Je supplie mes amis Bernard et Jean-Marie de ne pas jeter d’un geste rageur cette chronique à la poubelle. Vraiment vous le regretteriez. En effet, alors que le monde basculait dans la modernité, l’expansion démographique s’est concentrée dans les grandes agglomérations : Londres, Paris, New-York ou Chicago. Aux USA les villes ont gagné 30 millions d’habitants au cours du 19ième siècle, dont la moitié dans les vingt dernières années.
Que ce passa-t-il alors ?
« À mesure que les hommes et les marchandises migraient vers les villes, un problème est apparu. Le moyen de locomotion le plus couramment utilisé a entraîné tout ce que les économistes appellent externalités négatives, c’est-à-dire des conséquences fâcheuses : embouteillages, accidents de la circulation, hausse des tarifs d’assurances. Certains produits agricoles autrefois voués à terminer leur course dans les estomacs humains alimentaient désormais les véhicules, provoquant des pénuries et faisant grimper les prix des denrées alimentaires. Sans oublier la pollution de l’air et les émissions de gaz toxiques, qui menaçaient l’environnement aussi bien que la santé des individus.»
Vous pensez que nous voulons parler de l’automobile, n’est-ce pas ?
Pas du tout. Nous parlons du cheval. »
Les auteurs de ces lignes Steven D. Levitt et Stephen J.Dubner les auteurs du best-seller « Freakonomics » et qui récidivent avec »Super Freakonomics » détaillent leur tableau quasi-apocalyptique des 200 000 chevaux (1 pour 17 habitants) qui assuraient au début du XXe siècle à New-York de multiples fonctions de transport comme de production.
« Les rues étaient engorgées de carrioles, et lorsqu’un cheval tombait d’épuisement, il était souvent achevé sur place, ce qui provoquait des encombrements et des retards supplémentaires. Nombre de propriétaires d’écuries avaient en effet souscrit des polices d’assurances qui stipulaient en effet, afin de prévenir les fraudes, que l’animal devait être euthanasié par un tiers. Cela voulait dire qu’il fallait attendre l’arrivée de la police, d’un vétérinaire ou d’un représentant de l’American Society for the Prevention of Cruelty to Animals. Le blocage de la rue n’en était pas terminé pour autant. »Un cheval mort est extrêmement encombrant, et les services d’entretien devaient souvent attendre que les cadavres tombent en putréfaction pour les découper en morceaux et les évacuer », écrit Eric Morris, chercheur en économie et spécialisé dans l’histoire des transports. »
Le bruit métallique des roues et des sabots étaient infernaux.
Les risques d’être renversé par un cheval ou une carriole « En 1900, à New-York, les accidents impliquant des chevaux ont coûté la vie à 200 personnes, soit un habitant sur 17000. En 2007, 274 New-Yorkais sont morts dans des accidents de voiture, soit un sur 30 000 ; » Le risque était donc 2 fois plus élevé en 1900 qu’aujourd’hui.
La pire calamité : le crottin.
11kg en moyenne/cheval soit 2200 tonnes/jour. Qu’en faire ?
Avant le rush il existait un marché du crottin qui fonctionnait bien entre les cultivateurs avoisinants et les utilisateurs de chevaux mais la surabondance a impliqué que le crottin « s’amoncelait le long des rues comme des congères, quand il n’était pas stocké sur des terrains vagues jusqu’à 20 mètres de hauteur. En été, la puanteur envahissait l’atmosphère et lorsqu’il avait plu, une épaisse soupe marronnasse coulait du trottoir jusqu’au sous-sol des immeubles »
Détail : « Les vieilles maisons new-yorkaises en grès rouge, avec leurs élégants perrons surélevés donnant directement accès au 1ier étage » c’était une nécessité pour ne pas avoir sous les yeux et sous le nez ces tas de crottin.
Risque sanitaire permanent : « un bouillon de culture où des milliards de mouches répandaient une foule de maladies potentiellement mortelles. Des rats et d’autres vermines sillonnaient les montagnes de crottin.
Bref, comme le font ironiquement remarquer les auteurs si le réchauffement climatique avait été à l’ordre du jour « le cheval aurait été désigné ennemi public numéro 1, car le méthane émis par ses excréments est un puissant gaz à effet de serre »
Les experts, lors de la première conférence sur l’urbanisme se tenant à New-York, se déclarèrent impuissant face au problème du crottin de cheval. Et puis, « le problème disparut. Il fut résolu ni par une intervention divine, ni par celle de l’Etat, ni par quelque mouvement d’altruisme ou de frugalité des citoyens [...] Il le fut par une innovation technologique [...] : le tramway et l’automobile [...] cette dernière fut proclamée sauveur de l’environnement. »
Bien sûr, comme le souligne les auteurs « L’histoire, malheureusement pas là. Les mêmes solutions qui nous ont sauvés au XXe siècle semblent nous perdre au XXIe, car l’automobile et le tramway ont aussi leurs externalités négatives. » Mais c’est une autre histoire, et ce qui m’intéresse dans la précédente c’est la morale qu’en tire les auteurs « Tout cela n’a, somme toute, rien de surprenant. Lorsqu’un la solution d’un problème donné ne se trouve pas juste sous nos yeux, nous avons tendance à supposer qu’elle n’existe pas. Mais l’histoire nous a démontré à de nombreuses reprises que nous avions tort.
Pour le cheval des vignes je m’en tiens à des photos.