Qui suis-je donc face à un Michel Rolland ?
Rien, un moins que rien, un petit ver de terre !
De là à à faire de moi un envieux de la réussite d’un homme qui a tant fait pour le vin, à me transformer en héraut de la France rance, il y a un pas que le sieur François a franchi allègrement. Grand bien lui fasse, mais il est bien plus tolérant à l’endroit du Pr Pitte lorsque celui-ci qualifie les vins fait à la mesure des consommateurs de noms d’oiseaux bien plus déplaisants que les miens qui ne l'étaient d'ailleurs pas eux.
Je trouve fort plaisant que la leçon me soit faite sur l’art et la manière de vendre du vin, beaucoup de vin, le genre millions de cols, de la part de gens qui, à ma connaissance, n’en ont guère vendu dans leur vie alors que moi, le vermisseau, j’ai fait le négociant pendant 3 ans chez le N°1 de l’époque. Ça vous donne un peu d’expérience d’aller placer du Préfontaines jusqu’aux GCC, et sans contestation tout de même bien plus que ceux qui se font le grand plaisir de ne faire que déguster.
Mais ce qui m’a ravi à l’extrême c’est que soudain JP Chenet me fut balancé comme étant un enfant de la doctrine Michel Rolland. J’ai cru rêver. Je me retrouvais réhabilité moi le stipendié des « vins industriels » et soudain, ô joie, jouais dans un merveilleux contre-emploi. Bravo l’artiste ! Quel rétablissement, que de chemin parcouru dans le désert, l’indifférence et la quasi-lapidation... Au fait ils étaient où ceux qui poussent des cris d’orfraies lorsque le débat fut ouvert ? Bien au chaud, loin du bruit et de la fureur tous ces ouvriers de la 25ième heure. Permettez-moi d’avoir pensée émue pour Bruno Kessler l’artisan des « tas de raisins » pour faire le vin voulu pour les Grands Chais de France et son JP Chenet. Pas sûr que Michel Rolland fut son modèle. D'ailleurs, Michel Rolland ne fait pas dans les grandes séries...
Mais au fait qu’avais-je écris pour m'attirer les foudres des bien-pensants ?
1- Que j’étais un adepte de l’humour de Rémi Gaillard et que je m’inspirais de sa célèbre formule à propos des propos de Michel Rolland. Les bonnets de nuit ont pris cela pour une agression à son endroit. Erreur grossière, c’était un hommage à l’artiste. Que l’humour décalé ne soit pas du goût des comprimés je comprends fort bien mais si nous voulons que les jeunes ne nous prennent pour des cons tout court il nous faudra faire un petit effort du côté coincé de la cravate.
2- Que Michel Rolland faisait de la provocation pour créer le buzz. Je persiste et je signe et je reconnais utiliser son poids spécifique bien plus élevé que le mien pour exprimer le fond de ma pensée.
3- Et le fond de ma pensée, celle d’un gus qui a enseigné 3 ans à mi-temps, à l’Université en 3ième cycle : c’est que devant un tel public, celui d’une école de commerce, on utilise un autre registre. Point barre ! C’est tout. Rien de plus, rien de moins...
Alors pourquoi me me transformer en aigri du vin ? Soit certains ne ne me lisent pas, soit ils ne lisent que ce qu'ils ont envie de lire. Je ne sais et ça n’est pas mon problème. Très clairement, Michel Rolland, Robert Parker et bien d’autres font du buiseness, et ils le font bien, mais de grâce merci de ne pas les transformer en gourous, en teneur de gouvernail de la vigne France. D’ailleurs ils ne le revendiquent même pas. Ils sont au contact des marchés comme beaucoup d’autres bien moins médiatiques et j’ai la faiblesse de penser que j’ai beaucoup plus à apprendre de Pierre Pringuet le patron du groupe Pernod-Ricard que des propos à l’emporte-pièce d’un conférencier, sympathique au demeurant, qui fait de la petite provoc à l’INSEEC de Bordeaux.
En bonus je vous offre, et plus particulièrement à ceux qui ont le mot culture du vin à la bouche, une très ancienne chronique 14/10/2005 : La culture, Saint-Emilion ou Coca-Cola ?
Le texte est de Christine Cayol « L'intelligence sensible » Village Mondial elle intervient sous forme de séminaires et de conférences au sein de grandes entreprises
« L'oeuvre d'art se donne comme un lieu d'épreuves et d'initiation qu'il va falloir traverser. Ni objet, ni sujet, intermédiaire entre le monde et moi, entre les autres et moi, entre moi et moi, elle se donne à mesure de notre patience, et de notre plaisir à la rencontrer.
Le regard comme le désir est insistant, il veut en savoir plus, il veut qu'on lui donne plus, il s'inquiète. Relire, revoir, réécouter, retourner, même si cela est illusoire, même si le miracle ne se reproduit pas, acheter le disque, retourner au musée, revoir le film.
La culture se confond avec ce retour.
Car quelle différence y a-t-il entre un St Emilion et un Coca-Cola ? Je n'ai pas besoin de goûter plusieurs fois le Coca pour savoir ce qu'il va me donner à la troisième gorgée, et lorsque j'y retourne c'est précisément pour ne pas être surpris, pour recevoir exactement le même effet, quel que soit l'endroit ou le moment. Ce que je dois attendre de n'importe quel produit de la rationalité technique, c'est qu'il me donne ce qu'on m'a dit que je pouvais attendre, rien de moins, rien de plus : le même effet pour le même prix, quel que soit l'endroit, quelle que soit ma vie. Quant au St Emilion, il peut me décevoir ou me combler, il faudra peut-être que j'attende le bon moment, le bon endroit, que je le réchauffe, qu'il s'ouvre dans un verre qui lui convient, et qu'il s'épanouisse sans que je puisse vraiment savoir comment. Dans tous les cas, il faudra que j'approfondisse cette première impression qui déjà m'échappe et s'est transformée. Il faudra que j'apprenne à attendre, à me souvenir, à y retourner.
La culture n'est donc pas ce qui reste lorsque l'on a tout oublié, mais ce qui rend impossible l'oubli en commandant le retour... »