En me rendant pédestrement à la dégustation du château Haut-Bailly vendredi dernier aux caves Legrand je suis passé par le jardin du Palais Royal qui, en dépit de la poussière : plaie des jardins publics de Paris, offre en fin de journée un havre de paix. Passant au flanc du Grand Vefour, en empruntant la galerie du Beaujolais, le restaurant rendu célèbre par Raymond Oliver triplement étoilés de Guy Martin. Bien évidemment je me suis arrêté pour jeter un œil sur la carte placée à l’extérieur afin de voir s’il y était fait mention des vins servis. La réponse est oui. J’ai donc pris une petite photo et, comme les vins mentionnés étaient pour beaucoup connus de moi, j’ai commencé à ruminer en dépit des effets nocifs de cette pratique. Rentré chez moi, vérification faite sur le site du Grand Vefour www.grand-vefour.com j’ai pu constater qu’il n’y avait aucune mention des vins servis, sans doute parce que les étoiles du Michelin garantiraient l’existence d’une belle cave, ce dont je ne doute pas même si ces messieurs-dames du petit livre rouge ne constituent pas pour moi l’alpha et l’oméga des dégustateurs et surtout un gage de recherche et d’originalité.
Suggestion de Vins telle est l’annonce faite sur la carte affichée et visible de l’extérieur : hormis le Taittinger brut NM (normal puisque la maison est le propriétaire) elle propose 8 vins : 3 blancs et 5 rouges, dont 5 d’origine plutôt modeste et pour les 3 autres manifestement choisis et mis en avant pour bien se situer dans la tendance actuelle. Un bon point donc pour le Grand Vefour de sortir des sentiers battus mais la suite est moins réjouissante :
Un péché véniel : une faute d’orthographe : la Cigale avec deux l ;
Des approximations : non indication de l’appellation Savoie pour le Chignin Bergeron ; pour le Pouilly-Fumé aucune précision sur la cuvée, est-ce celle étiquetée « Domaine des Fines Caillottes » ou « Prestige » ? Pour le pays d’oc même remarque, il doit s’agir du « Classic blanc » ; pour les Fiefs Vendéens la cuvée se dénomme Le Poiré et non Poiré et le domaine est le domaine Saint-Nicolas et non Nicolas. Le domaine Gardin-Perrotto se nomme Du Gardin-Perrotto. Pour le Matthieu Barret son domaine c’est le domaine du Coulet. Rien de bien grave mais ces messieurs les toqués ne goûteraient guère que l’on égratignât le nom de leurs œuvres culinaires. L’argument du manque de place ne tient pas.
Le péché mortel récurant : le prix affiché de ces vins :
En ramassant les prix sur le Net, et en déduisant un prix départ propriété (sauf pour le Pays d’Oc et le Crozes-Hermitage où j’ai les prix réels) je peux vous communiquer les coefficients multiplicateurs :
Vins Blancs
1- le Chignin Bergeron 2006 domaine JP&JF Quénard : 60 € coef. 5
2- le Pouilly-Fumé 2009 domaine Pabiot : 67 € coef. 5
3- Le Vin de Pays d’Oc domaine la Madura : 78 € coef. 7
Vins Rouges
1- Fiefs Vendéens Le Poiré 2004 domaine Saint-Nicolas : 88 € coef. 5
2- Givry 2006 Clos Salomon domaine Du Gardin&Perrotto : 78 € coef. 4
3- Corbières 2007 domaine du Trillol : 58 € coef. 8
4- Crozes Hermitage 2009 domaine Matthieu Barret 59 € coef. 4
5- Château Olivier Pessac-Léognan 2001 : 132 € coef. 4
La maison Grand Vefour prélève donc en valeur absolue en moyenne 50 à 70€ sur chacune de ces bouteilles avec un plancher à 39€ pour le Crozes-Hermitage 2009 de Matthieu Barret et un pic de 100 € pour le Château Olivier 2001. Un détail les vins de South of France sont du pain béni pour les étoilés : petit prix départ mais gros coefficient. C’est très confortable pour des produits où le capital immobilisé et les coûts de gestion sont quasi-nuls. Comme le sommelier est compris dans la masse du personnel c’est presque du net. Le vin reste le sauveur des étoilés.
Mon Conseil :
1- Commandez le Crozes Hermitage 2009 domaine Matthieu Barret 59 € vous aurez le sentiment de boire bon sans trop engraisser le Grand Vefour ;
2- Pour le château Olivier : soit vous allez chez Franprix au rayon des recalés à 19 € vous approvisionner mais vous risquez d’avoir du mal à convaincre le sommelier du Grand Vefour de ne vous compter qu’un droit de bouchon ou bien vous suggérez à l’intendant de la maison de s’approvisionner au rayon des recalés de Franprix car y’a plein d’affaires à faire pour mettre plus encore du beurre dans les épinards de Guy Martin.
La Morale de cette histoire : le Grand Vefour n’est pas une exception dans le paysage des grands restaurants, du moins ceux des parigots tête de veau, et comme je ne fréquente pas ce type d’établissements je n’ai fait qu’attraper quelques prix affichés. Comme il ne faut pas compter sur les chroniqueurs patentés pour faire ce boulot sans doute trop fatiguant pour leur auguste personne je ne fais qu’agiter (attention aux ampoules) sans grandiloquence le marigot ce qui équivaut bien sûr à une tempête dans un verre d’eau.
Pour ceux qui voudraient visiter les sites des vignerons cités :
Du Gardin&Perrotto pas de site
Pour le domaine du Trillol devenu château Trillol www.sichel.fr