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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 00:22

Nos nouveaux camarades manifestaient dans les quartiers bourgeois : la Frei Universität, avec son grand amphi l’Audimax, où se tenaient toutes les AG, était située dans le Neuilly berlinois à Dahlem. La haute société berlinoise goûtait à demi la rhétorique très moralisante de ces étudiants chevelus. Il faut dire que c’était vraiment du grand théâtre et Sacha se révélait un as de la mise en scène sur le Kurfürstendamm : une belle avenue chic bordée de magasins opulents, de théâtres et de cafés aux baies vitrées où les mémères à caniche, les vieux beaux, des veuves poudrées, des gigolos en veste cintrée et col pelle à tarte et des poules de luxe en manteaux de loup se retrouvaient pour tromper l’ennui. Le café Krantzer était le QG préféré des chefs étudiants car le bureau du Sozialistischer Deutscher Studentenbund (SDS), le mouvement des étudiants socialistes était à quelques encablures de là. Très vite Chloé allait devenir l’égérie de la frange libertaire du mouvement : la Kommune I spécialisée dans la provocation extrême. Celle-ci louait un vaste appartement dans une rue avoisinante pour expérimenter une communauté prônant l’amour libre mais les frelons allemands se révélaient eux aussi, comme leurs homologues de la GP, totalement coincé du calcif : Chloé me racontait qu’elle passait son temps à éplucher des légumes à la cuisine avec les autres nanas pendant que les mecs se torturaient les méninges pour inventer des trucs pour choquer le bourgeois. Leur coup de maître fut une photo où sept d’entre eux posaient nus, les mains en l’air comme pour une fouille de police et les fesses tournées vers les caméras. Pour corser la provoc un bambin blond se tenait à leurs côtés.

L’ambiance au Centre de la Paix, du fait de son recrutement international, se révélait bien plus propice à des copulations effrénées ou à des enlacements féminins languissants. Curieusement, seule l’homosexualité masculine ne s’affichait pas ouvertement. Sacha entretenait avec les femmes des rapports brefs et utilitaires que nul ne songeait à interrompre lorsqu’un ruban rouge était accroché à la porte du grenier. Chloé me charriait sur mon abstinence face au nombre indécent de beautés qui se baladaient nues dans le squat. La plus assidue à me provoquer était bien sûr Karen, la blonde évaporée, compagne de chambre de Judith la grande hommasse. Peter le Viking me ressassait que ces foutues gouines, avec leurs robes en grosse toile, leurs godillots militaires, leurs cheveux tirés en chignon, étaient des causes perdues avec lesquelles je ne devais pas perdre mon temps. Elles avaient apposées sur la porte de leur chambre un panneau « allez vous faire foutre » et Sacha ironisait sur le fait qu’elles passaient leur temps à lire des livres de droit. Et pourtant Karen, gracile et éthérée, ne se privait pas, à chaque fois que Judith s’absentait, de venir exhiber sous mon nez son opulente poitrine. Très vite elle avait sollicité de moi que je lui apprenne le français. Comme sa compagne c’était une allemande du Nord qui cachait un feu intense sous son enveloppe de glace. Sacha m’ordonnait « oublie-là ! » dès qu’il me sentait fondre face à ces minauderies « ai-je bien prononcé la phrase ? ». Il enfonçait le clou en me prévenant qu’elle faisait parti de ces filles de bonnes familles, toujours reçues dans les meilleurs salons radicaux de Berlin, dont la sexualité frisait le zéro absolu.

Pendant que Chloé épluchait ses carottes avec ses réfrénés des gonades dans l’appartement de  la Kommune I moi je me shootais à l’histoire du mouvement étudiant et j’étais toujours prêt à me faire réquisitionner pour la cause. Ainsi je devenais le dépositaire des noms des héros de l’épopée qu’avait été, le 2 juin 1967, la visite du shah d’Iran et de Farah Diba à Berlin. D’un côté les « Perses de la claque » Jubelperser, de l’autre les « Perses de la castagne » Prügelperser et au milieu les agents des services secrets du régime iranien qui se serviront des montants des pancartes des manifestants comme des matraques efficaces. Parmi ces héros d’abord Bahman Nirumand qui révéla toute l’horreur de la répression du régime du shah soutenu par les impérialistes américains aux étudiants entassés dans l’Audimax de l’Université libre. Et puis ensuite, le martyr, la figure sanglante de Benno Ohnesorg qui, le lendemain de la manifestation, sera abattu d’une balle dans la tête par un policier en civil devant l’Opéra de Berlin-Ouest. Aux obsèques de Benno, en dépit des démentis du maire et de la police, la ferveur militante s’était exacerbée accélérant ainsi l’ascension irrésistible de Rudi Dutschke, le fondateur de l’opposition extraparlementaire étudiante. « Tant de frères er de sœurs partout ! Tant de camarades qui partageaient le même rêve » qui ne savaient pas où ils allaient mais ils y allaient, me précipitait dans une adhésion étrange.  

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commentaires

A
<br /> Bonjour,<br /> <br /> D'une part je vous remercie pour vos excellente publication qui accompagne tous les midis mes déjeuners. D'autres part peut être aurais-je le plaisir de vous croisé ce mardi 23 du côté du<br /> domainede Verchant.<br /> Cordialement.<br /> Alexandre<br /> <br /> <br />
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