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5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 08:00
Polygraphies corses (5), le Ferry coule, Michel Rocard n’est pas encore arrivé à Monticello et « la Corse est 1 île compliqué pour 1 continental ; pour 1 Corse aussi. »

C’est du Jack Palmer de Pétillon dans l’Affaire Corse, une BD culte sur l’île et Dieu sait qu’elle n’épargne personne.

 

Oui la Corse c’est compliqué et alors ça fait des sujets de conversation pour les pinzutu : le tango corse de Fernandel, les vaches étiques à boucles d’oreille, les porcu neru vagabonds, le « saucisson d’âne » pour bobos parigots, le canal historique et le canal habituel, les roucoulades de Tino Rossi, les bonapartistes, les indépendantistes et les autonomistes, les panneaux indicateurs truffés de plomb, Pascal Paoli, les Porsche Cayenne, le PRG, les clans, le village… la liste reste ouverte… ICI 

 

Quand à mettre tous les Corses dans le même sac, comme le font les continentaux de tous poils il y a un pas que je me refuse à franchir… La réalité est bien plus compliquée que

 

Cyrille Graziani, journaliste politique à France Inter, qui vient de publier chez Fayard, une chronique élyséenne Le Premier Secrétaire de la République répond dans une interview à Settimana supplément hebdomadaire de Corse-Matin :

 

« … j’ai couvert l’élection de Gilles Simeoni en décembre dernier et j’ai été frappé de constater que personne à Paris, ni à l’Élysée ni à Matignon, n’avait compris ce qui était en train de se passer en Corse. La plupart des dirigeants actuels de gauche ont un logiciel totalement erroné… »

 

Bien d’accord avec lui, du côté de la droite la ligne est plus claire : ils n’ont pas mieux compris que la gauche ce qui se passe en Corse mais ils n’ont pas varié d’un pouce, ils sont derrière leurs électeurs conservateurs, ceux de la France une et indivisible.

 

En Corse on aime la politique, pour le pinzutu que je suis ce n’est pas toujours simple de décrypter les subtilités du débat politique tel qu’il est transcrit dans Corse Matin. Les subtilités du PRG de Paul Giacobbi et celui d’Émile Zuccarelli, les défections du groupe Prima a Corsica, le MCD de François Tutti (les tuttistes) rabiboché avec le PRG d’Anthony Alessandrini, l’ennemi intime de Jean Zuccarelli du même PRG, les divisions de groupes qui n’ont que très peu de divisions, et comme l’écrit Anne-C Chabanon : « D’un président à l’autre, et au milieu coule une gauche. »

 

Il y a un côté PSU dans la « gauche » corse, chez les nationalistes aussi. C’est sans doute pour cette raison, entre autres, que les Corses aiment Michel Rocard qui a eu la bonne idée de venir s’installer pour sa vie éternelle à Monticello en Haute-Corse.

 

Pour preuve l’édito de Jean-Marc Raffaelli sur la fameuse Rentrée dans Settimana :

 

« … C’est aussi la rentrée politique avec une droite à l’école primaire. Les candidats se déchaînent dans leur bac à sable. Les coups pleuvent et certains sont portés sous la ceinture. Cette famille politique croule sous le linge sale. On ignore qui de Nicolas Sarkozy ou d’Alain Juppé sortira vainqueur, on sait qu’il ne sortira ni plus grand ni plus fort mais épuisé et anémié. En face, c’est aussi l’école déprimaire. La gauche, balkanisée, répand ses morceaux incollables. Le prévisible Macron, l’Emmanuel scolaire, peut frustrer Hollande de son désir de réélection. Marine Le Pen a volontairement disparu des écrans pour mieux compter les coups, va exploser les compteurs quand elle décidera d’effectuer sa propre rentrée. L’élection présidentielle va ressembler à un challenge d’impopularité. De toute façon, gouverner c’est exaspérer.

 

La seule rentrée qui va nous émouvoir, ici en Corse, c’est celle prochaine, de Michel Rocard dans sa dernière demeure de Monticello. Ce réformiste radical version Camus a eu la mauvaise idée de nous quitter, mais il fera planer son esprit de rectitude et sa vision éthique qui se liguaient contre tous les chaos, qu’ils soient religieux, sociaux ou climatiques. De l’humanité, c’était un maître d’école. Qui n’avait rien de primaire. »

 

J’aime le ton de ce supplément vachard avec les pinzutu du marigot politique du continent qui charrient trop souvent des clichés éculés sur la Corse.

