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5 octobre 2015 1 05 /10 /octobre /2015 06:00
les fondus du champagne t.4 – extrait  sous la plume de Cazenove et Richez et le dessin d’Olivier Saive

les fondus du champagne t.4 – extrait sous la plume de Cazenove et Richez et le dessin d’Olivier Saive

« L’Attila des vignes est à Bordeaux en 1866 et, remontant inexorablement vers le nord, envahit progressivement le territoire… sauf la Champagne qui reste indemne jusqu’au milieu des années quatre-vingt. Les Champenois considèrent avec commisération le fléau qui s’abat sur les vignerons incapables de s’occuper de leurs vignes avec autant de soin qu’eux. Ils ne sont nullement inquiets jusqu’à ce que le parasite se manifeste le 8 juillet 1888 dans l’Aube puis le 5 août 1888 dans l’Aisne. Le mal fond sur la Marne en août 1892, s’étend lentement, frappe soixante-quatre hectares en 1898, puis peu à peu plus de de la moitié du vignoble champenois. Les recettes utilisées pour lutter contre le ravageur sont diverses et pour l’essentiel inefficaces. Les vignerons champenois résistent à l’utilisation d’une méthode que d’autres régions viticoles mettent en œuvre depuis les années quatre-vingt, la greffe des plants nobles sur porte-greffe américain dont les racines résistent au parasite. »

 

« … la reconstitution du vignoble champenois à partir de plants greffés débute en 1897 et progresse ensuite jusqu’à se généraliser après la Première Guerre mondiale. On profite de ces bouleversements pour rénover les pratiques culturales et toiletter la règlementation passablement laxiste, jusqu’à l’excès et l’arbitraire qui aboutira à la révolte de 1911… »

 

Extraits de 2 chroniques de 2005 :

 

1907 : le raisin ne valait rien. 1908 : vendanges de nains. 1909 : la pourriture partout, des fumées grises, infectes, planaient sur les plateaux des pressoirs. 1910 : rien ne manqua, orages, gel, grêle, mildiou. On n'aurait pas fait une tarte avec tous les raisins de Champagne, tant la vendange était transparente. Il suffisait que la maladie entre dans un ménage pour que la ruine soit complète. Des terres qu'on se disputait autrefois comme on se dispute la vie ne trouvaient plus d'acquéreurs. Des vignerons quittaient leurs maisons, laissaient leurs terres aux friches. Mais le négoce se sucrait sur cette misère. »

 

« Les fraudeurs fabriquaient du Champagne avec n'importe quoi, des rebuts d'Anjou ou de Meuse, des piquettes achetées au comptant sur le quai des gares à des intermédiaires sans visage, et avec du cidre s'il le fallait. L'argent rentrait.

 

Les vignerons doutaient de tout, et même du ciel. Qu'est-ce qui leur restait ? Le front bas, la hargne, les hymnes provisoires, les drapeaux rouges qu'ils pendaient aux frontons des mairies. La fraude leur donnait le tournis. L'agitation seule arrivait à calmer leur souffrance du travail nié et insulté... »

 

C'est extrait d'un beau roman de Daniel RONDEAU " Dans la marche du temps " pages 126-127 chez Grasset.

 

« … Cette année-là, un arrêté limite à la Marne l’appellation contrôlée « champagne ». Après les épreuves subies, la situation des cultivateurs en général très petits propriétaires, est précaire. L’exclusion de l’Aube du périmètre de l’appellation contrôlée est un coup terrible. La contestation s’organise autour de Gaston Cheq, un petit viticulteur socialiste baralbin. En ces temps difficiles, les vignerons roses ou rouges. Ils ont bien changé depuis ! Malgré la forte mobilisation, les contestataires obtiennent seulement de dénommer leur breuvage « vin jaune pétillant », beaucoup ajoutent « … de Champagne ». Il faudra attendre 1927 pour que l’appellation contrôlée actuelle d’environ trente-deux mille hectares soit adoptée, avec environ vingt mille hectares dans la Marne, huit mille dans l’Aube, le reste dans l’Aisne, la Haute-Marne et la Seine-et-Marne.

