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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 02:00

Sacha au téléphone fit l’âne qui veut avoir du foin, il se rua avec complaisance dans mon histoire de réponse à sa demande d’acquisition des œuvres complètes de Lénine. Pour ne pas éveiller les soupçons d’éventuelles et quasi-certaines grandes oreilles notre entretien fut assez bref. Sans que j’aie la peine de le lui demander Sacha me fixait un rendez-vous à l’Alte Nationalgalerie sur l’île aux Musées pour le lendemain à l’heure du déjeuner. Y aller présentait le risque de me voir contrôler mais Conrad auprès de qui je m’en inquiétais me rassura illico « La clandestinité je connais » et il m’entraînait à l’étage dans son bureau encombré de livres et de piles de paperasses recouvertes de poussière. « Donnez-moi vos papiers d’identité ! » S’asseyant derrière sa table sous une lampe très puissante, avec un soin d’horloger, Conrad entreprenait l’extraction de la photo de mon passeport. Toujours méticuleux et précis, penché sur son ouvrage, il m’indiquait qu’il allait m’établir un passeport de la République algérienne démocratique et populaire. « Pour vous ça présentera un double avantage : d’abord celui de la langue, vous pourrez vous exprimer en français ou en anglais sans que les nombreux gardes-chiourmes qui ne manqueront pas de vous contrôler s’en étonnent, ensuite vous bénéficierez du fait que dans nos démocraties populaires l’Algérie de Boumediene jouit, en tant que membre éminent des non-alignés, d’un grand prestige. Deux précautions valent mieux qu’une. En plus avec vos cheveux frisés et votre teint mat ça n’éveillera aucun soupçon... » J’étais bluffé mais je m’inquiétais « Et Jeanne ? » Conrad sans lever le nez me rétorquait « elle sera votre femme, une bonne musulmane dont nous pourrons camoufler la beauté par trop occidentale sous un beau foulard et des vêtements bien amples... »

 

C’est donc Mohamed Aït El Hadj, cadre du FLN, et son épouse Sonia, d’origine égyptienne, qui le lendemain reprirent le tramway, lui avec un paquet de livres sous le bras, elle, quelques pas en arrière le corps entièrement enveloppé dans un jilbab gris perle taillé dans un rideau et cousu par Emma. Nous rejoignîmes l’Alexanderplatz où nous prîmes un bus poussif qui remontait Karl-Liebknecht Strasse jusqu’à l’île aux musées. Là nous terminâmes le trajet à pied. Jeanne, pour masquer ses grands yeux verts, avait chaussée des lunettes d’écaille aux verres teintés. Son seul commentaire une fois vêtue, lorsqu’elle s’était contemplée dans le miroir de la chambre où Emma avait déposé ses vêtements, fut « mon Dieu ! » Elle avait absolument tenu à ce que je l’accompagne alors que la nuit précédente nous avions fait chambre à part. Quand nous fûmes en tête à tête Jeanne se contenta de se déshabiller en silence. Pour garder mon sang-froid je m’étais assis sur une bergère près d’une fenêtre et je tentais vainement de ne pas contempler son effeuillage. Jeanne me tournait le dos. Ce fut d’abord son corsage puis sa jupe qu’elle laissait glisser, après avoir tiré d’un coup bref la fermeture-éclair, au long de ses cuisses. Déjà j’avais le souffle court de la voir ainsi juchée sur ses talons aiguilles avec ses seuls bas, son porte-jarretelles et sous-vêtements blanc. Elle dégrafait son soutien-gorge, le jetait sur le couvre-lit puis marquait un temps d’arrêt. « Venez! » Alors que je me relevais elle voltait, me faisait face et entreprenait de se débarrasser de son minuscule slip en se penchant vers moi. « Vous jouez à quoi ? » Alors que le minuscule morceau de dentelle atteignait ses chevilles elle se redressait, pointait son regard embué vers moi « à exorciser ma peur... »

 

Dans le bus Jeanne me murmurait « je ne vous plais pas... » Je haussais les épaules « je ne profite jamais des personnes en état de faiblesse ! » Elle pouffait « Menteur ! Vous êtes un prédateur impitoyable... » Du tac au tac, entre les dents, je la cinglais d’un « je suis un romantique qui a en horreur les allumeuses ! » Jeanne se cabrait. Je ne lui laissais pas le temps de réagir « nous verrons cela ce soir ma très chère épouse... » Son soupir rageur me comblait d’aise. L’île aux musées se situait sur la Spree et alors que nous longions ses berges un cycliste nous dépassait en carillonnant. Quelques centaines de mètres plus loin il se délestait d’un petit sac de sport qui roulait sur le macadam. J’allongeais le pas après m’être assuré que personne n’avait repéré le geste du cycliste. Surprise, Jeanne se figeait. Je la hélais « Viens, le cycliste c’était Sacha » Mon soudain tutoiement lui tirait un sourire. Le sac ne contenait qu’une clé accrochée à un de tube en laiton fermé à ses deux extrémités par des vis. Sacré Sacha toujours aussi soucieux de la sécurité. Dans le tube un papier sur lequel notre apprenti espion avait dactylographié, une adresse et une heure : 21h, à l’aide d’une machine à écrire qui ne devait pas être de la première jeunesse. Comme nous avions toute une journée à tirer avant de rejoindre le lieu de rendez-vous de Sacha et qu’il faisait beau je n’eus aucune peine à convaincre Jeanne qu’il nous fallait jouer aux parfaits touristes dans les musées de la très souriante RDA.

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