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6 mai 2007 7 06 /05 /mai /2007 00:03

Notre train s'immobilisait dans une gare minuscule en rase campagne. Des trains de marchandises, lourds et grondants, nous frôlaient tels des monstres nocturnes sortis de nulle part. Sylvie se pelotonnait tout contre moi. Son récit, entrecoupé de silences et de digressions sur son incapacité d'être une autre que ce que celle qu'elle avait choisi d'être en descendant en gare de Nantes, ce jour-là, de retour de Genève. Elle allait avoir dix-huit ans, ces quelques jours passés, hors son cocon douillet, dans cette solitude propre, chirurgicale, jetait sur ses épaules une chape d'indifférence féroce. Pour qui comptait-elle ? Pour personne au monde, alors il ne lui restait plus qu'à rompre les dernières amarres avec sa vie d'avant. Sa vie d'enfant. Gagner sa vie, être libre, hors des mains de ces hommes aux mots de sucre qui n'en voulaient qu'à son cul. Puisqu'ils aimaient tant ses fesses et ses nichons : ils paieraient ! Au moins ça lui éviterait de subir leur baratin minable. " Tu sais Benoît, à la clinique, après être sortie des vaps, lorsque je passais ma main sur mon ventre et que je sentais entre mes cuisses ce trou béant, moi qui n'était qu'une petite fleurette je me sentais devenue dure comme un sarment de vigne. On venait de me voler ma fraîcheur, ma jeunesse. J'étais une presque vieille. Alors, avec ma petite valise, je suis allée faire le tour des bars et des cafés, sans grand succès. Le soir, avec ce qu'il me restait d'argent, j'ai trouvé un hôtel minable sur le quai de la Fosse. Au téléphone, j'ai mis un marché en mains à mon gendarme. C'était du chantage. Il a accepté sans moufter..."

La suite découlait de ce choix qui n'en était pas un. Et puis, un jour Brejoux muté à Nantes pointait sa bouille de bon père de famille. Au début, il la jouait sur ce registre, protecteur. L'homme de Sylvie tremblait dans son froc. Les beignes disparaissaient. Elle respirait. Elle appréciait ces moments passés avec Brejoux, simples, sans contre-partie. Il l'emmenait pique-niquer sur les bords de l'Erdre mais jamais il ne portait la main sur elle. Ils allaient aussi aux nocturnes du stade Marcel Saupin. Sylvie adoraient voir courir ces beaux gosses, humides de sueur, sur le vert pétant de la pelouse. Elle était folle de Philippe Gondet, l'idole de la tribune populaire, un buteur-né, tout en muscles, un vrai taureau. " Mon Brejoux faisait patte douce, me parlant de sa femme et de ses deux grands fils. Moi je m'habituais à lui. Ma vie était devenue un peu moins bancale, j'avais trouvé quelqu'un sur qui m'appuyer. Les hommes sont des affreux calculateurs mon cher Benoît. Brejoux manoeuvrait en douceur et je marchais à fond. Ce petit manège a duré plus de deux ans. Même si ça peu paraître surprenant je menais enfin une vie normale. C'est ce que Brejoux planifiait. Un soir de match, au lieu de me raccompagner chez moi, il m'a conduit jusqu'au pavillon où tu es venu. Devant le petit portail il m'a tendu les clés. " Tu es ici chez toi... Chez nous quoi ! "

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