Je pars en vacances. Je quitte la grisaille parisienne. Cette chronique s'imposait. Mais contrairement à certaines entreprises, la mienne poursuit son activité pendant les vacances. Tous les matins la petite chronique dans la boîte électronique.
Dans le très sérieux journal le Monde, Yves Eudes posait cette très grave question : «Le nu a-t-il de l'avenir en Occident ? Dans la villa Romana del Casale, en Sicile, construite au IIIe siècle, une mosaïque montre une dizaine de jeunes femmes en train de faire du sport et de s'amuser. Toutes portent un bikini, très semblable à celui des femmes occidentales contemporaines. Le grand combat du XXe siècle pour la libération de mœurs aura donc permis aux femmes... de revenir 1 700 ans en arrière. »
Avant de chroniquer sur le bikini quelques notations éparses. En ce temps de célébration du 40ième anniversaire d’un mois de mai 68 creuset de toutes dérives de notre beau pays : triomphe du relativisme, perte des repères, érosion de la valeur travail j’en passe et des meilleures, faire un retour en arrière sur l’hédonisme d’après-guerre qui accouchera des seins nus et d’une nouvelle religion celle du corps : salle de fitness, musculation, aquagym, massage… Tout serait donc parti des fameux congés payés jetant sur les plages les masses travailleuses. Le non-travail on y prend goût surtout sous la caresse des rayons du soleil et la trempette. On commence par se sécher et on finit par bronzer. Normal que petit à petit les aoûtiens et les juillettistes veuillent offrir un maximum de surface au Dieu Soleil. Pourtant, à l’origine, les chantres de « l’homme nouveau » n’y trouvait rien à redire : « Je rebronzerai une jeunesse veule et confinée, son corps et son caractère par le sport, ses risques et même ses excès. » Nos joggeurs, marathoniens de New-York, sauteurs à l’élastique, adeptes du canyonning, en sont les héritiers : faut bien qu’ils s’occupent pendant leur RTT ! Alors pourquoi diable sommes-nous devenus un « peuple d’amollis » ?
Pour les tenants de l’ordre moral, les émergés comme les planqués, la réponse est évidente : c’est la faute des femmes !
Alors que dans les années 20 le maillot de bain féminin ne découvrait que les bras celui du début des années 30 dénudait les épaules et remontait jusqu’à mi-cuisse alors qu’à la fin de celles-ci il poussait volontiers jusqu’au haut des cuisses et escamotait les bretelles. De jersey épais il évoluera vers le jersey de laine fin, puis de soie, épousant de plus en plus les formes. Moulant ! Le début de la fin. Le ver était dans le fruit : en 1932 le couturier parisien Jacques Heim présentait dans sa collection un maillot de bain deux-pièces baptisé « Atome »
Le bikini moderne, en effet, fut officiellement inventé en 1946, modèle déposé par Louis Réard (ci-desssu) sous le nom de l’atoll où eut lieu le premier essai nucléaire américain, qui récidivera en 1964 en popularisant le topless swimsuit : le monokini créé par le styliste allemand Rudi Gernreich. De nombreux pays, dont l'Italie, interdirent son port sur leurs plages : « les Siciliennes devront attendre une douzaine d'années avant d'avoir le droit de s'habiller comme leurs ancêtres. Dans l'euphorie de l'après-guerre, le bikini s'impose alors dans tout l'Occident, et au-delà. Arrive ensuite le monokini, sans soutien-gorge, puis le string à la brésilienne, pesant entre 5 et 9 grammes. » note Yves Eudes. Le nu intégral alors ? Non, on assiste même à un retour en arrière sous l’impact de la tyrannie des beaux seins. Alors comme le dit Valérie Delafosse, directrice artistique de la marque Eres, le bikini n’est pas mort "Trois petits triangles qui épousent parfaitement le corps de la femme, c'est souvent le plus simple qui dure le plus longtemps. En plus, le bikini est flatteur, il s'adapte à presque toutes les morphologies." L'innovation, selon elle, viendra des nouveaux tissus synthétiques : "des matières très douces, à l'élasticité ultra précise, qui vont sculpter le corps, un peu comme une gaine, mais sans comprimer ni alourdir".
Triomphe des pères la pudeur ? J’en doute mais il me semble certain que, sous la pression du communautarisme religieux, des effets de la crise économique dans les sociétés développées, de l’irruption de 2 nouveaux grands : la Chine et l’Inde, l’on va assister à une forme de privatisation de l’exposition des corps pour mieux jeter au petit peuple « une nouvelle forme de puritanisme »…
Pour le monokini et pour de rire - allez jusqu'au bout c'est court - une petite vidéo :