« Avec Macaroni il n’est pas question de pâtes, mais bien de ces immigrés italiens venus en Europe à partir de la fin du XIXème siècle pour trouver du travail dans les bassins miniers du Nord de l’Europe (en Belgique, en l’occurrence).
« Cette immigration s’est faite dans la douleur. Quand je me souviens de ce que disait ma grand-mère, elle évoquait avec nostalgie le lien qu’elle avait encore avec l’Italie qu’elle n’avait pas quitté de gaîté de cœur. Quand on émigre, le lien avec la terre natale reste fort. » Indique Vincent Zabus le dessinateur de cette bd toute en délicatesse. Il est italien et sa famille a connu l'immigration.
« Ottavio est l’un d’eux. Pour bâtir son histoire, Vincent Zabus s’est inspiré de la vie rocambolesque du père d’Inès, une de ses amies, qui l’avait frappé. Un homme aigri qui avait le sentiment d’avoir raté une vie bousculée par les aléas de l’Histoire.
Macaroni c’est une histoire, celle d’Ottavio, dans la grande Histoire dont Zabus. Le récit de Vincent Zabus dévoile en effet l’histoire de générations qui se rencontrent enfin, le pépé et son petit-fils qui ne se voyaient qu’une fois l’an, de la découverte d’un passé familial empreint de déracinement et de renoncement, d’identités oubliées. Le travail de scénariste qui a revu plusieurs fois sa copie comme il l’explique dans la postface.
« Le tout est brillamment mise en image par Thomas Campi (un dessinateur d’origine italienne : impossible d’y voir un hasard). Au long de ces cent vingt-cinq planches, Campi développe un dessin enlevé et lumineux, bien loin des clichés gris de la cité minière, et qui symbolise toute la force des sentiments de cette communauté italienne. »
L’histoire se focalise donc sur les rapports entre le grand-père et le petit-fils, de la non-relation initiale, planche après planche le « vieux chiant » et le stupidino apprennent à se connaître, avec peu de mots de VC, beaucoup plus de la part du gamin, ils se comprennent et s’aiment. L’écriture de Zabus est efficace et ne tombe jamais dans le pathos en dépit de la somme des non-dits familiaux, des fantômes du passé qui hante la vie d’Ottavio : la mine, la guerre, la lettre des chemins de fer italiens non transmise, Giulia, sa femme décédée…
« Je me suis toujours laissé faire. Et j’ai tout laissé filer.
- Tout quoi ?
- Toute ma vie.
[…]
« À trois ans mes parents m’ont donné à ma tante.
- Donné ? !
- Oui. Elle avait pas d’enfants. Et mon père, il en avait beaucoup. Alors, il m’a envoyé vivre chez sa sœur. C’était comme ça….
Au début j’ai pleuré. Puis j’ai compris qu’être fils unique de ma tante c’était mieux qu’un des sept de mes parents. Très heureux, j’ai été avec elle. Puis elle est morte. J’avais douze ans…
Je suis retourné chez mes parents. Là, j’ai vite compris que c’était plus chez moi. Pour eux, j’étais devenu le fils de ma tante…
Puis, à 18 ans, on m’a envoyé à la guerre. Benito Mussolini, il m’a dit de tirer. Je ne savais pas sur qui mais j’ai dit oui…
Puis on m’a dit « Va en Belgique ! » J’ai dit oui ! « Descends à la mine » ? Oui ! « Crève de misère » ? Oui !...
Oui, oui, oui…
J’ai jamais décidé de rien ! Rrr… Comme si cette vie n’était pas la mienne ! …
Jamais je me suis senti chez moi quelque part. Jamais !
- Mais en Belgique…
- La Belgique ? ! Tu sais comment les gens d’ici nous appelaient quand on est arrivés ? Les Macaronis…
Macaronis ! Macaronis ! Vita di merda !!!
Une BD à acheter absolument !