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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 06:00
Carton rouge aux médias : Et si ce buzz d’un typhon dévastateur des vins sans origine n’était qu’un leurre pour mieux cacher le verrouillage des Vin de France ?

Le petit peuple des journalistes généralistes, sur la foi d’une dépêche AFP alambiquée, reprise avec l’objectif évident de faire le buzz par une journaliste du Parisien « Fin de l'indication géographique : avis de tempête dans les verres de vin » ont enfourché l’aubaine comme les moutons habituels qu’ils sont en copiant-collant.

 

C’est normal puisque que dans la presse généraliste tout ce qui concerne le vin est sous-traité à des grands nez très portés sur un consumérisme fort commercial qui vise à attirer des annonceurs. Il ne faut donc pas s’étonner que les journalistes en titre gobent le premier leurre venu.

 

Et c’en était bien un, bien gros, mais si attirant !

 

La vieille RVF s’est elle aussi contentée de reproduire la dépêche AFP même si sur Europe 1 Olivier Poëls tempérait l’emballement avec des arguments qui n’étaient pas les bons.

 

En bon lou ravi libéral Jean-Baptiste Noé, historien et écrivain, rédacteur pour la revue de géopolitique Conflits et chroniqueur à l'Opinion, entonne le « sonnez hautbois, résonnez musettes ! »

 

« Cet assouplissement est une petite nouveauté. Elle change surtout les mentalités : elle apporte plus de liberté aux vignerons, elle permet de développer les vignobles sans indication géographique, et elle ouvre le vignoble vers l’extension, et non plus la régression comme il le connaît depuis vingt ans. À cela s’ajoute l’assouplissement de la loi Evin et la possibilité de mieux parler du vin dans la publicité. 2016 s’ouvre donc sur de belles perspectives viticoles ! »

 

Embrassons-nous donc Foleville, tout va très bien madame la marquise dans le monde du vin français qui va pouvoir enfin mettre le Cap sur le grand large en plantant des vignes pour produire du raisin sans origine !

 

Mais où donc vont être plantées ces vignes ?

 

Dans le Nord-Pas de Calais, la Normandie ou la Bretagne en lieu et place du maïs et des prairies…

 

En théorie oui sauf que « les autorisations de plantations nouvelles pour les vins sans indication géographique (IG), les indications géographiques protégées (IGP) et les AOC, ne devront pas excéder 1 % des plantations des Etats-membres, chaque année. Soit 8.000 hectares maximum pour la France, avec la possibilité de mettre en place des contingents par bassins de production. »

 

C’est le sieur Despey, coopérateur languedocien, qui préside le conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer qui le dit.

 

Et puis, implanter une vigne ce n’est pas comme semer du blé :

 

« Pour planter un hectare, entre les pertes de récolte et les coûts de plantation, il faut compter entre 25.000 et 30.000 euros. Avec aucune aide européenne ! Alors que les replantations seront, elles, aidées à 50 %. Il faut être sûr des débouchés commerciaux… »

 

Alors pourquoi tout ce raffut ?

 

Tout bêtement pour détourner l’attention sur le fait que le système est verrouillé dans les grands lacs de vignes que sont Bordeaux et le Languedoc-Roussillon !

 

Les Échos posent la question à Despey : « Cette réforme concerne également les vins sans indication géographique. Les producteurs du Languedoc-Roussillon pourraient-ils revenir sur ce marché ? »

 

« Je ne pense pas. Sur 13,5 millions d'hectolitres, la récolte 2015 ne compte que 4 % de vins sans IG. Je ne vois pas comment, dans cette région, on va faire des vins sans IG, avec, pour les producteurs, des autorisations à tenir jusqu'en 2030, sans être adossés à des garanties contractuelles des metteurs en marché. Ce serait suicidaire. Le nouveau système s'applique autant sur les IGP, les AOC que sur les vins sans IG. »

 

Du côté de Bordeaux 1 ha sur 400 pour les vins sans origine, y’a pas à dire ça sent le raz-de-marée…

 

2 précisions pour nos journalistes parisiens et régionaux ignares de la chose du vin  :

 

- La France a beaucoup arraché de vignes, surtout dans le Languedoc-Roussillon, mais elle a aussi toujours planté de nouvelles vignes, parfois trop comme à Bordeaux et à Cognac, dans les zones AOC devenues AOP et dans les vins de pays devenus IGP.

 

- Les fameux vins sans IG ne sont pas une nouveauté ils sont les successeurs des vins de table et surtout, depuis le basculement, ils peuvent être étiquetés Vin de France avec mention du cépage et du millésime.

