Le Père Noël je n’y ai jamais cru car, chez moi, dans ma Vendée profonde, profondément imprégnée par la religion catholique, il n’était permis de croire qu’au Petit Jésus, et lui j’y ai cru jusqu’à un âge avancé qui ferait sourire mes petits-enfants.
Enfant de la paix, baby-boomer, né au milieu d’un siècle qui a connu deux guerres mondiales, l’Holocauste, Hiroshima et Nagasaki, je n’ai jamais porté les armes, et, abrité derrière le rideau de fer et le mur de Berlin, je n’ai connu que la guerre froide fondée sur l’équilibre de la terreur l’apocalypse nucléaire, et les dernières guerres coloniales : l’Indochine et l’Algérie qui impliquaient des proches surtout la dernière où mon grand-frère fut appelé du contingent.
Les guerres d’aujourd’hui, mêmes celles qui ne portent pas toujours ce nom, sont un peu plus lointaines, images vues à la télévision, oubliées pour certaines, porteuses pour d’autres de peurs, en nos espaces de paix, par crainte du terrorisme.
Nous vivons donc, nous les Français, européens d’une Union que beaucoup disent exécrer, depuis beaucoup d’années, dans un espace de paix mais, loin s’en faut, nous ne sommes pas en paix ni avec nous-mêmes et ni avec les autres.
Et pourtant certains de nos concitoyens ont peur.
La peur, la peur de l’autre, des autres, des peurs réelles ou fantasmées exploitées, et ces peurs me font peur car elles me font douter que nous soyons, au XXIe siècle, devenus des citoyens adultes.
« Ce qui nous fait peur, dit Boris Cyrulnik, c'est l'idée que nous nous faisons des choses, bien plus que la perception que nous en avons. » Mais qu'est-ce que la peur, au fond, sinon, au départ, un signal de notre instinct animal devant le danger Cette peur-là nous sauve la vie. Le problème, avec l'humain, c'est qu'il a une imagination débordante... Le psychiatre préféré des Français nous dit comment cette imagination doit être apprivoisée, après qu'elle nous ait littéralement servi de force initiatrice. » link
- Question : Et que dire lorsque la peur n'est plus le fait d'un individu, mais d'un groupe, voire d'une société tout entière ?
- B. C. : Quand la peur envahit un groupe, elle a un bénéfice liant. Si on partage la même haine, la même peur de cet étranger qui n'a pas les mêmes croyances que nous, on va être liés.
La haine et la peur sont aussi liantes que l'affection. Car la peur et la haine, comme l'amour, sont des affects. Sur le plan social, la haine a même souvent un effet liant supérieur à l'amour. Partager un amour n'est pas facile, il faut être d'accord sur bien des choses. En revanche, si par bonheur on a la haine du même, alors là on ne discute pas... On peut facilement se retrouver dans ce partage négatif.
- Question : Peut-il y avoir des sociétés qui dérapent dans l'angoisse ?... non pas une agressivité contre un ennemi affirmé, comme le nazi durant la guerre, mais une angoisse sourde contre un ennemi impalpable, l'inquiétude de sociétés trop bien nourrie par exemple et qui ont peur qu'on touche à leur beefsteak...
B. C. : Tout à fait ! Cela rejoint ce que nous disions tout à l'heure par rapport à la situation de l'enfant surprotégé. On a alors la peur de perdre, qui est pulvérisante, fragmentante... un peu comme le nourrisson dans sa peur du manque. C'est tout à fait différent de la peur de l'étranger, du différent, où l'on repère l'objet et où l'on peut avoir une stratégie adaptative.
Dans la peur du manque, nous sommes bien plus proches de l'angoisse, ce qui me fait dire que « plus on est nantis plus on est anxieux ! »
Nous sommes le jour de Noël alors, comme cadeau, je vous offre un conte La peur de Guy de MAUPASSANT parut le 23 octobre 1882 dans le journal Le Gaulois. link
Un extrait :
- Permettez-moi de m'expliquer ! La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c'est quelque chose d'effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l'âme, un spasme affreux de la pensée et du cœur, dont le souvenir seul donne des frissons d'angoisse. Mais cela n'a lieu, quand on est brave, ni devant une attaque, ni devant la mort inévitable, ni devant toutes les formes connues du péril : cela a lieu dans certaines circonstances anormales, sous certaines influences mystérieuses en face de risques vagues. La vraie peur, c'est quelque chose comme une réminiscence des terreurs fantastiques d'autrefois. Un homme qui croit aux revenants, et qui s'imagine apercevoir un spectre dans la nuit, doit éprouver la peur en toute son épouvantable horreur.