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2 octobre 2015 5 02 /10 /octobre /2015 06:00
Muséification ou résurrection des sites inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco ? par François Morel du LeRouge&leBlanc…

« Des dispositifs de protection du patrimoine se mettent en place en France dès la Révolution française. Mais c’est véritablement au XIXe siècle que naît une politique publique du patrimoine avec la création du concept de monument historique. Tout au long du XXe siècle, la législation de protection du patrimoine s’étoffe et accompagne l’évolution de la notion même de patrimoine, constitué désormais de biens matériels et immatériels. Sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) se met place en 1972 l’idée de patrimoine mondial de l’humanité. 100 ans après l’adoption de la loi de 1913 sur la protection des monuments historiques, un nouveau projet de loi sur les patrimoines a pour ambition de rendre les dispositifs de protection « plus lisibles mieux adaptés aux enjeux actuels et futurs ».

 

Le patrimoine est-il illimité : du matériel à l’immatériel ?

 

« À partir des années 1960, la notion de patrimoine connaît une extension considérable. Les mutations de la société française révèlent un patrimoine rural et un patrimoine industriel menacé. La notion de patrimoine culturel s’enrichit et intègre progressivement : le patrimoine naturel (jardins et parcs historiques, sites naturels, paysages culturels, parcs naturels nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles, opérations grands sites), le patrimoine archéologique (sites mégalithiques, romains, grecs, patrimoine subaquatique...), le patrimoine industriel, scientifique et technique (bâtiments et sites industriels, anciennes mines, écomusées), le patrimoine maritime et fluvial (navires à voile, phares, ensembles portuaires, fortifications, écluses, berges, ponts anciens).

 

Avec la convention de l’Unesco de septembre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, ratifiée par la France en 2006, le patrimoine s’enrichit avec les pratiques, savoirs et représentations, qui permettent « aux individus et aux communautés, à tous les échelons de la société, d’exprimer des manières de concevoir le monde à travers des systèmes de valeurs et des repères éthiques. Elle couvre les traditions et expressions orales, y compris les langues, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. Elle va trouver des terrains d’application. Ainsi, la mention des langues comme patrimoine immatériel conduit à reconnaître la possibilité d’une coexistence de langues régionales avec la langue française. Ainsi la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 reconnaît les langues régionales comme faisant partie du patrimoine et les fait entrer dans la Constitution. La création, en 2010, d’un Institut national des métiers d’art participe à l’entretien d’un patrimoine culturel matériel et immatériel vivant. Les fonds de bibliothèques, les archives participent aussi de ce patrimoine immatériel.

 

L’élargissement sans fin du patrimoine, on parle d’illimitation patrimoniale, pose la question du risque d’une dilution des enjeux immédiats de la conservation et de la valorisation du patrimoine (Conseil d’analyse économique, « Valoriser le patrimoine culturel de la France », 2011). »

 

Dilution ça me rappelle quelque chose : le sort réservé à l’AOC pour tous…

 

Pourquoi pas les vignes, les caves, les paysages viticoles !

 

Certes, mais il s’agit d’un patrimoine vivant lié à une activité économique et marchande soumise à la concurrence internationale et la contradiction entre préservation et imbrication dans le modèle productif dominant est posé.

 

La viticulture française, comme l’ensemble de l’agriculture, en dépit de sa structure d’exploitations de faible dimension, s’est moulé dans ce modèle après la 2de guerre mondiale. L’appel d’air du Marché Commun puis de la mondialisation a amplifié le mouvement.

 

Le modèle AOC, fondé sur une forme du contrôle de l’offre par les rendements, n’a pas échappé au mouvement et son extension a de plus en plus de mal à masquer l’ambiguïté dans laquelle se meuvent beaucoup d’appellations tournées vers les marchés de masse à faible prix.

