Après avoir lu un papier dans le Nouvel Obs j'ai acheté à la Fnac, en octobre 2006, un gros bouquin de 894 pages, collection blanche de Gallimard : Les Bienveillantes. Je l'ai posé en bas de ma pile. Il a reçu le Goncourt et le prix de l'Académie Française. Lecteur attentif de Hannah Arendt, les mémoires fictifs d'un officier SS, homosexuel et incestueux, qui n'éprouve ni remord, ni regret, cette somme m'intéressait. En févier 2007, j'ai acheté un petit bouquin, les Malveillantes, de Paul-Eric Blanrue, qui mène une enquête à la fois sur les zônes d'ombres de l'auteur et du livre et sur les raisons du succès. Ce n'est pas une instruction à charge mais une enquête honnête http://www.blanrue.com/ qui éclaire la lecture d'un ouvrage au maniement parfois difficile : la bureaucratie nazie, tentaculaire et frisant l'absurde, s'ajoutant au goût immodéré des allemands pour la hiérarchie militaire, est déroutante. Passé cet obstacle il faut aussi supporter l'insupportable. Le texte que je vous livre est de cette nature. Je viens de terminer les Bienveillantes et il m'est apparu nécessaire de vous dire que les actes les plus monstrueux ne sont pas forcément le fait de monstres. Dans la chaîne qui menait aux camps de la mort, à la solution finale, au tout début, il y eut en France des gendarmes ou des policiers ordinaires qui venaient chercher hommes, femmes et enfants pour les livrer aux autorités allemandes. C'étaient pour la plupart de bons pères de famille, de bons époux, et loin de moi l'intention de leur jeter la pierre mais seulement de me permettre de souligner la banalité du mal, cette indifférence liée à l'obéissance aux lois les plus iniques afin de préserver son travail, sa famille..
Le narrateur, le sturmbannführer Aue, en visite d'inspection au camp d'Auchswitz, relate une soirée au domicile de Höss le commandant du camp. Ce texte, je vous préviens, est immonde, abject et difficilement lisible.
" Les cognacs et les vins étaient de grande qualité ; Höss offrait aussi à ses invités de bonnes cigarettes yougoslaves de marque Ibar. Je contemplai avec curiosité cet homme si rigide et consciencieux, qui habillait ses enfants avec les vêtements d'enfants juifs tués sous sa responsabilité. Y pensait-il en les regardant ? Sans doute l'idée ne lui venait même pas à l'esprit. Sa femme lui tenait le coude et poussait des éclats de rire cassants, aigus. Je la regardai et songeai à son con, sous sa robe, niché dans la culotte en dentelle d'une jeune et jolie Juive gazée par son mari. La Juivesse était depuis longtemps brûlée avec son con à elle et partie en fumée rejoindre les nuages ; sa culotte de prix, qu'elle avait peut-êtyre spécialement mise pour sa déportation, ornait et protégeait maintenant le con de Hedwig Höss. Est-ce que Höss pensait à cette Juive, lorsqu'il retirait sa culotte pour honorer sa femme ? Mais peut-être ne s'intéressait-il plus beaucoup au con de Frau Höss, aussi délicatement recouvert fût-il : le travail dans les camps quand il ne faisiat pas des hommes des détraqués, les rendait souvent impuissants. Peut-être gardait-il sa propre Juivesse quelque part dans le camp, propre, bien nourrie, une chanceuse, la pute du Kommandant ? Non, pas lui ; si Höss prenait une maîtresse parmi les détenues, ce serait une Allemande, pas une Juive. "
Pages 577-578