En mai 2011, à l’Écume Saint-Honoré je découvrais la coquille Saint-Jacques crue, sauce soja !
Alain Ducasse dans son J’aime Paris Mon Paris du goût en 200 adresses notait « Tendre, savoureuse, la belle se révèle sucrée et fleurie... »
En fait je découvrais le carpaccio de Saint-Jacques.
Le cru de mer depuis ce temps antédiluvien, pensez-donc 5 ans, s’est répandu dans toutes les crèmeries chics de Paris. Le carpaccio sous toutes ses formes, de terre ou de mer, est à la mode, très tendance food comme le brame sur tous les tons le vomisseur de Barcelone.
Le carpaccio encore une invention italienne !
Ce fut en effet, à l’origine, le Filetto al Carpaccio de boeuf recette du Harry’s Bar de Venise.
En effet, un jour de l’année 1950, à Venise dans le Harry’s Bar de Giuseppe Cipriani, l’inventeur du cocktail Bellini cher à Hemingway, la petite brigade s’affairait entre poêles et casseroles, lorsque se présenta la comtesse Amalia Nani Monecigo. Elle commande un verre d’eau qu’elle boit tristement. Son médecin lui a prescrit un étrange régime sans aucune viande cuite et pour combattre son anémie lui a conseillé de consommer de la viande crue.
Face à ce défi, et à l’appétit féroce de la comtesse, Cipriani ne désarme pas, il l’a prie de patienter un moment. Dans sa cuisine, il découpe à la machine du filet de bœuf cru en tranches très fines qu’il arrose de vinaigre balsamique, d’huile d’olive et saupoudre de parmesan.
Elle ne le sait pas encore mais son palais sera légué à la ville par Alviso quatre ans plus tard mais pour le moment elle a faim, très faim et la particularité de son régime épouvante tous les chefs de Venise.
Cipriani ne désarme pas, la prie de patienter un instant et disparait dans sa cuisine, où, rapidement il trouve un idée qui s’avèrera géniale : il réalise un plat de bœuf cru coupé en tranches très fines, arrosé de vinaigre balsamique, d’huile d’olive et saupoudré de parmesan.
Le carpaccio fut ensuite accompagné d’une sauce apprêtée spécialement appelée sauce universelle car elle mêlait des ingrédients venus d’horizons différents, à savoir mayonnaise, ketchup, sauce Worcester, tabasco, crème fraîche, le tout rehaussé d’un rien de Cognac.
Fort bien me direz-vous mais pourquoi avoir baptisé ce plat carpaccio ?
Giuseppe Cipriani, a été marqué, lors d’une grande exposition cette année-là à Venise par « La prédication de Saint Étienne à Jérusalem » un tableau du peintre vénitien Vittore Carpaccio (1456-1526)
Les rouges, que l’on trouve dans les toges des dignitaires, la couverture de sainte Ursule, le corsage de la Vierge, les tentures… lui rappellent le rouge vif du bœuf cru des fines tranches dans l’assiette de la comtesse…
Le rouge est aussi très présent dans d’autres tableaux du maître :
- Retour des ambassadeurs à la cour d’Angleterre et détails :
- Rencontre des pèlerins avec le pape Cyriaque :
Vittore Carpaccio, de son vrai nom Scarpazza ou Scarpazzo, a été très influencé par la peinture flamande et il intègre l’architecture à ses toiles, préfigurant ainsi un genre, les Vedute (paysages urbains). Son style le distingue de la tendance picturale en vogue à son époque.
« Carpaccio naquit vers 1465 et reçut sa formation artistique au cours des dix dernières années du siècle. À cette époque Venise s’apprête à conquérir le titre de la ville la plus triomphante et la mieux gouvernée de l’Occident, comme nous en informe dans ses « Mémoires » Philippe de Commynes, voyageur attentif et fort crédible, émerveillé par cette ville dans laquelle il avait été envoyé en 1495 pour assurer la préparation diplomatique de l’expédition de Charles VIII.
La République de Saint Marc, joue encore un rôle prépondérant en Méditerranée grâce à sa flotte. Le long du Grand Canal, marchés et « fondachi » étrangers prospèrent, et la ville prend son aspect définitif. Les jeunes patriciens ne se contentent pas de fréquenter l’antique université de Padoue, mais ils suivent également les cours de l’École de logique et de philosophie naturelle ouverte au Rialto et d’une autre école d’orientation humaniste, florissante depuis le milieu du XVe siècle près de Saint Marc.
À la fin du siècle, l’on publie à Venise des ouvrages modernes tant par la perfection de leur impression que par la variété des sujets de culture ancienne et contemporaine dont ils traitent, et ce surtout grâce à Aldo Manuzio, qui ouvre son imprimerie en 1489 à Venise et publie des volumes prestigieux. Le renouveau de la vie culturelle bouleversa profondément tous les domaines artistiques à Venise. Les précieuses constructions en marbre de Pietro Lombardo, les édifices nouveaux et anciens, les églises, les « scuole » et les palais s’enrichissent de sculptures, d’objets précieux, de fresques et de peintures typiques du début de la Renaissance. »
Pour 4 personnes
500 gr de rumsteck ou d’araignée de bœuf
1 jaune d’œuf
1 cuillère à café de moutarde
10-15 cl d’huile de colza
sel, poivre
1 cuillère à café de Wocestershire sauce
4 cuillères à soupe de lait entier
Conseils du blog oliaiklod pour tout savoir sur Venise
« Soit vous laissez votre boucher trancher la viande à la machine (mais il faut impérativement la manger le jour-même et veiller à rapidement la placer dans au froid) soit vous la tranchez vous-même en plaçant une demi-heure la viande au congélateur, puis en coupant des tranches ultra fines à contre-fil (pas dans le sens des fibres de la viande mais perpendiculairement) à l’aide d’un très bon couteau en inclinant le couteau pour réduire au maximum les effets de frottement et éviter ainsi de « cuire » la viande (c’est plus facile qu’il n’y paraît!). »
Présenter la viande en rosace sur une assiette (elle peut se conserver filmée 2-3 heures au réfrigérateur, pas plus!).
Préparer la mayonnaise en mélangeant la moutarde, une pincée de sel, le jaune d’œuf. Monter le tout avec l’huile de colza (à doser selon le goût plus ou moins fort en moutarde). Ajouter le poivre, la sauce Worcestershire (et, éventuellement, du ketchup qui n’est pas dans la recette originale). Allonger de lait pour obtenir une sauce fluide. Assaisonner la viande de sauce, servir immédiatement (ne mettre la sauce qu’au dernier moment car sinon elle cuirait la viande).
À servir avec des frites, une salade de roquette. »