Suite au comité national des vins d’AOC du 10 février, Éric Rosaz l’homme-orchestre des vins à l’INAO, qui connaît bien le terrain puisqu’il a tenu pendant des années les rennes des VIF puis a fait un passage à FranceAgrimer, a déclaré :
« Il y a une forte demande de la part des professionnels pour engager une réflexion pour encadrer l’utilisation du mot nature »
Bon prince l’Inao a donc engagé la discussion sur le sujet en invitant à la table l’Association des vins naturels (AVN), pour son expertise en la matière.
« Pour l’instant, la discussion reste générale. La demande émane surtout des viticulteurs bio qui craignent une utilisation galvaudée du mot. »
Alors faut-il ou non donner un cadre strict à cette mention « nature » ?
« Une chose est sûre, le mot est extrêmement valorisant. Il a un fort impact sur les consommateurs.»
Nous y voilà, les va-nu-pieds, les réprouvés, les moqués, les qui font des vins pour bobo-parigot, les exclus de l’agrément, toute cette engeance qui n’a pas accès aux hautes instances, inquiète : pensez-donc ils séduisent les consommateurs.
Tout est dit ou presque : l’objectif est de mettre tout ce petit monde dans les clous, jugulaire-jugulaire, réglementons et tout ira bien dans le meilleur des monde. Bien sûr tout ça pour mieux protéger les consommateurs.
Il suffit de constater la jouissance d’un des plus farouches contempteurs de ces vins d’évier, par ailleurs grand chasseur de fonctionnaires, pour mieux saisir la grossièreté du piège.
Thierry Puzelat vigneron le dit clairement :
« Regardons ce qu'est devenu le cahier des charges vinif bio, malgré les bonnes volontés pour qu'il ressemble à quelque chose. Il suffit d'invoquer des règles pour que les plus mercantiles s'y engouffrent. Comme la plupart des associations de ce type, l'AVN ne pense qu'à communiquer sur ses pratiques, plutôt que de soutenir ses adhérents en les aidant à être toujours plus exigeants. C'est oublier qu'à la fin, les consommateurs sont seuls juges. Un vin sans âme avec le logo AVN sera-t-il plus crédible, qu'avec le logo AB, Demeter, lutte raisonnée ou Sains ??? Tous revendiquent des pratiques vertueuses. Partisans de la méthode mais pas toujours du résultat. »
Que l’on débatte, j’en suis un farouche partisan, mais en posant sur la table un dossier non biaisé, comme nous l’avions fait lors de la réflexion stratégique Cap 2010, avec toutes les parties prenantes et non les caciques habituels et une association en mal de reconnaissance officielle.
En son temps je me suis expliqué ICI
Éric Rosaz qui connaît bien son petit monde n’est pas tout à fait dupe de la démarche engagée : « Le problème est cela ne veut pas forcément dire la même chose pour le consommateur et pour le viticulteur ». Il relève également l’inquiétude de la filière : « On peut se demander s’il n’est pas dangereux de segmenter encore plus les vins bios en ajoutant une mention supplémentaire. Quelle sera perception des consommateurs à ce sujet ? »
Georges Clemenceau ou La Fontaine ?
« Quand on veut enterrer une décision, on crée une commission. »
« Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »