Devais-je traduire mon extrême bonheur par ce titre extrême ? Cédais-je en cela à la facilité ou exprimais-je ainsi l’intensité de mon plaisir ? Au terme d’une intense introspection je me posais une dernière question : « mais pourquoi diable prendrais-je un air contrit pour un beau et simple péché de gourmandise ? »
Assurément non !
J’assume mon statut de goûteur non patenté sans couvrir ma tête de cendres. J’entends déjà les plus impatients d’entre vous m’interpeler : « aux faits Berthomeau, aux faits... »
Minute papillon, ce matin mes mots sont indolents, ils prennent leur temps. Batifolent. Se prélassent. Oui, il est des jours où tout va, l’air est léger, le ciel pur, la pédalée fluide, et dans les arbres des contre-allées des Champs Elysée les oiseaux gazouillent, même que je me prends à rêver qu’à nouveau, un beau jour de juillet, y poussera du blé avec cette fois-ci plein de «gentils coquelicots mesdames» de «gentils coquelicots nouveaux ».
Comprenez, chers lecteurs, qu’avoir l’ambition de vous surprendre chaque jour, d’aiguiser votre appétit, de vivifier vos neurones, relève du péché d’orgueil. Rassurez-vous je ne suis pas en train d’égrener les 7 péchés capitaux mais de vous mener par la main jusqu’à ma table, celle de ce jour heureux où, cédant à une aimable invitation, je pédalais jusqu’au Laurent. Philippe Bourguignon, hôte souriant, voulait voir mon fier et noir destrier. Mais ce n’était que sa Gazelle de remplacement accrochée à un panneau de stationnement. Je sens que j’énerve même mes plus chauds partisans alors, pas de quartier, après cet envoi : je touche !
Oui « Après le choc des mots, le poids des photos ! »
Prenez-en plein les yeux !
Et maintenant, parlons peu mais parlons vin ! C’est un grand blanc ! C’est un cru classé ! C’est un 100% rolle ! C’est une cuvée d’exception ! C’est un 2008 ! C’est le must du Château Sainte Roseline : La Chapelle Sainte Roseline ! www.sainte-roseline.com . En cette Provence dont l’image se résume trop souvent à celle du rosé, le château Sainte Roseline, avec ses 108 hectares de vignobles, tout en faisant la part belle à la couleur fétiche (50%) produit aussi des vins rouges (40%) et des blancs (10%). Je les suis depuis que je me suis autoproclamé dégustateur non patenté. Je les appréciais à leur juste valeur mais jusqu’ici je n’avais rien écrit sur mes lignes. Non que je fusse, comme certains qui, en notre beau pays, estiment que n’est grand que ce qui est petit, mais tout simplement parce je ne m’étais jamais trouvé en situation de le faire. Je suis ainsi fait, parfois lent, souvent impatient mais toujours vaillant.
Et puis, voilà qu’en ce mercredi 24 mars, touché par la grâce, le buveur assis que je suis s’est élevé vers les sommets du plaisir. Une forme de ravissement profond où l’émotion esthétique première, née du regard porté sur la Palette de légumes raves relevés d’huiles aromatiques et épicées, imaginée et réalisée par le chef du Laurent Alain Pégouret, cédait très vite la place à une émotion gustative, fine et légère, canaille, piquante, née d’une union réussie.
Le mariage se fit dans la simplicité. Pensez-donc chers lecteurs : un Grand Blanc de Provence avec des raves de toutes les couleurs ! Quel défi ! Coup de génie car, en dépit de mes préventions contre les marieurs et les marieuses de mets et de vins, ici, La Chapelle Sainte Roseline 2008 prenait son envol, atteignait sa quintessence en flattant, par sa fraîcheur et sa vivacité, mes papilles émoustillées par ces navets roturiers épicés.
Bravo les artistes !
Chapeau bas pour de la belle ouvrage vigneronne confortée par l’épure d’un chef !
Pour autant n’en concluez pas que mon enthousiasme ne se fonde que sur l’ambiance très cosy du Laurent. Qui peut le plus peut le moins La Chapelle Sainte Roseline 2008, reste en toute circonstance un grand blanc du Sud, élégant, raffiné et gorgé d’aromes floraux qui s’accordera aussi bien avec un beau loup grillé (chez moi c’est du bar) ou avec un merveilleux risotto aux truffes ou plus simplement avec une belle farandole de crudités de saison.
Pour l’édification des ignorants je reviens un instant aux raves (ne pas prononcer rêves bande de sacripants !). Le mot rave est un nom vernaculaire ambigu qui désigne en français des plantes potagères cultivées pour leur racine comestible. Cependant, le de Candole indique que d’autres variétés des mêmes espèces sont cultivées pour les feuilles (les choux), les inflorescences (les choux-fleurs), ou encore pour l’huile qu’on extrait des graines (colza, navette, etc.) Le roi des raves, le plus connu est bien sûr le navet qui peut être blanc, jaune ou rouge. Ensuite, presque sur un pied d’égalité vient la betterave d’un beau rouge profond, puis le fameux céleri-rave blanc d’argent. Moins connus : le chou-rave, le brocoli-rave et la Rabiole du Limousin.
Enfin, rien que pour le plaisir deux belles photos et une belle chanson de Gilbert Bécaud pour donner un grand coup de chapeau à la perfectionniste Aurélie Bertin, fille de Bernard Teillaud, qui a repris les rênes voici 2 ans des deux beaux grands domaines dans cette Provence que chante Bécaud : le Château Sainte Roseline et le Château des Demoiselles.
Mosaïque de Marc Chagall «le repas des anges» dans la chapelle Sainte Roseline
Le Rosé 2009 La Chapelle Sainte Roseline photographié devant Intérieur au Violon hiver 1917-1918 d'Henri Matisse qui est en couverture du catalogue de l'exposition Méditerranée de Courbet à Matisse (Grand Palais sept. 2000-janvier 2001)