 

Et c’est sur ce dernier point que les choses fâchent les grands mamamouchis qui disent piloter notre grand vignoble : ces putains de Vin de France chers aux naturistes échevelés.

 

Ils ne sont certes qu’une goutte d’eau dans le fleuve des vins français mais comme l’AOC et l’IGP sont des revendications le producteur qui sollicitera une autorisation pour des plantations IGP ou AOC pourra basculer vers le sans IG s'il le souhaite, mais pas l'inverse.

 

En clair :

 

- J’ai 1 vignoble classé AOP ou IGP je peux faire du Vin de France à ma guise.

 

- Je sollicite 1 autorisation pour planter de nouveaux ha AOP ou IGP cette faculté de faire du Vin de France reste dans le champ de mes possibilités.

 

- Je sollicite 1 autorisation pour planter de nouveaux ha en VSIG je pourrai faire des Vins de France mais pas d’AOP et d’IGP.

 

Le système est donc bien verrouillé.

 

C. LIMITATIONS POUR LES VSIG

 

VSIG - départements 67 et 68 : 0,1 ha

 

VSIG - départements 54, 55, 57 et 88 : 0,5 ha

 

VSIG Bassin Val de Loire zone 1 (Centre Loire) le département 18 en totalité et les départements 36,45 et 58 en partie, conformément à la liste des communes de la zone 1 précisée ci-dessous : 1 ha

 

VSIG Bassin Val de Loire zone 2 (dept 41, 44, 49 et 86)  75 ha

 

VSIG Bassin Val de Loire zone 3 - autres vignobles Les départements 79,72,37,85,03,63 en totalité et les départements 36 et 45 en partie, conformément à la liste des communes de la zone 3 précisée ci-dessous : 5 ha

 

VSIG Aire géographique AOP CHAMPAGNE les communes de l'aire géographique de l'AOP Champagne 0,1 ha

 

VSIG Bassin Vallée du Rhône Provence Tout le bassin hors les communes du département du Gard situé dans ce bassin : 50 ha

 

VSIG - département 33 : 1 ha

 

VSIG - départements 24 et 47 : 25 ha

 

Ces chiffres font vraiment frémir, sèment la terreur tout particulièrement en Champagne avec ses 0,1 ha pour les Coteaux champenois... La Bérézina quoi !

 

Du côté South of France ils s'en tamponnent le coquillard vu qu'ils pratiquent depuis des lustres les joies de la mixité...

 

Lorsque Despey déclare « … pour ma part, je continuerai à produire un IGP Pays d'Oc. On n'est pas compétitifs sur les vins sans indication géographique, car les metteurs en marché n'ont pas contractualisé sur des volumes suffisants. Et nos terroirs de plaine ne sont pas adaptés à ce type de production. » il a tout à fait raison sauf que notre vignoble presque 100% origine produit des vins en grande partie vendus à 2 balles dans la GD !

 

Compétitivité vous avez dit compétitivité !

 

Nous raisonnons, appuyés sur 1 marché domestique encore très important, alors que nous sommes un pays très exportateur, comme si nous vivions dans un système fermé.

 

Réduire la gestion du potentiel de production à une petite tambouille administrative franco-française abritée derrière une ligne Maginot est le plus sûr moyen d’enkyster le système et de ne pas le préparer à l’évolution des tendances de la consommation.

 

La grosse usine à gaz ICI ne fera que conforter les situations acquises et alimenter une ressource soi-disant d’origine mais qui ne débitera que des vins formatés, cousins germains des vins industriels sans en avoir la rentabilité.

 

Et pendant ce temps-là les ODG traqueront les affreux jojos qui ne veulent pas entrer dans le moule de leur dégustation réductrice…

 

Pour quel bénéfice ?

 

Même pas le leur avec des vins qui finiront chez Lidl !

 

Récemment, avec une amie, nous nous sommes retrouvés dans un bar lambda, nous avons choisi de boire un verre de Sancerre. Pour être gentil disons que ce fut un petit blanc sans intérêt… si c’est cette insignifiance que l’on souhaite il ne faudra plus s’en prendre au père Évin ou à ses frères constipés de l’ANPAA si notre belle jeunesse préfère se licher des vins nus estampillés vin de France.

 

Si je peux comprendre la hantise en Languedoc du retour d’un vignoble pissant l’hecto pour un négoce prédateur, j’ai beaucoup plus de mal à admettre l’acharnement déployé par les zinzins AOP contre la production de vins à faible rendement, bien vendus, dit vins nus.

