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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 00:04

« Rien ne surprend davantage un amateur de vin d’aujourd’hui*, que le réputation des vins d’Ile-de-France au temps jadis » Vins d’Argenteuil, du Laonnois, de Marly, de Meulan, de Montmorency, de Pierrefitte, de Deuil, de Saint-Yon, étaient connus : on savait distinguer ces crus les uns des autres.

Au commencement du XVIIIe siècle, Paumier, médecin normand, qui a écrit sur le cidre et le vin, ne parle qu’avec enthousiasme des vins français, car c’est ainsi que l’on désignait les vins de l’Ile de France. Il va jusqu’à leur donner la préférence sur ceux de Bourgogne : « Tout ce que peut prétendre celui-ci, dit-il, quand il a perdu toute âpreté, et qu’il est en sa bonté, c’est de ne point céder aux vins français ».

Le vin de Suresnes était l’un des plus connus de ces vins français.

« C’est le premier vin, dit, l’Encyclopediana, qu’on ait vanté en France. » 

Jean Gonthier, médecin de François 1ier, dans ses Exercitationes hygiasticae, nous apprend que le vin de Suresnes et celui de Ris faisaient les délices de la table royale : regi sunt in deliciis.

Ce Vin de Suresnes provenait de la récolte faite dans le clos de la Seigneurie (Clos des Seigneurs, où fut plus tard la propriété du couturier Worth) et était offert chaque année au roi par les religieux de Saint-Germain-des-Prés, propriétaires de la terre et seigneurie de Suresnes depuis l’an 918.

Ces mêmes vins, dit Pierre Gauthier de Roanne (il y ajoute ceux de Ris), font les délices du monarque. Il s’agit ici de Louis XIV, qui avait alors trente ans.

Il semble que ce fut l’hiver de 1709 qui porta un coup terrible à la renommée du vin de Suresnes. Les vieux ceps firent place à des nouveaux qui ne donnèrent plus qu’un reginglard.

En vain, en 1724 et 1725, de graves docteurs  de la Faculté de Médecine de Paris soutinrent des thèses publiques pour prouver que le vin de Suresnes l’emportait, en qualité, sur les vins de Bourgogne et de Champagne. Leurs efforts furent inutiles. Comme dit Sancho Pança, qui veut prouver trop, ne prouve rien.

Devant ce retournement de l’opinion, on s’est demandé si l’on n’avait pas confondu, pour leurs vins, Suresnes près de Paris avec Suren ou Surey du Vendômois, dont le vin est de qualité.

Mais non, nous sommes en présence, pour le vin de Suresnes, d’une de ces évolutions dans la qualité des vins qui sont plus fréquentes qu’on ne l’avoue dans les pays viticoles. L’Encyclopediana dit fort bien que « les habitants de Suresnes, qui jouissaient depuis Henri IV de la liberté indéfinie, on t abusé de cette vogue. Ils ont changé peu à peu les plants et la culture pour tirer à la quantité, et ne font plus que de la piquette »

Seuls, les vignerons des grands crus classés savent encore faire du vin, et l’abaissement du cru de Suresnes n’est qu’un exemple entre cent.

Quelques cultivateurs, avant la guerre, récoltaient encore sur le coteau de Suresnes un vin qui avait un léger bouquet rappelant les vins tourangeaux, nous dit Edgard Fournier dans son livre, Suresnes, paru en 1890.

Nous n’en sommes plus là. Les constructions de tous genres ont envahis les pentes du Mont Valérien : en vain chercherait-on aujourd’hui des vignes... Dans les guinguettes, des demoiselles fardées demandent des cocktails ou du thé »

 

Extrait du livre Le Grand Paris de Louis Thomas datant de 1941 qui écrivait dans sa préface : « Pour ce qui est du grand Paris, la tâche est d’autant plus urgente, que les erreurs ont été plus lourdes. Pour l’instant, le pourtour de Paris est un monument de désordre, de stupidité et d’horreur. » Ce cher homme mettait « une confiance entière dans noter chef, le Maréchal Pétain » pour remettre d’équerre le grand binz du Grand Paris. Bref, notre homme était Pétainiste, comme bon nombre de Français – nous sommes en 1941 – nul n’est parfait mais son analyse devrait plaire à notre Périco national chargé de redonner au vin de Suresnes tout son lustre d’antan. Vaste programme aurait dit le Général !


