Non ce n'est pas un poisson d'avril, ce matin mon blog passe le Cap des 500 000 lecteurs. Je pars à Bordeaux deux jours user mes semelles de crêpe dans les châteaux et donc j'en profite pour vous livrer un énorme scoop «l'Inventaire d’une cave personnelle de négociant Bordelais» avec ce commentaire cinglant : moisson décevante !
Mais jusqu’où poussera-t-il la provocation ?
Bonne question chers lecteurs de Bordeaux et d’ailleurs, comme tout bon rédacteur en chef qui se respecte – même si beaucoup de rédac-chef ne respectent pas forcément leurs lecteurs – je suis prêt à tout, ou presque, pour vous captiver. Même à descendre dans le secret des caves avec un bougeoir ou une lampe pigeon armé de mon petit carnet à spirale pour y faire l’inventaire. J’adore la poussière ! Mais je dois vous avouer que celle que ce matin je vais éviter de vous souffler au nez est celle d'archives. En effet, je suis plus un rat de bibliothèques qu’un rat de caves.
Mes présentes recherches remontent au Directoire où, dans la grande folie des boissons, le punch fait fureur. Les inventaires montrent que beaucoup de négociants ou marchands bordelais possèdent des services complets pour le punch : bols, saladiers et grande cuillère à servir. De plus « dans 12% des inventaires on voit apparaître les verres à champagne, ce qui est tout à fait nouveau. » Bref, descendez donc avec moi dans cette fameuse cave personnelle de négociant bordelais.
« Mais il faut pousser les portes des celliers, des caves et des caveaux, pour nous faire quelque idée des vins qui étaient consommés. Il faut avouer, cependant, que la moisson est assez décevante. Si, dans ses chais, le négociant entrepose des centaines de tonneaux et des milliers de bouteilles en caisse, dans sa cave personnelle, le tableau est tout différent. Pour les années 1821-1825, nous possédons les inventaires de 13 caves de négociants et de 5 caves de marchands. Pour les uns comme pour les autres le contenu est en général modeste et peut se résumer ainsi : une à quatre barriques de vin issu du domaine, une barrique de vinaigre, 50 à 300 bouteilles de vin vieux, du vin très ordinaire pour les domestiques et beaucoup de bouteilles vides.
Rares sont les caves qui sortent un peu du lot. Jean Touton laisse ainsi vieillir 700 bouteilles de vin rouge dans sa cave de la Rousselle. Chez Nicolas Durécu, on recense 900 bouteilles de vin vieux et 100 bouteilles de vin ordinaire de son domaine de Mérignac, mais aussi 30 bouteilles de vin fin dont l’origine n’est malheureusement pas précisée. Le reste confirme les modes de consommation que nous avons étudiées plus haut, puisqu’il consiste en : 2à bouteilles de rhum, 15 bouteilles de Cognac et 80 bouteilles d’eau-de-vie et liqueurs diverses.
Peut-on croire un instant, cependant, que c’est avec de si maigres caves que les riches négociants recevaient ? Il est évident que, pour les grandes occasions, ils puisaient directement dans leurs stocks commerciaux et offraient à leurs convives les meilleurs crus bordelais. »
Page 540 in Négociants et marchands de Bordeaux de la guerre d’Amérique à la Restauration (1780-1830) Philippe Gardey au PUPS