 

« Cette aire d’AOC est en extension d’environ dix pour cent depuis 2009, déclenchant toutes les convoitises. En effet, le temps des vignerons champenois pauvres et révolutionnaires est bien révolu. Le prix de l’hectare de vigne en AOC est aujourd’hui révolu. Le prix de l’hectare de vigne en AOC est aujourd’hui d’un million et demi d’euros sur la montagne de Reims, de un million dans l’Aube ! Dans mes terres de Mussy-sur-Seine où je serai dans deux jours, un hectare de friches sur les coteaux est vendu au plus trois mille euros. Ce prix, s’il devient AOC, sera multiplié par… trois cent trente-trois ! De quoi déchaîner les passions. En effet, elles se déchaînent. »

 

Extrait d’une chronique du 25 janvier 2008 « Je rêve d'épouser la veuve du sacristain de Bouzy... »

 

« Mais, comme j’ai mauvais esprit, je fais un rêve : moi qui ne suis qu’un plumitif besogneux, un ersatz de haut-fonctionnaire, un petit rapporteur non patenté, cette révision champenoise pourrait m’ouvrir de brillantes perspectives, m’engager sur la voie royale d’une fin de carrière vigneronne. Moi qui ai tâté de la vigne avec le frère Bécot, à l’Ecole d’Agriculture de la Mothe-Achard, complanter et faire pousser de la vigne dans un ancien potager semble à ma portée. Le problème pour moi c’est de mettre la main sur le potager. Alors, toujours en rêve bien sûr, je me dis qu’il me faut me mettre en chasse sur Meetic, traquer la veuve du facteur ou l’ex-femme du sacristain de Bouzy, tchatcher, la séduire, me renseigner discrètement sur l’existence du potager, la demander en mariage, l’épouser sous le régime de la communauté de biens et me réveiller un beau matin à la tête d’un lopin Aoicisé, plus précieux que le sable d’un bout de désert d’Abu Dhabi, où chaque motte de terroir sera plus coûteuse qu’un gramme de caviar, l’extase absolu du néo-propriétaire. Fermez le rêve ! Mais, après tout, je suppose qu’il va y en avoir des néo-vignerons après la révision et que le modèle champenois leur fera produire les kilos de raisins ad hoc. Bienheureux les vignobles pilotés par l’aval car ils font éclore des vignerons heureux. Je plaisante et je rêve, bien sûr, et les champenois m’absoudront de mes mauvaises pensées. »

 

« Là, apparemment, rien de nouveau sous le soleil de l’INAO, les commissions d’experts travaillent sur les 319 communes de la zone de l’appellation avant de passer le parcellaire au crible. Je ne vous fais pas un dessin, pour les intéressés c’est une partie de cache-cache, le loto, l’euro millions, le paradis futur des plaideurs, en être, ne pas en être, en avoir été et y revenir, être exclu… quand le coefficient multiplicateur avoisine 100 pour un lopin de terre à betteraves ou un taillis, le facteur temps est essentiel. Le temps est politique. Rappelons qu’il s’agit d’une révision pas d’une extension mais qu’en définitive l’aire va s’enrichir d’un certain nombre d’hectares permettant d’alimenter la croissance. Combien, demande le naïf que je suis ? Pas de chiffres avancés, bien sûr, trop d’hectares ajoutés effraieraient le Monde, pas assez renforcerait l’inflation des prix du foncier et gripperait la belle mécanique. Alors, en un bel euphémisme on me répond que l’adjonction se devra d’être significative. Avec un soupçon d’ironie, on ajoute que cette progression ne sera pas entachée du soupçon de délit d’initié que recelait la distribution des nouveaux droits de plantation et, toujours très sérieusement, on ajoute auprès de moi qui suis bon public, et même si certains puristes de l’AOC, intégristes ou hommes des terroirs, vont rire jaune, que la belle mécanique inaoiste va renforcer le niveau qualitatif du vignoble champenois qui, rappelons-le fut formaté d’une manière très administrative en un temps où ni le raisin, ni l’hectare n’étaient rare. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes en Champagne... »

 

en italiques c’est signé Axel Khan, médecin généticien et essayiste, ancien Président de l'Université Paris Descartes, le frère du tonitruant Jean-François, dans Pensées en chemin Ma France, des Ardennes au Pays Basque.

 

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