C’est indéniable mon addiction, certes grave, est supportable car une belle platée de pasta est le meilleur support qui soit pour n’importe quel vin, certes plutôt rouge, qu’il soit humble, grand, bourgeois, châtelain, vigneron, corsé ou fruité, gentillet ou musclé ou efféminée mais pas bodybuildé ...
Oui je l’avoue sans la moindre honte je suis capable de manger des pâtes en tout lieu, seul ou avec d’autres, tous les jours, deux fois par jour, à n’importe quelle heure de la nuit et du jour, après l’amour. Mon addiction à la Pasta di Semola Di Grano Duro ne date pas d’hier, en effet elle est survenue à l’époque de mes culottes courtes donc bien avant l’irruption de la vénération des sucres lents par les gourous de la nutrition sportive.
Moi ce sont les nouilles Rivoire&Carret de mémé Marie embeurré avec le beurre salé baratté par la tante Valentine qui m’ont y jeté. La simple vue du petit paquet parallélépipédique – un mot pareil ça vous coupe la chique – bleu ciel et bleu roi avec sa mangeuse de pates de profil, ses trois étoiles me mettait en transe, en état de manque radical. Je suis donc devenu un nouille addict (merci de ne pas féminiser).
Bien sûr, avec le temps j’ai diversifié ma « drogue douce » : macaronis, spaghettis, coquillettes, coudes rayés d’abord, puis mes sources d’approvisionnement avec l’irruption des Ritals, rois de la Pasta sur le marché : De Cecco et autres plus petits faiseurs. Mon trésor de guerre, dans un placard au sec, me permettait de pourvoir, à tout instant, à mes indispensables shoots aux sucres lents. Imaginez mon état lorsque me rendant dans des contrées barbares où la Pasta di Semola Di Grano Duro était aussi rare qu’une belle ligne de coke, la Suède par exemple, c’était la descente aux enfers.
Cependant le pire martyr fut pour moi la guerre impitoyable que se livrèrent les cartels de la Pasta di Semola Di Grano Duro pour contrôler le marché français. Dès 1968, année de tous les dangers, la famille Carret propriétaire de Rivoire&Carret redoutant la puissance de feu des italiens Barilla et des allemands Birkel, proposa à la famille Cartier-Million propriétaire de Lustucru, qu’elle côtoyait dans le Syndicat des fabricants, un rapprochement. Ainsi vit le jour en 1969 une holding à deux filiales, Rivoire & Carret et Lustucru, chacune des filiales détenant respectivement 58 et 42% des actions, ces dernières étant réparties entre 32 actionnaires familiaux. Le holding récemment créé décida de construire une nouvelle usine, dans l'Oise, à Ourscamp. Cette dernière installation produisit vite plus de 200 tonnes de pâtes par jour contre 130 tonnes à Marseille (usine des Rivoire & Carret) et 100 tonnes à Grenoble. Dans les années 70-80, les ventes de Rivoire & Carret commencèrent à stagner tandis que celles de Lustucru continuèrent à croitre.
Pendant cette même période, en 1971, les Cartier-Millon furent pris de court par la revente de la majeure partie des actions de la famille Carret à la famille de semouliers marseillais les Cohen-Skalli. Ces derniers devant la situation de l'époque et le suréquipement en usines décidèrent de fusionner Rivoire & Carret et Lustucru en 1981. De nombreuses procédures judicaires s'ensuivirent sur une période de 7 ans, jusqu'au rachat en 1987 des 42% de la famille Cartier-Millon par les Cohen-Skalli. Lustucru fut transférée à Marseille et en 1989 l'usine de Grenoble fut fermée.
Rivoire & Carret allait-il disparaître ?
Le boulet passa très près avec l’irruption de la pate fraîche qui bouleversait les équilibres, permettait une profitabilité supérieure. Lustucru tira le premier. Robert Skalli triomphait, et comme lui alliait Pasta et Vins il dérangeait les barons de Panzani tenus par les banquiers de PAI (Paribas). En 2002, comme l’écrivait Frédéric Pons dans Libé : « Panzani aspire Rivoire et Carret-Lustucru. «Al dente», pour mieux déguster les pâtes fraîches et le riz Taureau ailé de son concurrent historique. Par crainte d'indigestion, en revanche, Panzani chipote sur les activités «pâtes sèches» et sur les «semoules» du groupe français Rivoire et Carret-Lustucru, propriété de la famille Skalli : Don Patillo, mascotte de Panzani, aimerait bien refiler son assiette à un autre convive. » En effet, même si la pasta sèche représente 90 % de la consommation des Français, c’est un marché mature, il ne progresse pas alors que celui de la fraîche se tape du +10% par an. Et là Lustucru c’est 40% du créneau. Le rêve pour un cartel.
Alors, même si le consommateur n’y comprend goutte, il y a aujourd’hui d’un côté le Lustucru frais et de l’autre le Lustucru sec&Rivoire&Carret qui a formé une nouvelle boutique Pastacorp une grosse PME, basée à Aix-en-Provence, qui bien sûr a du mal à s'imposer sur un marché dominé par les barons Panzani, Barilla et les marques discount. Du coup, sa part de marché décroît lentement, à 10,3 % fin 2005.
Nouvelle guerre avec le repositionnement de Rivoire & Carret entre les MDD et les marques nationales. « Elle a encore 71 % de notoriété assistée, ce qui nous permet d'offrir une vraie marque au juste prix, dans un contexte législatif très favorable », se félicite le directeur général, Olivier Meloyan qui non content de la lancer sur le marché des pâtes sèches, s'attaque aussi à ceux du riz et des pâtes fraîches, avec plus de 25 références au total. Gonflé en période de forte rationalisation des linéaires ! Arnaud Loquet, « baronnet » de l'épicerie de Leclerc ironise « Sur des marchés aussi encombrés que les féculents, cela va encore amoindrir la visibilité, d'autant que le milieu de gamme régresse au profit des pôles discount et marques. Les membres du cartel font dans le sous-entendu vachard « Nous n'avons reçu aucun écho ni menace de remplacement de produit, comme c'est le cas habituellement lorsqu'une une entreprise lance de nouvelles références », balance Emmanuelle Bach Donnard, manageur de catégorie chez Barilla. « C'est une marque qui n'évoque plus rien pour les consommateurs et qui n'a donc plus de légitimité », tranche Xavier Riescher, directeur général de Panzani.
Bon mes histoires de nouilles vous gonflent peut-être, même si contrairement à une idée reçue la pasta ne fait point grossir, mais il vous faut aussi sortir votre nez de votre verre pour affronter l’univers impitoyables des marques. Pour me faire pardonner ce magistral cours, j’ai décidé de vous offrir :
1° 2 vidéos des Rivoire&Carret addict : Desproges&Prévost et Coluche
2° 1 recette exclusive : le Gratin de nouilles à l’émincé de pot-au-feu http://www.berthomeau.com/article-23501942.html c’est du bon et bien sûr comme la maison Berthomeau ne recule devant aucun sacrifice les vins qui vont avec cette recette sont prescrits.
Bon appétit !
1975 - rivoire & carret
envoyé par fifitou. - Court métrage, documentaire et bande annonce.
RECLAME : LES PATES RIVOIRE ET CARRET (COLUCHE)
envoyé par artemis181. - Regardez des web séries et des films.