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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 00:09

C’est à Constantine que j’ai découvert le couscous, le vrai, celui que roulait Mouni la vieille dame qui gardait notre fille Anne-Cécile. Elle y passait la plus grande partie de la matinée, son couscous c’était sa fierté. Nous ne l’employions pas pour faire la cuisine mais, rien n’y faisait, Mouni roulait entre ses doigts la semoule. Je n’en ai depuis jamais mangé d’aussi bon, léger, fondant, une vraie merveille. Mouni venait de Kabylie, pendant qu’elle roulait la semoule, parfois, nous parlions de la guerre. Notre cité dominait les gorges, là où au petit matin nous, les Français, fusillions les rebelles Algériens. Nulle rancœur dans ses propos, le même fatalisme serein que ma mémé Marie.


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Le mauricaut que je suis est un addict du blé dur, celui dont on fait la semoule pour fabriquer les pâtes et le couscous… « Au commencement était la steppe et sur ces hautes terres qui furent fécondes s’est façonnée l’âme du Maghreb. À cette identité première, la cuisine maghrébine est restée fidèle, elle a glissé sans heurts depuis des millénaires d’une génération de mères à la suivante. Elle parle d’orge et de blé, de cueillettes et de moissons, de la pierre à moudre et du feu, de grains grillés et de galettes sèches cuites sur la flamme, de la potière par qui l’eau va au feu et donne à la mouture bouillie une douceur encore inconnue. Elle nous parle des troupeaux qui vont sur les hautes plaines et des cavaliers qui les sillonnent à la poursuite du vent, du parfum de la poudre et de celui des viandes rôties lors de haltes viriles… »


couscous3.jpg

 

Graines de mémoire… ainsi commence le très, très beau livre « Les aventures du couscous » d’Hadjira Mouhoub et Claudine Rabat chez Sinbad Actes Sud (le titre et la photo de la jaquette ne m’apparaissent pas à la hauteur du contenu du livre, je préférais dans la même collection « Traité du pois chiche » link


 

Ce sera mon seul bémol. Revenons à la steppe originelle « Elle nous parle du blé dur, brisé sous la meule en semoule coriace, et célèbre le couscous, nourriture entre les nourritures, portée par des gestes immuables, incantation ou ballet devant le plat où les mains patientes et agiles à la fois transforment le brut et le sec en flocons légers comme le rêve… »


couscous5-copie-1.jpg

 

« … partout où le couscous est entré dans les mœurs, on retrouve, proches ou lointaines, profondes ou légères, des traces d’échanges avec sa terre, le Maghreb.


couscous4 

 

Si son mode de préparation est remarquablement constant, une semoule roulée, cuite à la vapeur et assaisonnée d’un bouillon, les ingrédients qui entrent dans sa composition situent avec transparence la position de la cuisinière. Le couscous premier, c’est celui d’une famille des steppes, frugale et ignorant la variété des menus, mais riche de ses troupeaux et de ses récoltes, semoule beurrée, arrosée d’un bouillon de viande de mouton, fraîche ou  séchée avec quelques légumes, carottes, navets, cardes et peut-être des verdures sauvages ou du jardin, et pas d’épices sinon du sel, le tout  servi avec du lait caillé ou du lait aigre. À partir de ce plat, une infinité de variantes se sont peu à peu élaborées, trahissant les ressources de la région et celles de la maison, révélant leur patrimoine et leur ouverture sur le monde, et enfin dévoilant les grands courants d’hommes et de cultures qui ont parfumé leur monde d’épices leur monde d’épices lointaines. »

 

 

L’île des couscous : Algérie, Maroc, Tunisie…

 

« C’est ici au cœur du Maghreb, dans ces trois pays ouverts sur la steppe, que le couscous est vraiment chez lui… 


 

En Tunisie, le rouge flambe. C’est beau, c’est bon, c’est rouge, voici le credo de la cuisinière tunisienne. Toute préparation commence par la mise en place des notes majeures, l’huile d’olive mesurée au décilitre, la purée de tomate et la purée de piment qui étalent somptueusement leurs pourpres et leurs vermillons dans des grands bols rustiques de faïence jaune et verte…


 

En Kabylie, l’afforo, couscous fin longuement travaillé et imbibé au-dessus d’une marmite d’eau, et non point de bouillon, va se marier à toutes sortes de légumes également cuits à la vapeur. Les mélanges sont bien définis : petits pois et fèves tendres parfumés d’un brin de menthe, délicates jardinières de carottes, de pommes de terre en petits dés et haricots verts primeurs, abissar qui associe racines et fanes de navets tchiwtchiw, ou le chou domine, fondant au milieu des carottes et des navets, le tout arrosé d’huile d’olive kabyle au goût inoubliable… le seksou kbayel


 

Au Maroc, le doux, le brûlant, le doré font resplendir les couscous raffinés de Marrakech ou de Fès qui ont subi une transmutation aristocratique les rendant dignes d’une table royale. C’est que la tradition culinaire marocaine a des vestales dont les talents s’exercent à la fois dans les catégories amateur, dans le sens noble du terme, et professionnel. Les amateurs de gastronomie sont des filles de famille… Les professionnelles qui font la réputation des grandes maisons, et dont certaines sont connues à l’égal des grandes toques de la cuisine françaises, sont les dadas, héritières superbes du passé de l’empire marocain… » 


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Arrêt sur images, je ne suis guère friand des classements mais celui-ci a le mérite  de montrer que les Français sont bien plus ouverts au melting-pot culinaire que ne le laisserait penser certains partisans du repli sur soi.

