En novembre, avec les premiers frimas, les filles de la ville capitale s’emmitouflent telles de futurs papillons en leur chrysalide, gantées, bottées, tout juste si elles montrent le bout de leur nez. Pour les découvrir il faut qu’elles poussent la porte des lieux de convivialité. Eva, j’ose l’écrire notre Eva, est de celle-là. Curieuse de tout et attentive, pour sa troisième chronique, en un lieu chaleureux, elle nous livre, avec simplicité et sincérité, une bonne définition du bien-vivre avec le vin. Messieurs les beaux parleurs, prenez de la graine ! Et puis, sans le savoir, elle donne un coup de chapeau bien mérité à mon ami Marcel Richaud. Moi qui n’ai pas le tutoiement facile avec Marcel ce fut naturel et immédiat. Marcel ne roule pas les mécaniques, il fait, il a tracé son sillon sans se soucier des quolibets, il a dû affronter bien des obstacles mis sur son chemin par de soi-disant défenseurs de je ne sais quelle typicité. Sans jouer les anciens combattants il faut savoir rendre hommage aux ouvriers de la première heure. Trêve de souvenirs taulier laisse la parole à l’invitée.
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Il y a quelques jours, je donne rendez-vous à des amis dans une cave-bar à vins que j’avais envie de découvrir, les Caves de Lamarck, dans le XVIIIe arrondissement. Bonne adresse à noter avec une belle sélection de vins, très complète et très variée, des incontournables et d’autres choses que je ne connais pas (encore). Alors, que choisir ? La Loire ? Mmmh non pas tout de suite, il fait froid, on va descendre un peu plus au Sud pour se réchauffer... Tiens, on va s’arrêter dans le Rhône chez Marcel Richaud, avec son Cairanne 2009. Belle bouteille, maintes fois goûtée, qui ne m’a jamais déçue.
Je goûte. Son nez est toujours aussi charmeur. Ample, rond, généreux et long. Sa bouche l’est également. Des fruits, du tanin, mais une si belle harmonie qui équilibre et donne du corps au tout qu’une fois de plus, je ne suis pas déçue. Ce vin me procure toujours autant de plaisir. Servir de généreux verres, ajouter à cela un peu de charcuterie et le tour est joué.
La soirée s’annonce belle.
Le vin plait. On discute, on boit, on mange, on rigole, on se resserre un verre, je trouve ce Cairanne toujours aussi bon. La bouteille se vide petit à petit. Et forcément, dans un tel cadre, la conversation en vient au vin, à ce qu’est le vin aujourd’hui pour moi, aux rencontres que j’ai pu faire, aux centaines de vins que j’ai pu goûter… J’en viens à parler de bio, de biodynamie, de naturel. A expliquer qu’il n’y a pas de certification à l’heure actuelle sur le vin bio, simplement sur les raisins cultivés en agriculture biologique. Un ami remarque : « Je me rends compte que je n’ai jamais bu de vin bio… ». Je rigole et lui réponds en désignant la bouteille aux trois quarts vides de Cairanne « Si, à l’instant-même» Etonnement. Rires. L’étonnement est positif. « Ah mais en fait, le vin bio, c’est bon ! »
Je souris. C’est vrai. Je baigne dans le monde du vin et m’intéresse de près à la façon dont sont cultivés les raisins, dont sont conduites les vignes, dont le vin est traité en cave. Il se trouve que les vins que j’aime sont faits par des vignerons qui respectent leurs vignes, leur terroir, la nature, leurs vins. Et le consommateur aussi. Alors forcément, je m’intéresse au travail du vigneron et quand j’en découvre un qui bosse bien, j’ai envie de le faire partager pour que tout le monde comprenne que ce vigneron (ou vigneronne bien sûr !) se casse vraiment le c** à bosser comme un dingue pour faire le vin que nous sommes en train de boire. J’aborde souvent ce point-là avant même de commencer à servir le vin. Parce que ce sujet m’intéresse vraiment.
Mais c’est avant tout la recherche du plaisir qui me guide. Et c’est cette même recherche qui doit guider les gens qui goûtent ce vin. Ils doivent le découvrir sans a priori, sans commentaires préalables, sans influences, juste avec leur propre appréciation. Je crois qu’il faut parfois savoir se taire et mettre de côté le discours de défense d’une viticulture saine pour se concentrer avant tout sur le plaisir que les gens vont avoir en le buvant. Ou pas d’ailleurs. Et si ce vin leur procure du plaisir, si tout simplement ils le trouvent « vraiment très bon », alors là, peut-être, à ce moment-là seulement, viendra le sujet de l’agriculture bio, de la certification, du bio en supermarché, du vin naturel…
Et là, il sera temps d’ouvrir une nouvelle bouteille…
Marcel Richaud
Route Rasteau
84290 CAIRANNE
Tel : 04 90 30 85 25
Les Caves de Lamarck – Caviste et Bar à vins
33 rue de Lamarck
75018 PARIS
Tel : 01 42 51 59 33