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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 07:00

De notre nuit dans ce lieu de plaisir, où n’avions fait qu’échanger, je retins que Lucia en savait beaucoup sur l’organisation de mes nouveaux petits camarades. Pour ceux qui n’ont pas vécu, comme moi, cette période, où ne l’ont vécu qu’en France, je dois expliquer que l’Italie, où 68 a été très long, a connu un mouvement féministe très fort et même violent pour celles qui devinrent les militantes des Brigades Rouges ou des autres groupes armées. Telles les « Tantes Rouges » qui participaient en première ligne au service d’ordre de Sinistra proletaria le mince groupuscule de Renato Curcio qui donnera naissance à la  Brigade Rouge puis, très vite, aux Brigades Rouges. Après le massacre de la Piazza Fontana à Milan, toutes les manifestations des groupes qualifiés d’extra-parlementaires – de Lotta Continua à Potere Operario – s’achevaient toujours par de violents affrontements. Alors les groupes créèrent leur service d’ordre. Ceux-ci vont profondément modifier la physionomie du militantisme, jusqu’ici fondé sur le spontanéisme, le désordre, un certain romantisme, en injectant du sérieux, du paramilitaire. Le modèle du « guerrier », et aussi de la « guerrière » va attirer des jeunes plus intéressés par le coup de poing que la politique. Ce sont des soldats qui vont obéir aux ordres d’une petite bureaucratie de chefs. Ce schéma d’organisation débouchera sur un enfermement, une absence de lien au réel. Face à cette dérive, les vrais féministes, considérées par les « Tantes Rouges » comme des petites bourgeoises malades d’intimisme, n’auront d’autres choix que de rompre et de s’éloigner.


Lucia n’en était pas encore arrivée à ce stade mais au fur et à mesure que l’illégalité va sembler être la seule voie, la carence démocratique, justifiée par une culture du secret inhérente à l’usage de la force, la feront basculer. Les chefs portent sur les femmes des regards de propriétaires, « tu ne peux pas comprendre… » est leur leitmotiv, les trucs graves sont pour les hommes. Elle connaissait bien Renato Curcio pour l’avoir accueilli lorsqu’il était arrivé à Milan. Celui-ci se considère comme étant le fondateur des Brigades Rouges – version contestée par une autre fondateur Mario Moretti – et il a raconté à Lucia que l’idée du nom leur était venue pendant une traversée de Milan en voiture lors d’un tiède après-midi de septembre 1970. Margharita Cagol, sa femme, et lui rentraient chez eux en compagnie d’un ouvrier de la Pirelli et d’un autre camarade dans une Fiat 500 toute déglinguée. Ils discutaient bien sûr, en Italie on discute toujours en tout lieu et toute circonstance ; ils discutaient de leur présence dans les luttes des usines milanaises. Jusqu’ici ils l’avaient fait à visage découvert mais photographiés, filmés, certains ouvriers avaient été licenciés. Que faire ? Et comment le faire ? Curcio se référait aux Tupamaros en Uruguay, de leur guérilla. Ils arrivaient à la piazzale Loreto lorsque l’ouvrier de la Bicocca – surnom de la Pirelli – résuma leurs  discours à sa façon « Cette année on ne peut plus continuer à se faire baiser par Pellegrini. Ce type-là, il ne perdra jamais sa manie de se planquer  derrière les caisses pour nous mitrailler de ses photos » Pellegrini ne faisait que son boulot de surveillant, il espionnait et rendait compte à la direction photos à l’appui. L’autre camarade suggéra « Et si on brulait sa bagnole ? »

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Acte héroïque s’il en est ? Reste que si le tract qui l’accompagnait n’était pas signé ce ne serait jamais qu’une bagnole de plus brûlée, qui plus est : une poubelle ! « Disons-le, en effet », coupa l’ouvrier de la Pirelli « il suffit de trouver un beau nom, facile, percutant, qui soit tout un programme. » Curcio alors se souvint que, quelques heures plus tôt, sur la table de la rédaction de Sinistra proletaria, quelqu’un avait laissé une photo inédite de 1945 : Mussolini et Claretta Petacci pendus le tête en bas, une image très dure. C’était les brigades partisanes qui avaient mis leurs cadavres au pilori. Il y eut un blanc puis le type de la Pirelli reprit la parole « Voilà, c’est une bonne idée : on pourrait signer les Brigades… Brigades quelque chose… » Brigade comment ? Via Padova, ils passaient à proximité d’une section historique du PCI « Vous voyez section, après la guerre c’était une citadelle de la brigade Volante Rossa, mon père en faisait partie… » interrompit les digressions sur le futur qualificatif. A ce moment-là, Margharita intervint « D’après moi la première action e guérilla urbaine en Europe a été la libération d’Andréas Baader, organisée par nos camarades de le Fraction Armée Rouge : Armée me semble exagéré dans notre cas, mais « Brigade rouge » me plaît, qu’en dites-vous ? » Ainsi va l’histoire, quand à l’étoile à cinq pointes dans le cercle c’est l’étoile irrégulière des Tupamaros facile à dessiner « on prenait une pièce de 5 lires pour tracer un cercle et à l’intérieur on dessinait l’étoile avec une équerre… »

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commentaires

L
<br /> Où commence la réalité, où s’arrête la fiction ?<br />
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