Cette chronique se mettra en ligne alors que je serai sur le chemin du retour via Narbonne après une journée entière passée dans les Corbières à l’Université de la Vigne et du Vin 2011. Elle reprend la préface du livre de Jean-Pierre Juge « Guerriers du vin une saga occitane » chez Loubatières.
L’auteur est né à Nantes, a fait carrière loin du pays d’où je reviens et où il s’est fixé car des racines familiales lointaines mais vivaces l’y rattachait. Ce livre a été publié en 1999 et il a été préfacé par Marcel Raynaud président du Conseil général de l’Aude. Ces guerriers dont il dresse le portrait j’en ai croisé beaucoup : dans l’ordre alphabétique Bataille, André Cases, Joel Castany, Marcellin Courret, Roger Guitard, Georges Hérail, Jean Huillet, Emmanuel Maffre-Baugé, Jacques Mestre, Jacques Serre, Louis Teissier, Philippe Vergne… certains d’entre eux sont morts, d’autres sont de paisibles retraités, les plus jeunes encore aux manettes. Si je vous propose de lire ce texte, sans y apporter mes commentaires habituels, c’est qu’il me semble représentatif, bien sûr d’une époque, mais surtout qu’il donne des clés pour comprendre ce Languedoc du vin qui cherche encore à être reconnu mais qui est toujours enserré dans les rets d’un passé qu’il faudrait revisiter plutôt que de le ressasser.
« Dans le Midi viticole, durant le XXe siècle, les luttes paysannes ont été l’affaire d’hommes déterminés, mûs par la colère de n’être pas entendus d’un Etat en mal de créativité politique.
Ces hommes défendaient leur enracinement, tout à la fois culturel, linguistique, spirituel, économique et physique dans la terre occitane. Ils refusaient de se laisser bannir par d’aveugles facteurs macroéconomiques qu’ils savaient temporaires. Ils voulaient vivre au pays.
Mais l’Histoire officielle se complait à restituer le point de vue des vainqueurs. La réalité occitane a donc, depuis la Croisade, trop souvent a été passée sous silence, y compris celle des récentes luttes viticoles.
Un demi-siècle après les évènements tragiques de 1907 qui brûlèrent les ailes à celui que le peuple vigneron nommait affectueusement « lo cigal » - parce qu’il était le chantre de leur espoir retrouvé – les Comités d’action Viticole du Midi sont à l’origine d’un véritable renouveau économique et culturel de leurs terroirs.
Cette fois, ce sont des Occitans, des vignerons, qui au terme de quarante années de lutte ininterrompue remportent la victoire. La vraie nature de leur combat échappe à toute tentative de définition. Entre jacquerie, terrorisme et subversion, le combat vigneron fut plutôt une guerre, certes émiettée dans le temps et dans l’espace, mais une guerre tout de même avec des ennemis, hélas, des généraux et des soldats, des sacrifiés, des espions, des traîtres, des pourparlers, des négociations interminables et, finalement, une paix fragile qui dure encore.
Des personnages hauts en couleurs et en volonté ont alimenté d’une énergie phénoménale cet extraordinaire mouvement qui devint le bras armé du syndicalisme viticole. Animés d’une solidarité maintes fois démontrée, d’une amitié à toute épreuve, et d’une rare tolérance, ils refusaient de laisser s’exprimer leurs différences sociales et politiques au sein des comités.
La seule cause qui trouvait grâce à leurs yeux était la défense de la terre, au sens le plus large et le plus généreux… Le sang ayant coulé, leur combat se déplaça vers les ministères, les commissariats européens et les organisations internationales.