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9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 06:00
Lydia et Claude Bourguignon apôtres de la vie des sols  lanceurs d’alerte depuis 25 ans et nous que faisons-nous ?
Lydia et Claude Bourguignon apôtres de la vie des sols  lanceurs d’alerte depuis 25 ans et nous que faisons-nous ?

Je suis un ignorant et pourtant la terre, son labour, d’abord avec la charrue Brabant de mon pépé Louis tirée par sa paire de bœufs blancs, puis celle de mon père : la charrue Bonnel tractée par son SFV, fait partie de mon ADN. À l’École d’Agriculture de la Mothe-Achard on m’a enseigné les grands principes de l’agronomie mais, je l’avoue humblement, à partir de là j’en suis resté aux images de mon enfance d’une terre vivante où grouillaient les hachets (les vers de terre).

 

Oui, j’avoue que pendant fort longtemps je n’ai eu aucune conscience des ravages sur la vie du sol lui-même de la nouvelle agriculture productiviste.

 

Mon souci de consommateur était de trouver des produits bons et sains et de préserver la qualité des eaux.

 

Lorsque Lydia et Claude Bourguignon ont pris la tangente de l’INRA, en 1990, j’étais aux manettes au 78 rue de Varenne mais les échos de leur combat ne sont pas remontés jusqu’à nous. Responsabilité partagée entre ceux qui tenaient les manettes de la recherche agronomique et nous-même trop préoccupés par le quotidien chahuté du Ministère de l’Agriculture.

 

Et puis pour moi vint le temps, à la fin des années 2000, de me pencher sur le devenir des vins français face au défi des vins du nouveau monde. À la page 23, de mon rapport éponyme j’énonçais :

 

Les 4 objectifs du « Nouvel Elan des Vins Français pour 2010 »

 

Et le premier était a) devenir leader en matière de pratiques respectueuses de l’environnement...

 

Là encore, dans le grand débat qui s’est instauré autour de René Renou et du groupe stratégique, cet objectif ne reçut qu’un accueil poli mais non suivi d’effets.

 

La responsabilité de ce grand silence doit être prioritairement portée par le conservatisme des grands maîtres du vignoble, que je dénommais les grands mamamouchis, et par la frilosité des pouvoirs publics.

 

Mais, il en est une autre, qui ne doit pas être esquivée, celle de ceux qui aujourd’hui se qualifient « d’interface et de passeur » et cherchent, disent-ils, «à transmettre à tous les viticulteurs soucieux de continuer l’histoire passionnante de nos grands vins.» La presse du vin, les grands dégustateurs le nez rivés sur leur verre, étaient aux abonnés absents.

 

Il est des temps où les combats sont courageux, d’autres, lorsque vient la célébration de ces combats, plus confortables.

 

J’étais présent à Dijon lorsque Lydia et Claude Bourguignon ont fêté le 25e anniversaire de leur laboratoire. Attentif, j’ai pris des notes, nous étions entre nous, des convaincus, voire des militants, et il était réconfortant d’entendre témoigner les ouvriers de la première heure, tel ce vigneron bourguignon, assumant les choix d’après-guerre tout en exprimant avec la chaleur de son cœur son engagement pour redonner un sens à sa vie de paysan-vigneron et transmettre une terre vivante à ceux qui lui ont succédé.

 

Comme l’a justement souligné Claude Bourguignon dans son introduction « nous ne sommes qu’une partie de la solution » et, par-delà l’émotion d’un bel anniversaire, ce qui est en jeu c’est d’élargir le cercle des convaincus, de passer du statut de minoritaire à celui de modèle de référence.

 

C’est un défi d’importance face à un bloc solidement ancré sur un syndicalisme peu enclin à abandonner des pratiques qui ont structuré tous les outils : techniques, financiers, commerciaux… mis en place par eux.

