Un éditorialiste écrit à juste raison :
« Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ne peuvent s’exonérer de toute part de responsabilité dans ces dérives extrémistes, dont celle d’un Laurent Wauquiez qui a demandé (une fois de plus) l’instauration d’un Guantanamo à la française, où l’on pourrait enfermer à volonté, selon le bon plaisir d’on ne sait qui, ceux qui pourraient être suspects d’un éventuel passage à l’acte criminel ?
L’un comme l’autre, en se lançant dans un procès en responsabilité de François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, ont libéré l’habitus sécuritaire, si ce n’est contre révolutionnaire, d’une partie de la droite que l’on baptise encore «républicaine» par convention sémantique. »
Les dernières sorties de Laurent Wauquiez et David Douillet ne sont pas le seul fruit de la vacuité politique de l’époque, elles sont aussi le produit d’une histoire propre à la droite française. Sa tradition. Son héritage. Sa vocation historique qui la pousse, dès que l’histoire lui en offre l’opportunité, à tenter de reprendre, en tout ou partie, ce qui a été concédé depuis 1789. »
L’exemple de la bataille d’Alger certains, les éradicateurs, y pensent au nom de l’efficacité.
Le 7 janvier 1957, c’est sous le gouvernement de Guy Mollet, dont François Mitterrand était Garde des Sceaux, que le ministre résidant à Alger Robert Lacoste confie les pouvoirs de police à Alger au général Massu, chef de la 10ème division parachutiste, afin de détruire l’organisation terroriste du FLN, qui s’attaquait aux civils français depuis le 20 juin 1956, et surtout depuis le 3O septembre par des attentats à la bombe commis dans des lieux publics.
« De janvier à Octobre 1957, l'Armée française s'efforce de juguler le terrorisme du Front de Libération Nationale par le démantèlement de ses réseaux à Alger et par une répression massive. Si la bataille d'Alger s'achève par une victoire militaire de l'Armée française, l'usage massif de la torture suscite de vives protestations de la Communauté internationale ainsi qu'en métropole.
Au commencement de 1957, les tensions sont particulièrement vives à Alger entre les différentes communautés. Dès lors, le 7 janvier, une ordonnance de Robert Lacoste confie au général Massu les pleins pouvoirs sur le Grand Alger. La 10ème division parachutiste, division élitiste qui compte en son sein de nombreux hommes nés en Algérie, anciens combattants d'Indochine, reçoit alors la mission de "pacifier" la ville.
Afin d'exercer une pression sur l'Assemblée générale des Nations Unies qui se réunit alors en session et l'inciter à adopter un texte sur l'autodétermination algérienne, le FLN ordonne de son côté une grève générale de 8 jours, à compter du 28 janvier. Cela permet également au FLN de faire la démonstration de son emprise sur la population algérienne. Cependant, immédiatement, les parachutistes du général Massu cassent la grève. A 7 heures le 8 janvier, ils pénètrent dans la casbah d'Alger et forcent les hommes à reprendre le travail et ouvrir leurs boutiques.
Le FLN réplique à l'entrée de l'armée dans la ville par la multiplication d'attentats concentrés à Alger, où l'impact médiatique est plus important. Le 26 janvier 1957 des bombes explosent dans trois cafés fréquentés par des Européens, l'Otomatic, la Cafétéria et le Coq Hardi, et le 10 février, les attentats du stade municipal d'Alger et du stade d'El Biar font 10 morts et 34 blessés. Le 9 juin 1957, l'attentat au casino de la Corniche tue 8 personnes et en blesse une centaine.
Les parachutistes de général Massu s'efforcent de démanteler le FLN. A cette fin, ils quadrillent la ville avec des troupes imposantes, bouclent les quartiers arabes et multiplient les points de contrôle. Surtout, en utilisant les fichiers de la police, l'Armée procède à des arrestations massives pour débusquer les militants du FLN dont le nombre est évalué à 5 000 à Alger. Des centaines de suspects sont regroupés dans des centres de triage, qui se transforment rapidement en centres de torture. L'annonce du "suicide" de Larbi Ben M'Hidi, un des fondateurs du FLN le 14 mars, puis de celui d'Ali Boumendjel, suscitent de vives protestations, dont celle de René Capitant, professeur d'Ali Boumendjel à la faculté d'Alger. En métropole, la presse, L'Express et Le Monde en tête, lancent alors une campagne de dénonciation des méthodes utilisées par l'Armée à Alger. Le président Guy Mollet, est dès lors contraint d'annoncer le 5 avril 1957, la création d'une Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles. Toutefois, cette mesure n'empêche pas la poursuite des arrestations et de la torture. Les 11 et 12 juin, Maurice Audin et Henri Alleg, militants communistes, sont arrêtés puis torturés. Maurice Audin, déclaré évadé par l'Armée, décède en réalité des suites des tortures subies. Au total, plusieurs milliers de "disparitions" sont recensées au cours de la bataille d'Alger.