 

Si la peur de la surproduction obsède vraiment les grands régulateurs du vignoble AOP je me permets de leur signaler qu’ils ont à leur disposition un outil principal très puissant dans les vins d’origine : la fixation annuelle des rendements et un autre pas si accessoire qu’on le prétend : la chaptalisation.

 

Beaucoup de bruit pour rien sauf la démonstration d’un mal bien français : l’enfumage au nom de grands principes !

 

Le plus drôle dans cette affaire c’est que la majorité des vins sans origine seront estampillés Vin de France. Franchement notre identité fout le camp !

 

L'interview d'Olivier Poussier par un journaliste d'E1 Pierre de Vilno ci-dessous est la démonstration que l'intervieweur ne balance que des lieux communs, il ne connait rien au dossier, c'est niveau café du commerce, alors qu'Olivier Poussier tente vaille que vaille de remettre les pendules à l'heure...

Carton rouge aux médias : Et si ce buzz d’un typhon dévastateur des vins sans origine n’était qu’un leurre pour mieux cacher le verrouillage des Vin de France ?
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commentaires

M
Et n'hésitez pas à corriger mes horribles étourderies dans le commentaire précédent: aucun des ministres... n'a voté, les ministres...ont refusé. Je n'aime déjà pas trop de telles fautes chez les autres, a fortiori les miennes!
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M
Je parlais des fautes d'orthographe...
J
Mais non les Ministres ont voté la réforme le Français en tête...
M
Merci Jacques et tout à fait d'accord avec votre mise au point. Sur cette question de la fin de l'encadrement des plantations, il convient de rappeler un peu l'histoire récente: Il y a près de 10 ans, la Commission Européenne a proposé une réforme complète de la réglementation viti-vinicole. En 2007, aucun des ministres (qui décident) n'a votés contre la réforme prévoyant la fin des droits de plantations pour 2015 pour toutes les types de vignes. Entre-temps, le ministre français, aidé des représentants des AOC françaises et de quelques rare européennes, qui craignaient de perdre leur contrôle sur la production et leurs marges qui en découlent, a réussi à convaincre les autres ministres pour décider de donner aux Etats-membres la possibilité d'encadrer les plantations IGP et AOC. Bon, on pourra donc théoriquement produire partout plus de vin sans IG uniquement, pourvu que le climat ne soit pas trop humide, du moins pas rattrapable à grands coups de fongicides et de chaptalisation. C'est d'ailleurs pour cette raison que les ministres danois, néerlandais, allemand... pourtant toujours prompts à défendre l'intérêt des consommateurs dans d'autres domaines, ont refusés, lors de l'adoption de cette même réforme, que la mention de la chaptalisation de certains vins soit mentionnée sur l'étiquette et donc portée à la connaissance des consommateurs. Malgré ces informations lacunaires, in fine, c'est toujours le consommateur compare, choisi, paye et juge. En France, comme dans le reste du monde, et à l'exception d'une élite restreinte qui ne peut pas, à elle seule, faire vivre la filière française, il faut de bons vins à des prix abordables. Et à trop contraindre les autres pour protéger sa vigne-carrée, on fini par se contraindre soi-même...
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D
tres bonne mise au point. pour moi entre un bon vsig et un mauvais aoc, mon choix est fait. les consommateurs sont beaucoup moins polemiques que les professionnels. 1000 mercis !
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D
In Vino veritas ! Seule la degustation sera legitime. Entre un vsig bon et un vin d'aoc mauvais, mon choix est fait. merci pour cet article precis. Jean Michel Deluc
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P
Il est bon, le taulier, quand il fait dans la pédagogie. Je signale à l'ami Poussier (allez les Verts !) qu'il existe déjà une exploitation viticole en Normandie (www.arpents-du-soleil.com) dont les vins bénéficient de l'IGP "Vin de pays du Calvados-Grisy". Toujours dans l'insolite, du chardonnay a été planté sur un terril du Pas-de-Calais. Quant à la Bretagne, qui peut déjà revendiquer le vignoble nantais, elle possède elle aussi des vignes et envisage d'en planter d'autres notamment dans le Morbihan. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau puisque "le pays de Redon, les bords de la Rance, les presqu'îles de Rhuys et de Guérande fournissaient encore au XXe siècle des vins et dérivés dûment commercialisés à partir de vignobles en exploitation régulière", écrit Guy Saindrenan dans son ouvrage "La vigne et le vin en Bretagne", paru en 2011 aux éditions Coop Breizh (www.coop-breizh.fr). Il existe d'ailleurs une Association pour le renouveau des vins bretons.Bonne journée.
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