 

Le pouvoir politique, quel qu’il soit, est peu enclin à ouvrir de nouveaux fronts si le rapport des forces reste aussi disproportionné. Les bonnes intentions se diluent dans le quotidien d’une société qui n’assume pas ses contradictions. Lors de la dernière manifestation parisienne des « agriculteurs » les gros tracteurs qui ont envahi Paris ont été chaleureusement applaudis. 

 

Le combat des époux Bourguignon, et de bien d’autres, ne prendra de l’ampleur que si le consommateur-citoyen change radicalement ses pratiques d’achat. À trop charger la mule des politiques on se trompe de cible : si l’opinion publique inverse ses comportements, croyez-moi ils galoperont derrière elle.

 

Et c’est là que le bât blesse, que la partie est loin d’être gagnée !

 

Les minorités agissantes ont, souvent à juste raison, une propension à dramatiser, mais cela ne suffit pas à inverser la tendance d’une consommation qui a perdu ses repères comme l’écrit Géraldine Meignan dans les réseaux de la malbouffe : « Autrefois, tout était simple. Ou presque. L’approvisionnement venait d’un écosystème local et diversifié et le consommateur avait une relation sinon avec l’agriculteur, du moins avec le commerçant. L’urbanisation s’est accompagnée de la dilution du lien social entre les producteurs, les aliments et les consommateurs. Le chemin entre le champ et l’assiette est devenu interminable, avec des filières industrielles d’approvisionnement étirées impliquant des producteurs, des traders, des grossistes et des sous-traitants répartis aux quatre coins du monde. La mondialisation des échanges, la banalisation des produits issus de l’agriculture et de l’élevage qui met les denrées alimentaires au rang de matières premières soumises aux lois du marché, la standardisation de l’industrie alimentaire, font que nous ne savons plus ce que nous mangeons. »

 

« En moins de vingt ans, la mondialisation a profondément modifié ce que nous mangeons. Les plats surgelés, le poisson, les légumes en conserve mais aussi les produits « bio » et les compléments alimentaires ont rejoint les téléphones portables et les écrans plats dans la liste des produits low cost importés d’Asie. Des conteneurs de nourriture affluent chaque jour sans relâche aux portes de l’Europe. Année après année, l’industrie agroalimentaire va chercher toujours plus loin et toujours moins cher des produits qu’elle trouvait autrefois à sa porte. »

 

C’est la triste réalité et ne pas aimer la réalité ne change pas la réalité, on ne fera pas s’inverser la tendance des modes de consommation avec simplement de bonnes intentions ou des appels au repli sur soi.

 

Les agriculteurs, les éleveurs, les vignerons seront d’autant plus incités à se défaire d’un système qui les ravale au rang de fournisseur de minerai, en concurrence avec l’ensemble des producteurs du monde, pour une poignée de grands groupes agro-alimentaires fournisseurs d’une forme de distribution qui privilégie le prix, s’il trouve en face d’eux une demande capable de valoriser leurs produits.

 

Si c’était simple ça se saurait.

 

Alors que faire ?

 

J’ai tenté d’y répondre dans une chronique récente « et si, au lieu de continuer de vous la jouer le bon, la brute et le truand, vous demandiez aux autres de décrocher la lune ?» 

 

Anselme Selosse nous a dit « à l’école d’agriculture on m’a appris à maîtriser, à dominer la nature, à exploiter mon sol… J’étais un colon dominateur qui ne respectait pas les indigènes… »

 

Nous les consommateurs nous sommes tous de grands prédateurs mais nous sommes si loin de la nature que nous nous réfugions dans une rhétorique bien commode, confortable : tout ça c’est la faute au Système, alors que nous sommes aussi un maillon, aussi petit soit-il, de ce système…

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commentaires

J
Chez nous, en Wallonie, les circuits courts se développent d'une façon exponentielle aussi bien pour le lait et ses dérivés, que pour légumes, viandes et autres..... Jacques Verpoorten
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