 

Première tête de turc : le Che de chez nous

 

Les journalistes se payent la fiole, sous le titre : Jamais 3 sans 4 de Jean-Pierre Chevènement, « revenant éternel » et « démissionnaire patenté ». Les Corses lui vouent un chien de leur chienne suite à sa prestation remarquée comme Ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin avec la rocambolesque affaire de l’incendie de la paillotte Chez Francis menée de main de maître par le Préfet Bernard Bonnet

 

3 démissions dans sa musette, en vertu de la maxime « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne », la première sous Mauroy en 83, sous Rocard en 91 et sous Jospin en 2001, les paris sont ouverts pour le nouveau président de la fondation pour l’Islam.

 

Rappelons à la jeune génération que JPC, grand conducator du Territoire-de-Belfort, cryptocommuniste à la sauce Guy Mollet dans ses jeunes années, fut celui qui permis, en s’alliant à la droite des socialistes de Gaston Defferre, à Mitterrand de s’emparer du PS au congrès d’Épinay. Par la suite notre Che revenu du ciel fonda le MDC pour assurer sa survie électorale.

 

Seconde tête de turc : La poule qui philosophe.

 

« Pour booster le FN et les milices corses, la décision calamiteuse du Conseil d’État est idéale. »

 

Cette déclaration du sémillant Luc Ferry lui vaut un titre au vitriol : Le Ferry coule.

 

Et de recevoir une volée de bois vert.

 

« On se souvient que l’impétrant avait perçu son coquet salaire de 4500 euros nets en 2010-2011 sans enseigner à l’Université Paris VII Paris-Diderot : en situation de « détachement » il œuvrait au sein du Conseil d’analyse de la société, un énième comité Théodule gouvernemental. »

 

Comme dirait l’autre, ne pas enseigner ne dispense pas de donner des leçons, fut-ce à tort et à travers.

 

Enfin une grosse colère sur la fable de Sisco :

 

« Vous avez adoré :

 

« Les baigneurs pacifiques agressés par une horde fasciste corse… »

 

Vous avez été stupéfait par :

 

« On était tranquillement à la plage lorsque des fous furieux nazis nous ont agressés. »

 

Vous avez frémi devant le hit incontournable :

 

« Mon harpon, c’est du bidon. »

 

Vous vous réjouirez du nouvel opus :

 

« J’ai dû m’enfuir car des satanistes corses voulaient brûler ma famille… »

 

Sur tous les écrans des chaînes d’info en continu.

 

De quoi patienter en attendant le procès des protagonistes de Sisco. Sur l’air de « Ce pas moi, c’est eux. » On croit rêver. Tout le problème est qu’on ne rêve pas. »

 

Dans ce texte écrit deux ans avant sa mort, l’ancien Premier ministre, qui n’a «pas une goutte de sang corse» explique pourquoi il voulait reposer à Monticello. Lues par son fils aîné lors de la cérémonie au temple de l’Etoile, ces lignes nous ont été transmises par un ami de la famille.

·

Michel Rocard : «J’irai dormir en Corse»

 

Le temps viendra bientôt, pour moi, comme pour tous, de quitter la compagnie des vivants. Enfant de la guerre, préservé presque par hasard des souffrances les plus atroces qu’elle a pu engendrer, j’en ai côtoyé le risque d’assez près pour avoir ensuite voulu découvrir, observer, savoir, analyser, comprendre, visiter aussi les lieux d’horreur d’Alsace, d’Allemagne, de Pologne, plus tard d’Algérie ou du Rwanda. Toute mon adolescence, j’ai rêvé que ma trace soit porteuse de paix. Je ne pense pas avoir manqué à ce vœu. Certains le savent encore en Algérie, tous en Nouvelle-Calédonie, je fus un combattant de la paix. N’était la violence des hommes, la nature étant si belle, la vie aurait toutes ses chances d’être merveilleuse si nous savions y créer l’harmonie. Ce fut l’effort de mon parcours.

 

Reste un rêve un peu fou, encore un : que ma dernière décision, l’ultime signal, le choix du lieu où reposer, soit pour tous ceux qui m’ont aimé, ou même seulement respecté, une évidente, une vigoureuse confirmation. Après tout, le déroulement de la vie elle-même a son rôle à jouer dans ce choix final.

 

Sylvie, ma dernière épouse, m’a fait, le temps de ce qui nous restait de jeunesse, redécouvrir l’amour, puis surtout rencontrer sérénité, tranquillité, confiance, le bonheur tout simplement.

 

A son père adoptif corse, elle doit le sauvetage de son statut social, mais pas l’affection. Elle lui doit pourtant un lieu, celui de ses joies d’enfant, de ses premières et longues amitiés, de l’exubérance de la nature, de sa beauté et de ses odeurs, au fond le lieu de son seul vrai enracinement. C’est un village, Monticello en Balagne.

