Pour ceux qui l’ignoreraient « La nuit blanche » chère aux cœurs des bobos parisiens est un concept inventé par un ex-Vert qui a viré au rose très pâle : Christophe Girard adjoint à la Culture à l’Hôtel de Ville. L’homme fait parti de la maison LVMH qui aime les bulles et le Cognac.
Bref, faire défier un rosé provençal s’affichant « Cuvée Nuit Blanche » par un rosé languedocien se déclarant Mythique m’est apparu de bon aloi.
Pourquoi ?
- Appellation tenante du titre rosé de France contre une Appellation challenger !
- Provence contre Languedoc... des voisins du Grand Sud
- La guerre des roses : un pâle contre un foncé.
- Un duel entre vigneron indépendant et une cave coopé !
J’ose l’écrire : ça va saigner !
D’un côté du ring d’abord le challenger : Mythique qui affiche clairement son appartenance au LANGUEDOC dans un flacon frappé par la croix de cette belle province et se dit élevé dans le respect de la tradition. Son maillot, assez traditionnel lui aussi – je préférais celui de la cuvée Mythique plus contemporain – arbore la chouette pour symboliser le travail des Vignerons de la Méditerranée « dans un environnement sauvage » car elle était l’emblème de « Minerve, déesse qui a appris aux hommes à dompter la nature. » Un telle référence devrait séduire Julien Lepers et tous les accros de « Questions pour un champion »
De l’autre, Cuvée Nuit Blanche dite L’Arnaude exhibe sur un petit banc trois jeunes donzelles dodues en maillot de bain une pièce très années 30, genre barbotteuses, sur fond de plage. Pour savoir que c’est un Côtes de Provence mis en bouteille au Château de l’Arnaude il faut être doté d’une bonne vue vu que le doré sur tranche se dissout dans le sable (bien plus dans le rayon sous la lumière crue que sur ma photo).
Même millésime 2009, 12° pour le Languedocien et 13° pour le provençal. Dans la bouteille le second est d’un rose si pâle qu’on dirait la peau d’un nordique descendant le premier jour à la plage alors que le premier à la mine d’une petite paysanne russe modèle poupée gigogne.
Mon Mythique affiche un n° 34251 mais, comme nous ne savons pas sur combien ça fait, ça fait bien mais ça ne dit rien. En revanche, à la différence de son concurrent qui n’a nul besoin d’exhiber ses papiers car, comme chacun le sait, tout le monde sait quels sont les cépages du rosé de Provence, le languedocien, lui, déclare être un Grenache-Cinsault. Le Mythique à la différence du champion est pourvu d’une contre-étiquette vantant ses éminentes qualités et guidant nos choix des mets avec lequel il s’accorde.
Du côté mensurations L’Arnaude est plus élancée, plus légère que Mythique et, sans lui manger de la soupe sur la tête, elle le toise un chouïa.
Avant que le combat ne commence, les managers m’ont informé du montant de la bourse des 2 champions, le prix quoi, est de :
7,95 € pour L’Arnaude (bouchon diam 3)
3,74€ pour Mythique (bouchon liège)
Du simple au double donc ! (achetés au Franprix de la rue de la Glacière dimanche)
Pour ne rien vous cacher, contrairement aux usages et aux règles habituelles du noble art, le combat se déroulera dans ma cuisine sans l’arbitre ni les 3 juges habituels. Je serai donc tout ce petit monde à moi tout seul. Autre innovation pas de KO ni de jet de l’éponge, le combat se terminera aux points : s’il y a égalité le champion restera champion sinon le challenger s’il est vainqueur aux points sera le nouveau champion. Aucune contestation ne sera admise. Vous pourrez me couvrir de votre réprobation ma décision sera irrévocable.
Afin de ne pas biaiser le résultat ma dégustation s’est déroulée ainsi :
- deux verres ont été rempli au 1/3 par une tierce personne ;
- j’ai dégusté dans le noir pour ne pas être influencé par la différence de couleur très contrastée des 2 liquides ;
- seul le nez et la bouche ont joué leur rôle ;
- j’ai procédé à deux ingestion-projection ;
- j’ai délibéré ensuite avec moi-même.
Décision Mythique bat assez nettement aux points L’Arnaude mais pour autant je n’irai pas jusqu’à affirmer que ce combat ait soulevé mon enthousiasme. Disons que ce fut une confrontation sympathique, un bon combat de lever de rideau entre 2 vins honnêtes mais il n’en reste pas moins vrai que Mythique peut sans contestation aucune se prévaloir, dans sa catégorie de prix, d’un bon rapport qualité/prix alors que L’Arnaude me semble boxer dans une catégorie qui n’est pas tout à fait la bonne. En effet, pour quasiment 8 euros, soit tout même bien plus de 50 de nos anciennes balles, on est en droit d’exiger bien plus qu’un petit rosé sympathique, certes gentiment emballé mais dont la personnalité me semble bien frêle.
D’accord je ne suis ni Parker, ni l’imposante palette du GJE qu’est d’ailleurs pas prêt de me réinviter, mais un ancien marchand de vin qui, certains matins, allait fourrer son nez dans les échantillons anonymes du jour... Je vous assure ça vaut ce que ça vaut mais, après tout, monsieur et madame tout le monde, face au dédain de la critique pour tous ces vins de milieu de rayon, en est réduit à sa façon à ce genre de confrontation.