 

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Antoine, vigneron sur le toit de Paris

 

Antoine Chopin, 25 ans, Parisien à la formation et l’expérience en viticulture déjà solides, a été recruté par la ville de Suresnes pour prendre soin des vignes municipales.

Il a 25 ans et c’est probablement le seul vigneron de France à se rendre dans sa vigne avec un Pass Navigo et à la bichonner avec vue sur la Tour Eiffel. Antoine Chopin a été recruté par la ville de Suresnes pour prendre soin des 4 800 pieds de la vigne municipale, plantés sur les pentes du Mont Valérien. Ce Parisien de naissance qui s’est destiné à l’âge de 20 ans à la viticulture, s’attendait logiquement à poser ses bagages professionnels en province. Jusqu’à ce qu’il tombe sur l’annonce passée par Suresnes.

Ancien élève du lycée Henri IV, Antoine doit sa passion pour le vin à ses parents, amateurs éclairés, et son grand père «chimiste de profession mais qui exploitait quatre hectares de vigne à Villié-Morgon (Beaujolais) ». De là sans doute son tropisme pour la Bourgogne voisine. « Ce qui m’a très vite intéressé c’est la rencontre entre l’agronomie et la culture, entre la viticulture et le patrimoine ». Un profil doublement fait pour Suresnes, dont le vignoble aujourd’hui replanté à 80% de Chardonnay, cépage bourguignon par excellence, remonte au 3 ème siècle de notre ère et orne le blason de la ville.

Après avoir intégré l’Institut national agronomique en, 2005 ; il part à Montpellier faire une spécialisation d’ingénieur en viticulture-œnologie. De 2007 à 2009 il enchaine ensuite les expériences de terrain dans des domaines prestigieux : un an de stages au Château Gazin (Pomerol) et au domaine Leflaive (Puligny-Montrachet), puis des contrats de vinifications au domaine Carrick (Nouvelle-Zélande) et au domaine Faiveley (Mercurey).

Depuis le mois dernier il a pu se familiariser avec la vigne qui fait la fierté de la commune et prendre en charge son entretien. « Pour l’instant je n’ai fait que la taille, mais à partir d’avril tout va s’accélérer. Quand elle poussera il faudra procéder à l’ébourgeonnage, appliquer des traitements éventuels et beaucoup surveiller jusqu’aux vendanges ». Auparavant il aura procédé, après filtration, à la mise en bouteilles du 2009, à ce jour encore en cuves. « Je l’ai goûté et ce millésime m’a très agréablement surpris… »

Objet d’améliorations constantes, la vigne de Suresnes avait produit, selon le critique gastronomique Perico Légasse, responsable de la vinification à la Confrérie du vin de Suresnes, un millésime 2008 au « fruité tirant sur les agrumes, le chèvrefeuille, l’amande fraiche », et aux « délicats arômes de mirabelle bien mûre ». A l’instar du célèbre chroniqueur, de grands œnologues (comme Jacques Puisais) ou des viticulteurs renommés (Michel Mallard ou Henri Marionnet) ont prodigué leurs conseils pour améliorer la qualité du vin de Suresnes qui est aujourd’hui le seul d’Ile de France autorisé à la vente. « Avec l’aide de l’Institut français du vin nous avons entamé des démarches afin d’obtenir le nouveau label d’Identité géographique protégée », souligne Jean-Louis Testud, adjoint au maire de Suresnes, en charge des vignes depuis 1983.

 

 

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commentaires

M
<br /> "Il a 25 ans et c’est probablement le seul vigneron de France à se rendre dans sa vigne avec un Pass<br /> Navigo et à la bichonner avec vue sur la Tour Eiffel".<br /> Comme c'est joliment dit, Jacques. Et comme c'est réjouissant de constater que l'on confie à un jeune vigneron une vigne "d'intérêt national".<br /> <br /> <br />
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