 

En 2014, le couscous a été classé en troisième position des plats préférés des Français, battu seulement par les moules frites n°2 et le magret de canard n°1. La blanquette de veau s’accroche à la 4e place. Le steak frites 7e, le pot-au-feu 12e, la choucroute 24e et enfin le cassoulet bon dernier à la 30e place. link

 

 

Couscous exportés

 

« Heurs et malheurs pour les couscous, brusquement introduits en cuisine internationale. Si en Europe le couscous s’affiche, depuis un peu plus de deux décennies, au menu des cantines et des gargotes, ce n’est certes pas pour sa plus grande gloire, et s’il entre, revêtu d’atours très nouvelles cuisine, dans les cartes des restaurants affichant leurs lettres de noblesse, il s’y éloigne notablement des canons d’une tradition à laquelle les Maghrébins sont farouchement attachés.


 

Rangeons un instant nos exclusions identitaires, pour nous ouvrir à des changements peut-être heureux et, tout en disant avec force non aux couscous que l’on jette sans aucun respect dans un saladier d’eau tiède et salée et que l’on touille avec une fourchette pour y incorporer un peu de beurre. Jouons donnant donnant, c’est la règle des émigrations réussies, laissez-nous vous apprendre à préparer la graine de couscous avec l’amour et les égards qui lui sont dus, elle vous le rendra bien, et faisons confiance aux artistes en cuisine pour l’agrémenter de sauces et de bouillons à la mode de chez eux… »

 

 

« Arrive ensuite un des plats les plus impressionnants visuellement : « la jardinière Arlequin à l’huile d’argan, merguez légumière à la harissa ». En résumé, un couscous chez Passard ! Les légumes vous font juste penser que vous n’avez jamais mangé de légumes jusqu’à maintenant. La merguez n’est autre qu’une reconstitution à base de légumes : grande idée ! » link

 

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commentaires

R
<br /> Le vin marocain cultivé, vinifié et élevé par Alain Graillot...<br />
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P
<br /> Excellente présentation qui donne vraiment envie - Bravo !<br />
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J
<br /> note tres instructive sur le couscous. mais quel vin pour accompagner ce plat ?<br /> <br /> <br /> je fais une proposition<br /> <br /> <br /> soit un rosée type syrah<br /> <br /> <br /> soit un vin rouge fruité à base de syrah grenache .... de l'Aude bien entendu<br />
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J
<br /> <br /> Au temps de la SVF tous les couscous de Paris affichaient du Boulaouane à leurs cartes <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Le magret tel qu'il est "entré dans les moeurs" alimentaires des français n'est pas du tout un plat traditionnel. Autrefois le magret, (maigret en fait) comme la cuisse, ou le cou farci, était<br /> confit. C'est Daguin qui un jour a eu l'idée - plutôt bonne à en croire le classement ;-) de le griller<br />
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R
<br /> Chez mon ami Alain Dejean viticulteur Paysan (Domaine Rouset Peyraguey, production Paysanne cultivé en approche d'agriculture antrhroposophique<br /> et biodynamie pas de sulfite pas de collage pas de filtrage, un Sauternes d'exception) on a un couscous nous, et<br /> on le revendique c'est le couscous de nourik ou couscous Bazadais.<br /> <br /> <br /> Ha!!! ce n'est pas du mouton mais une bête noire qui est à l'honneur celle qui ravage les champs de maïs et les gazons voir aussi les jardins, chez nous point de pois chiches mais des Tarbais pas<br /> de cumin mais de l'estragon pas de merguez mais de la saucisse fine pur canard, pour la cuisson une cuvée Ducasse 2007 3 ans de barrique d'acacia, une semoule peaufiné à la graisse de canard avec<br /> des morceaux de pruneaux et d'abricots sec, je na vais pas oublier la sauce une Béarnaise semi liquide, et pour la dégustation de ce couscous Bazadais une cuvée spéciale du Domaine<br /> Rousset-Peyraguey(Fond de Cuve de Crême de Tête 2005 7 ans de vieilles barriques de 125 ans d'âge).<br /> <br /> <br /> Pour finir un granité de pastèque à l'Armagnac aide à la digestion.<br />
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