 

Bien évidemment pour maintenir prestige et notoriété, on met en avant les pépites, un peu l’arbre qui cache la forêt, sans être forcément regardant sur l’état de ces joyaux anciens.

 

S’interroger, poser des questions qui fâchent, ce n’est pas dénigrer, jouer à l’oiseau de mauvaise augure, mais bien au contraire travailler à remettre du contenu dans la notion même de terroir qui se doit d’être vivant pour traverser les temps à venir et faire perdurer notre singularité.

 

Si nous n’y prenons garde nous perdrons nos avantages comparatifs, nos valeurs à la double acception de ce terme, et nous ne serons qu’un pays parmi d’autres dans le grand maelström de la mondialisation.

 

Afin de ne pas aggraver mon cas je me suis bien garder de commenter la dernière fournée d’inscriptions au Patrimoine Mondial de l’UNESCO des « coteaux, maisons et caves de Champagne » et les « climats de Bourgogne ».

 

Tout le monde s’en félicite, ou presque.

 

J’attendais avec gourmandise ce qu’allait en dire François Morel l’éditorialiste du LeRouge&leBlanc. C’est donc sans surprise que dans le N°118 il écrit :

 

« Pour qui parcours régulièrement et attentivement ces vignobles, parmi bien d’autres – sans doute ni mieux ni moins bien lotis, mais moins puissants et aucunement prétendants à une telle inscription –, il y aurait quelques raisons de les inscrire tout aussi bien dans la moins glorieuse catégorie « Patrimoine en péril » : nombre de parcelles des coteaux champenois et des climats bourguignons sont aujourd’hui – disons-le franchement – indignes de leur prestigieuse histoire et de leur réputation (et du prix élevé de leurs vins).

 

« Des décennies de culture intensive, avec son cortège de traitements divers, ont mis une grande partie de ces vignobles dans un état rien moins que « vivant », plutôt dans un état de survie assistée. Il est vrai qu’on peut constater depuis 15 à 20 ans une dynamique de retour à la vie des sols et de ces paysages de la part de vignerons conscients de la catastrophe, mais ces vignerons – qui retiennent toute l’attention de LeRouge&leBlanc – sont encore très minoritaires. »

 

Morel pose l’alternative suivante à propos de ces inscriptions :

 

  • Muséification, avec ce que cela suppose de contentement de soi définitif et de satisfaction de l’état des choses. Un chant funèbre en quelque sorte ;

  • Ou, portent-elles – comme on peut l’espérer – l’ambition de faire vivre authentiquement ces « biens culturels » en haussant l’exigence à un niveau négligé depuis trop longtemps ?
  •  

Je ne vois pas au nom de quoi l’INAO, qui va se commettre dans le classement mercanti de Saint-Emilion, se désintéresse d’un tel sujet. Il est d’utilité publique que sa direction, poussée par le commissaire du gouvernement, le prenne à bras le corps pour bousculer l’inertie et le conservatisme des dirigeants professionnels.

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commentaires

A
Moi j'achète les bouteilles qui ont une belle étiquette dorée, médaille d'or au concours général agricole ou même à tel concours des vins. Car, j'en suis persuadé, c'est comme dans l'Educ Nat trois points zéro, on vise l'excellence pour tous et partout. Notre Ministre de l'Educ Nat devrait limiter l'évaluation des étudiants (on est étudiant maintenant de la maternelle à l'Enseignement Postérieur) à Médaille d'or, Médaille de bronze. Ce serait binaire, pardon "numérique" et donc ce qui se fait de mieux. Et pas de promotion, pas de tête de gondole pour les enseignants qui ne sont pas foutus de produire 99% de médaillés. Comme ils sont juges et partie, ils devraient y arriver. <br /> <br /> Moralité : il vaut mieux être ministre de l'Educ Nat que ministre du travail. Et notre ministre de l'Educ Nat valorise notre patrimoine immatériel, le seul qui compte, l'humain.<br /> <br /> A la vôtre
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