Les heures coulent comme la Seine dans un film de Bresson. Le lecteur qui n’aime ni les polars, ni le champagne, ni les mondanités s’impatiente. »

« On nous invite à visiter les caves de la célèbre Veuve Clicquot-Ponsardin dont la devise mérite un coup de chapeau en passant « Une seule qualité : la toute première ». Léo Mallet est arrivé entre temps, en pleine forme, malgré ses 70 piges, sa pipe à tête de taureau au bec, bien couvert à cause du froid, un sac de toile sur l’épaule. Je me présente « Sébastien Moreno »*. Il m’en serre cinq : « Malet ». Admirable simplicité de l’immense écrivain que l’admiration de Dug n’entame pas. J’ai relu Brouillard au Pont de Tolbiac la veille, dans l’édition magnifique de son copain le libraire du XIIe. Ah, la rue Watt ! »

 

« Un petit groupe de curieux opte pour la visite des caves. On saute dans des automobiles et c’est parti. La Veuve, qu’elle légende ! Pouchkine a écrit pour elle. Napoléon a dormi sous son toit. L’empereur Alexandre a bu son vin. Comme ils disent : « Elle continue sa pétillante carrière dans le monde d’aujourd’hui »  (...) On nous offre à boire avant d’entrer dans les caves de la Veuve, qui, comme l’Enfer de Dante, enferment les damnés occupés à tourner des bouteilles, chacun trente mille dans la journée, et il y en a cinquante quatre millions. Bloch et Malet en tête, nous pénétrons dans les galeries où l’on nous explique tout : « Préoccupée par le désir d’obtenir les vins les plus clairs, nets et limpides, Madame Clicquot inventa et mit au point, avec beaucoup d’obstination, la méthode du remuage sur pupitre, procédé délicat de clarification qui fut ensuite adopté par l’ensemble des Maisons de Champagne ;

J’observe Bloch ; impavide, il passe entre les rangées de bouteilles sombres, dans les salles qui portent les noms d’ouvriers modèles qui, pendant quarante, cinquante ans, ont remué le champ ou enfoncé des bouchons. Malet sardoniquement offense la mémoire de ces braves prolétaires : « Quels cons ! ». Il se souvient d’avoir fait deux jours chez Citroën, pas plus, et insulte les malheureux qui se crèvent çà la chaîne. Nous avançons toujours dans les veines sombres de la Veuve, à vingt mètres sous terre, en plein calcaire, comme des taupes avides de savoir. Nous allons tout connaître, jusqu’à la sortie où enfin on nous libère. Malet lance, vengeur : « Et maintenant, chez Ricard ! »

 

Extraits signés Sébastien Moreno (alias Raphaël Sorin) Libération 22 mai 1979

 

Le pied-de-nez n’a pas eu lieu, Patrick Ricard, le fils de Paul, n’a pas acheté la Veuve mais s’est contenté d’acquérir Mumm et Perrier-Jouet lorsque JM Messier soi-même s’est débandé...

 

Vous pouvez lire aussi une ancienne chronique « On procède au dosage, c’est-à-dire qu’on croise le vin, qu’on le détend avec toutes sortes de trucs » Barbe Nicole Ponsardin Veuve Clicquot link

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commentaires

L
<br /> <br /> Michel, à ton âge, avec ta réputation et ton bel esprit .... !<br /> <br /> <br /> Toute la Casamance t’attend. Tu t’y es ... forgé une renommée de sage, pas de griot ni de saltimbanque. Je me demande, tout<br /> anachronisme à part, si on n’y a pas retenu pour toi la célèbre déclaration de Laocoon devant les murs de la cité de Priam : « Timeo DANAos et dona ferentes ».<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Entre nous, et entre sommeliers ou journalistes, le vrai nom de la Veuve, c'est la Veuve Clito. Mais certains aiment aussi le Couette & Bandons ou le Ployez Braquemard. Quelle honte ! <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Mais c'est que vous êtes en grande forme messire Luc !<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Ouaip, vous vous faites toujours ... Reimser !<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Je confirme en ce beau matin, Reims est encore sous la pluie…<br /> <br /> <br /> <br />
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