Nous l'attendions depuis des décennies, tel le Messie, le voici enfin sorti des limbes, du Purgatoire du vin, enfin projeté de l'ombre à la lumière, enfin extirpé de l'opprobe conjuguée de tout ce qui ne goûte, que dis-je, ne hume, ne déguste, ne s'extasie, que sur des nectars enfantés qu'en de belles propriétés, le voilà enfin porté à nos regards émerveillés, enfin purifié de toute tache, après une si longue marche depuis son péché originel, son humble extraction, traversée du désert sanctificatrice de ce gueux, de ce sans-grade, sans quartier de noblesse, ni robe du clergé, rien qu'un vin d'en bas qu'en une cérémonie païenne, gasconne même, enfin adoubé, enscensé, béni, relui, briqué comme un sou neuf, fringant comme un sous-officier enfin porté, à l'ancienneté, au grade de capitaine... Les nouveaux zélateurs d'un poste parisien, tous en choeur, sont même prêts à lui accrocher une bordée de médailles pour toutes les batailles où, vainqueur, n'attirant que le dédain de certains, il se consolait en pensant qu'un jour viendrait. Et ce jour vint : le samedi 24 mars 2007 au matin sur France Inter, en la coopérative de Plaimont, sous la baguette de jipi Coffe, parlanzo micro, Perrico, soudain saisi par la grâce, dans nozoreilles zétonnées, déversait des barricots* de louanges, que dis-je des flots de compliments, un vrai tapis de pétales de rose, avant d'enfin décerner son brevet d'honorabilité à l'ex-mauvais garçon, au péquenot en sabots, à celui qui, putain kon, avec ses airs populaciers, ses étiquettes de coopé, n'avait pas droit de cité dans les papiers des échotiers, bien sûr je veux parler du :
Fort bien, maintenant que la fête est terminée, qu'on a rangé les parapluies, rincé les verres et lavé les couverts dans le Gers, je serais très heureux, puisque je n'y étais pas, qu'on m'expliqua en quoi : ramasser du raisin, disons à la main, dans un bout de vigne, disons d'AOC, d'un petit coopérateur, le porter avec soin au conquet de la cave, puis le presser, le vinifier dans les règles de l'art, sous le regard et les soins attentifs d'hommes et de femmes compétents, dans des cuves bien tenues, du matériel propre, j'en passe car je finirais par montrer mon incompétence ; en quoi donc ce mode de vinification, qui n'est je le rappelle que le prolongement de l'exploitation viticole, serait un gage de non qualité, de non respect du produit ? Sauf, à préjuger que toutes les caves coopératives, sans exception, ne sont que des grandes trappes ouvertes où des viticulteurs inconséquents balanceraient leur tas de raisins anonymes, mûrs ou pas mûrs, pour que le jus collectif aille se déverser dans une grande cuve où le conseil d'administration touillerait pour faire tout et n'importe quoi. Le vin de coopérative n'est ni Seznec ou Mis et Tiénot, il n'a pas besoin de procès en révision, ni de réhabilitation. C'est faire injure à tous ceux et celles qui, contre vents et marées, face au mépris des soi-disants critiques éclairés, ont fait la Chablisienne, Plaimont, Buzet, Mont-Tauch, Celliers des Dauphins, Nicolas Feuillatte, Cave de Tain, Sieur d'Arques, Marrenon of Cellar, Baumes de Venise, Rasteau, Bebelenheim et beaucoup d'autres encore que je ne peux énumérer et qui voudront bien m'excuser.
Si j'étais un type courageux, mais je ne le suis pas, je devrais écrire : Stupidité Française, où le grand livre des idées reçues, des batailles inutiles, des coups de fusil à tirer dans les coins et sur les pieds, des bals des faux-culs, des ouvriers de la dernière heure. Tout ces débats à la con me saoûlent et, comme en ce domaine je préfère trouver l'ivresse dans le vin, qu'il soit de coopérative ou de vigneron, j'affirme que moi, Jacques Berthomeau, né à la Mothe-Achard, en Vendée, citoyen de France, européen convaincu, enfant du monde, j'en ai plein le cul de m'entendre dire par ceukifonlaloi ou par ceukifonlebienpencé : fait ci, fait ça ou fait pas ci, fait pas ça... Moi j'ai de la terre à mes souliers, les pieds sur mes pédales et la tête dans les étoiles, je n'ai rien à prouver, pour me sentir français je n'éprouve pas le besoin de me draper dans notre drapeau tricolore, ni de m'égosiller en chantant notre hymne national - que j'ai d'ailleurs appris chez les bons frères à l'école - merci de me lâcher les baskets. Je signale au passage, à tous ceux qui me font des risettes et des ronds de jambes pour avoir ma voix - un homme = une voix comme dans les coopé - que sur mon passeport il est écrit : Union Européenne et République Française, c'est clair. Vous allez me dire que tout ça n'a rien à voir avec le sujet. Si ! Enfourcher des montures fourbues qui mènent nulle part permet de fuir les vrais sujets, les petits comme les grands...
* barricot : petite barrique de 110 litres appellée aussi sixain parce quelle contenait la sixième partie du muid. Dans la Manche, petite barrique de moins de 50 litres.