 

Je n’ai pas une goutte de sang corse, et n’avais jamais mis les pieds sur l’île avant 1968. Le mois de mai de cette année-là avait échauffé les esprits. Je ressentis puissamment le besoin de rassembler pour une bonne semaine, la quarantaine la plus active d’étudiants et de cadres du PSU. La mutuelle étudiante rendit cela possible en Corse. «De la violence en politique et dans l’histoire, pourquoi ? Jusqu’où ?». Tous les jours exposés, découvertes de textes, réflexions, discussions… Tous les soirs et le dimanche, pour moi, découverte de cette merveille du monde, la Corse, qu’habitaient deux bonnes centaines de militants PSU… Paysans, historiens, chercheurs, animateurs du nationalisme non violent prirent à cœur d’être mes instructeurs. Je découvris la violence de l’histoire corse, ne l’oubliai plus, j’appris surtout à la connaître et à la respecter. J’en parlai beaucoup, j’écrivis même.

 

Mais je m’occupais d’autre chose, longtemps d’Europe notamment sur la fin. Vint cette situation bizarre où la régionalisation des élections européennes, combinée avec les manœuvres internes au PS firent de moi la «tête de liste» socialiste pour les élections européennes de 2004 en Corse… J’avais sur ma propre tête 22 campagnes électorales de toutes dimensions de la France entière à ma commune. La Corse m’honora de 28 %. C’est le record absolu de toute ma vie sur trente-cinq ans. C’est aussi le record régional du PS à ces élections-là. C’est enfin le record historique de la gauche sur l’île. Et puis Monticello : 37,2 % tout de même. L’occasion ne m’avait jamais été donnée de remercier. Ce sera fait. A Monticello, le cimetière est plein. Ne restait dans la partie haute, au-delà des caveaux, qu’une microparcelle trop petite pour une tombe, suffisante pour deux urnes, au ras de la falaise. Arbres et tombeaux, tout est derrière nous. L’un des plus beaux paysages du monde. Et puis bien sûr, qui dit cimetière dit réconciliation… Le grand Pierre Soulages s’est chargé de pourvoir à ce que les objets à placer là, une urne puis deux, un support, une plaque puis deux, magnifient la beauté du lieu plutôt que de la déparer.

 

A l’occasion, venez nous voir, me voir : il faut garder les liens. Peut-être entendrez-vous les grillons, sans doute écouterez-vous le silence… A coup sûr la majesté et la beauté de l’endroit vous saisiront. Quel autre message laisser que de vous y convier ?

 

Michel Rocard ancien Premier ministre

 

Sur l’île mais pas que, la mort de l’ancien chef du gouvernement a suscité de l’émotion, la classe politique saluant la mémoire d’un homme d’État ayant eu des relations privilégiées avec la Corse.

 

 

LDH CORSICA : « Corse : Jacobins, ne tuez pas la paix », tel était le titre d’une tribune courageuse de Michel Rocard parue au lendemain de l’assassinat du Préfet Claude Erignac. Et de préciser « il serait dommage et dangereux qu’une frilosité républicaine bornée l’empêche d’établir entre la France et la Corse de nouvelles relations fondées sur la confiance réciproque ». Mettre en action aujourd’hui ce conseil de Michel Rocard, n’est-ce pas l’hommage qu’il revient de lui rendre, pour la Corse et la République, en construisant la paix.

 

Gilles Simeoni : Michel Rocard est mort. Nous le pleurons. Il fut un humaniste convaincu, un homme d’État, et un ami sincère de la Corse et de son peuple.

 

Paul Giacobbi : Michel Rocard était toujours en avance sur son temps, mélange détonnant d’originalité et de réalisme, de générosité et de rigueur.

 

Jean Guy Talamoni : Michel Rocard: un homme courageux, visionnaire et qui aimait la Corse. Pensées amicales à Sylvie, son épouse, et à tous les siens.

 

Dans un communiqué Le Mouvement Corse Démocrate rappelle que Michel Rocard était un « militant, un réformateur, un vrai progressiste qui avait à cœur de faire avancer les valeurs de la république. »

 

Dans un communiqué A Ghjuventù Indipendentista tene à salutà a mimoria di unu di l’omi pulitichi francesi chi avianu capitu a Corsica è i Corsi, l’anzianu Primu Ministru Sucialistu Michel Rocard. Per via d’un discorsu d’avant’à a sò Assemblea Naziunale, avia ricunnisciutu a culunisazione di a Corsica da a Francia, è messu in piazza una pulitica d’appertura, ch’ellu sustenia sempre ancu qualchi mesi fà, à l’Assemblea di Corsica. Si ne andatu oghje à l’età di 85 anni. Ch’ellu sia un esempiu per u guvernu francese attuale è per quelli à vene.

 

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