Les renseignements obtenus sous la torture et l'infiltration des filières du FLN, permettent à l'Armée française de progressivement démanteler le réseau. L'arrestation de Yacef Saadi le 24 septembre, puis la mort d'Ali La Pointe le 8 octobre marquent la fin de la bataille d'Alger.
Ainsi, La bataille d'Alger se solde par une victoire militaire de l'Armée française, qui est parvenue à décapiter le FLN. Néanmoins, le prix de cette victoire est lourd. L'usage massif de la torture provoque de vives protestations à l'étranger et en métropole. Parallèlement, l'escalade de la violence entre le terrorisme d'une part et la torture de l'autre, conduit à une radicalisation communautaire, qui rend impossible la recherche d'un compromis.
Julie Le Gac
Guy Pervillé professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse - Le Mirail.
Gérald Arboit directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement et chargé de cours dans plusieurs universités français (Colmar, Strasbourg, Metz).
En 1957, la bataille d'Alger opposait les forces de l'armée française au FLN. Durant cette bataille, les Français ont fait face à de nombreuses initiatives terroristes, contrecarrées grâce à des méthodes peu orthodoxes. Pour autant, outre les notions de morale ou d'éthique, le combat contre l'Etat Islamique présente trop de différences pour appliquer les mêmes tactiques.
Guy Pervillé : Le 7 janvier 1957, le ministre résidant à Alger Robert Lacoste confia les pouvoirs de police à Alger au général Massu, chef de la 10ème division parachutiste, afin de détruire l’organisation terroriste du FLN, qui s’attaquait aux civils français depuis le 20 juin 1956, et surtout depuis le 3O septembre par des attentats à la bombe commis dans des lieux publics. Mais aussi pour éviter le développement de groupes contre-terroristes européens et le risque de tentatives de coup d’Etat militaire. Pour venir à bout du FLN dans les plus brefs délais, l’usage de la torture (eau, électricité) fut admis, et même recommandé pourvu qu’il reste limité.
Mais une équipe spéciale, confiée au commandant Aussaresses, était secrètement chargée de liquider les individus jugés dangereux ou en trop mauvais état pour pouvoir être confiés à la justice. Des « suicides » mystérieux (ceux du chef FLN Larbi Ben M’hidi, puis d’Ali Boumendjel, et plus tard en juin la prétendue évasion du communiste Maurice Audin) semèrent l’inquiétude à Paris et imposèrent au gouvernement Mollet la création d’une commission de défense des droits et libertés individuelles. L’Etat de droit était de fait suspendu, bien que le secrétaire général de la préfecture d’Alger, Paul Teitgen, ait été chargé de contrôler les arrestations et les assignations à résidence, mais sans pouvoir le faire efficacement. Cependant l’organisation FLN-ALN d’Alger fut rapidement démantelée de janvier à mars 1957, mais une organisation beaucoup plus réduite fut reconstituée par Yacef Saadi, et commit les attentats les plus meurtriers (bombes à l’arrêt des tramways, puis au Casino de la Corniche) au début juin 1957. C’est alors que la prétendue « évasion » du communiste Maurice Audin, qui fit scandale, obligea le général Massu à révoquer Aussaresses et à confier la lutte anti-terroriste au colonel Godard, qui la mena avec des méthodes moins violentes, plus subtiles et plus efficaces. A partir de la mi-octobre 1957, l’organisation du FLN-ALN disparut d’Alger, et elle ne put se reconstituer avant décembre 1960, mêmes si des attentats beaucoup moins meurtriers furent encore commis par des groupes venus des wilayas voisines entre juin 1958 et janvier 1960.
Gérald Arboit : Après avoir donné les pouvoirs spéciaux à l'armée à la fin de l'année 1956, on a envoyé la 2ème DB (Division Blindée des parachutistes) en raison de l'aspect psychologique. Cela pouvait rassurer les Français comme l'opération Sentinelle que l'on connait actuellement dans le cadre du plan Vigipirate. On a souvent donné à l'autorité militaire les pouvoirs de police. Pour Alger « la blanche » cela ne changeait rien tandis que pour l'Alger algérienne cela changeait tout. Dans les mois précédents, une succession d'attentats avaient eu lieu dans la Casbah. Pour les Algériens l'arrivée de la 2ème DB a eu pour conséquence la création de camps de rétention, le blocage de toutes les sorties de la casbah en direction de la ville blanche et on a interpelé tout mâle de 15 ou 16 ans pour les envoyer dans des camps de rétention. On a fait ce que les américains avaient fait avec les Japonais au lendemain de Pearl Harbour. Une fois qu'on a mis tout le monde dans les camps, on fait le tri entre les "bons" et les "méchants". On a utilisé la torture pour faire le tri. Dès le mois de mars le général Jacques Pâris de Bollardière démissionne puisqu'il est contre parce qu'elle ne sert strictement à rien selon lui. On a "terrorisé les terroristes", en tout cas ceux d'Alger. Mais ailleurs il y a eu de nombreux autres attentats. On a pacifié une situation violente mais en même temps on l'a exportée dans le reste du pays. D'un point de vue purement tactique la victoire est totale, mais à quel prix ? D'un point de vue stratégique la victoire est nulle.