Comparaison n'est pas raison, ce matin juste une petite histoire de la Vendée crottée et profonde, à la charnière des années 50 et 60, celle des chemins creux, des échaliers du bocage et des sacristies. De là à extrapoler il n'y a qu'un pas. Le franchirais-je ?
En mes jeunes années donc, notre petite communauté villageoise, en dehors de quelques laïcards bouffeurs de curé, se composait de "consommateurs réguliers" de messes, processions et autres cérémonies religieuses : confirmation, communion privée et solennelle, mariage, baptême et enterrement. Sous la férule de monseigneur Antoine-Marie Cazaux, évêque de Luçon, grand défenseur de l'école libre, à qui nous donnions à chaque moisson des sacs de blé pour financer ses séminaires, tout était bien cadré. La vie s'écoulait sans heurt apparent. Les séminaires : petit, grand et des vocations tardives étaient pleins." Longtemps l'Eglise avait été la seule à offrir à un garçon pauvre, mais intelligent, la possibilité d'accéder à un rang plus élevé" écrit Paul Murray Kendall dans le prologue à sa biographie de Louis XI. C'était toujours vrai dans la Vendée du début des années 60.
Pour raviver la foi des ouailles des prêcheurs venaient périodiquement monter en chaire pour brandir la menace du feu éternel. Beaucoup de calvaires vendéens marquent le souvenir de ces missions. Les agents recruteurs de l'évêché battaient la campagne pour fournir les séminaires. Une fois par an, l'un d'eux, passait à l'école nous faire remplir un petit formulaire qui s'inquiétait de notre avenir professionnel et posait la question : voulez-vous devenir prêtre ? Un jour, je ne sais quelle mouche m'a piqué, j'ai répondu oui. Alors la machine s'est mise en route : retraite au grand séminaire, visite du curé et abondante littérature... Bref, du beau boulot qui pris vite fin car je déclarai à notre curé doyen de la paroisse que j'aimais les filles...
Et puis, boum badaboum, mai 68 a vidé les séminaires, crise des vocations, chute vertigineuse de la fréquentation des lieux de culte, y restait plus que les vieux. Les habits trop étroits craquaient de partout, un monde disparaissait et tout ce qui semblait immuable s'engloutissait avec. Je ne vais pas m'aventurer sur le terrain miné de Vatican II pour me retrouver coincé entre les intégristes et les chrétiens de gôche de TC, ce n'est pas mon rayon et mon propos visait seulement à souligner qu'un passé multimillénaire ne met pas à l'abri des failles où, par pans entiers les fidèles disparaissent et ne sont pas remplacés...
JiPi Two, grand communicateur - à ne pas confondre avec J 4 M lui aussi grand communicateur à la chaussure et au cash flow troués - l'avait bien compris et ses JMJ drainant des foules immenses, venant du monde entier, chantant, priant, grand show médiatique sur podium, c'était une réponse moderne, appropriée et efficace à cette désaffection. JiPi Two recrutait. Bon, même si on me traite d'impie, ça ne fera qu'ajouter à ma panoplie déjà bien fournie, je saute le pas, j'extrapole. Notre volonté de recruter des jeunes urbains désinvestis pour remplacer les papys fidèles, alors que la loi de santé publique a pour priorité d'augmenter le nombre d'abstinents, va nous contraindre à déployer des arguments séduisants pour dire que notre nectar, tout en assumant clairement, sans faux-semblant, son statut de produit alcoolisé, est un produit de civilité, d'initiation, de convivialité et non un fabricant de pochtrons...